Les recommandations de la HAS pour repérer et aider les femmes victimes de violences

02/10/2019 Par Marion Jort
Santé publique
La Haute Autorité de santé a dévoilé mercredi 2 octobre ses recommandations pour aider les professionnels de santé de premiers recours, du médecin généraliste au dentiste, à repérer et à agir pour aider les femmes victimes de violences au sein d’un couple. 

En France, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint et 219 000 femmes subissent chaque année des violences au sein de leur couple. D’après les chiffres communiqués par la Haute Autorité de santé, 3 à 4 femmes sur 10 présentes dans les salles d’attente des médecins seraient victimes de violences conjugales et 1 victime sur 5 a consulté en premier lieu un médecin suite à un incident. 

Les médecins sont donc en première ligne pour repérer et aider ces femmes victimes, en particulier les médecins généralistes, notamment parce que le cabinet de consultation est très souvent l’un des seuls endroits où ces femmes peuvent se retrouver seules. Mais comment ? Beaucoup de professionnels se trouvent aujourd’hui démunis. La Haute Autorité de santé a donc publié, mercredi 2 octobre, des recommandations pour guider dans la prise en charge et le repérage.  

Dentistes, sages-femmes, infirmières, gynécologues, kinés et bien sûrs médecins généralistes… Tous les professionnels du premier recours sont les principaux concernés par ces recommandations. “Ce n’est pas uniquement un sujet pour les assistantes sociales et la police”, affirme le Dr Ghada Hatem, gynécologue obstétricienne et fondatrice de la Maison des femmes à Saint-Denis (93).

“On sait que les médecins ont déjà beaucoup à faire au quotidien, poursuit-elle. On veut faire passer le message que ça ne prend pas beaucoup plus de temps. L’idée ce n’est pas de soigner la patiente en une séance, mais d’ouvrir une porte.”  

 

Repérer  

La Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, insiste d’abord sur la notion de systématisation à chaque consultation pour éviter que les patientes ne se sentent stigmatisées. A l’instar d’un questionnement sur les drogues et addictions, il faut que tous les professionnels prennent l’habitude de questionner leurs patientes. Cela doit être fait en gardant à l’esprit que le phénomène concerne “tous les âges de la vie et tous les milieux sociaux”.  

Dans le cabinet, il est également recommandé de mettre des affiches en évidence sur le thème de la violence au sein du couple ainsi que des brochures à disposition. La consultation doit se faire seule, même si un conjoint insiste pour y participer.  

La plupart des femmes ne parlant pas spontanément des violences qu’elles subissent, il faut ensuite...

questionner sans signes d’alertes pendant l’anamnèse pour s’enquérir du sentiment de sécurité de la patiente avec des questions telles que : “Comment vous sentez vous à la maison ?”, “Comment votre conjoint se comporte-t-il avec vous ?”, “En cas de dispute, cela se passe comment ?”, “Comment se passent vos rapports intimes ?”, “Avez-vous peur pour vos enfants ?”, “Avez-vous déjà été victime de violences au cours de votre vie?”, “Vous êtes-vous déjà sentie humiliée par votre partenaire ?”. Si la patiente reste fermée, il est aussi possible de poser la question de manière détournée : “avez-vous vécu des choses difficiles ?” La HAS recommande de préciser à la patiente que ces questions sont posées à toutes les femmes et d’expliquer pourquoi elles le sont.  

Aucune symptomatologie n’est spécifique aux violences faites aux femmes. Ce qui peut alerter le médecin, ce sont des attitudes craintives chez la patiente : un manque de confiance en soi, un isolement social, une explication confuse et fluctuante sur des blessures ou un refus d’être examinée.  

Les conséquences sur la santé peuvent être des troubles dépressifs ou psychosomatiques, des "symptômes physiques chroniques inexpliqués", ou des "lésions traumatiques, surtout si elles sont répétées". Autre signal d’alerte : le cas d'un homme qui accompagne sa partenaire au cabinet médical, se montre "trop impliqué", "répond à sa place" ou "minimise les symptômes". La HAS a résumé la plupart de ces symptômes en un tableau.  

La HAS insiste également sur la spécificité du repérage de femmes victimes de violences par toutes les spécialités. Des chirurgiens-dentistes référents violences ont par exemple été désignés dans chaque département avec pour mission d’organiser des temps de sensibilisation et d’information sur les violences au sein d’un couple, ainsi que d’identifier les acteurs locaux (institutionnels et associatifs) vers qui les victimes pourraient être orientées.  

Les signes qui peuvent les alerter...

sont les suivants : récidive de fracture dentaire, plaies de la face ou des muqueuses buccales, hématomes, troubles de l'occlusion, douleur de l’articulation temporo-mandibulaire, attitude “trop” résistante à la douleur.  

 

Protéger les enfants  

“C’est notre travail quotidien d’être le médecin de famille et de considérer le contexte social”, explique le Dr Mathilde Vicard-Olagne, médecin généraliste à Clermont-Ferrand ayant participé aux groupes de travail ayant conduit aux recommandations. Les agissements des enfants peuvent, en effet, servir d’alarme. Si l’on observe une rupture dans le comportement, une rupture scolaire, un repli sur soi, une régression dans les acquisitions ou, au contraire, une maturité précoce, des troubles (alimentaires, du sommeil), des douleurs répétées ou enfin une mise en danger… cela peut être un indicateur de maltraitance au domicile familial.  

Considérer l’impact sur les enfants permet également de mobiliser les mères dans les démarches à entreprendre pour s’extraire de la situation.  

 

Comment agir ? 

Plusieurs cas de figure s’imposent aux médecins. En cas de situation jugée grave, il est possible de conseiller de porter plainte, d’informer du droit de quitter le domicile conjugal avec les enfants, l'orienter vers des associations spécialisées (il en existe partout en France), et "si besoin, faire un signalement", avec l'accord de la victime. En aucun cas, le médecin peut décider de prévenir seul les autorités.  

En cas de "risque élevé", le médecin peut conseiller à la victime d'anticiper en mettant en place un "plan de sécurité", par exemple en convenant avec des membres de la famille ou des amis de confiance "d'un message codé destiné à les alerter en cas de danger imminent", ou encore en identifiant à l'avance "un lieu où se réfugier”  

Et si la patiente ne souhaite pas porter plainte ? "Attention, prévient le Dr Humbert de Freminville, médecin généraliste et médecin légiste à Lyon. Tout comme les victimes de sectes, la femme maltraitée est sous emprise. Il ne faut pas la juger, mais lutter contre ce mécanisme sans l’effrayer, ce qui peut retarder la prise en charge." En cas de doute, il est donc recommandé de ne pas insister et lui laisser le temps de se décider. 

Il est enfin possible de proposer une hospitalisation sans délai avec possibilité de changer de lieu d’hospitalisation en fonction du danger. Et confirmer à la patiente ce que sont les violences au sein du couple.  

 

Constituer un certificat médical exploitable   

L’étape la plus importante pour les médecins dans la prise en charge des femmes victimes de violences au sein d’un couple, est la constitution d’un certificat médical le plus précis possible. Ce certificat peut être utilisé pour faire valoir les droits de la victime et obtenir une mesure de protection.  

Comment réaliser un bon certificat médical ? La HAS donne des recommandations précises.  

Ressources
Les numéros d’urgence 
Violences Femmes Info : 3919 
Demandes d’hébergement d’urgence : 115
Samu : 15 
Police : 17 

Les sites d’information :  
www.stop-violences.gouv.fr : à conseiller aux victimes, elle comporte également une rubrique dédiée aux professionnels.  
Delicviolence : à consulter en cabinet pendant la consultation 

Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?

François Pl

François Pl

Non

Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus

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