"Certains nous traitent d’entonnoirs..." : MG France dégaine une enquête sur les délais d'accès aux spécialistes
Lors d’une conférence de presse, ce jeudi 17 octobre, le syndicat MG France a présenté les résultats d’une étude qu’il a menée sur l’accès aux médecins de second recours. L’occasion de revenir sur la proposition formulée par AvenirSpé d’un accès "simplifié" aux spécialistes, qui a fait couler beaucoup d’encre.
Depuis quelques jours, les tensions se sont semble-t-il ravivées entre les médecins généralistes et les autres spécialistes. En cause notamment, une proposition portée par le syndicat AvenirSpé visant à permettre un accès simplifié aux médecins de second recours. Et surtout une petite phrase de son président, le Dr Patrick Gasser, qui n’est pas passée auprès des représentants des généralistes : "Le médecin généraliste, aujourd’hui, c’est l’entonnoir de l’accessibilité aux soins", déclarait-il dans une interview accordée à Egora, à la veille des Rencontres de la médecine spécialisée à Lille.
Pour améliorer l’accès aux soins des patients, le gastroentérologue de Nantes y a défendu la création d’une nouvelle consultation, facturée au tarif de l’avis ponctuel de consultant (APC), 60 euros, qui pourrait s’appliquer dans deux cas : pour les soins non programmés ou sur demande d’avis "rapide" d’un spécialiste. Elle permettrait à un spécialiste de rediriger un patient vers un confrère d’une autre spécialité. Une "ligne rouge" contre laquelle MG France avait déjà alerté lors des négociations conventionnelles au printemps dernier, lorsqu’il était question d’élargir l’APC. Si la mesure n’a pas été retenue dans le texte final, AvenirSpé a souhaité remettre l’accès simplifié aux spécialistes dans le débat, l’intégrant dans son manifeste pour l’accès aux soins.
Pour la présidente de MG France, loin d’améliorer l’accès aux soins des patients, cette mesure consultation viendrait en fait le "dégrader", a-t-elle assuré ce jeudi 17 octobre lors d’une conférence de presse. "C’est uniquement une demande tarifaire en non pas une action de simplification de l’accès aux soins des patients." Pour l’affirmer la Dre Agnès Giannotti s’appuie sur les résultats d’une enquête menée par son syndicat auprès de 1 013 généralistes sur l’accès aux spécialistes de second recours. "Lors d’une consultation sur dix nous avons besoin d’adresser nos patients à un spécialiste de second recours", a précisé la présidente. Les répondants étaient invités à témoigner des délais auxquels ils sont confrontés pour obtenir un rendez-vous rapide pour leurs patients lorsqu’ils estiment "qu’il ne faut pas traîner".
Des délais particulièrement longs en dermatologie et en psychiatrie
D’abord, cette enquête, réalisée du 14 septembre au 7 octobre, montre que deux spécialités apparaissent comme particulièrement difficiles d’accès par les médecins généralistes : la dermatologie et la psychiatrie. Seuls 20% des généralistes sondés disent pouvoir obtenir un rendez-vous rapide en dermatologie sous sept jours. Un tiers n’a pas de rendez-vous avant trois mois. "En trois mois que va devenir un cancer de la peau ?", a questionné, inquiet, le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat.
Lorsqu’ils craignent une pathologie psychiatrique grave, 5% des généralistes obtiennent un avis psychiatrique dans la semaine. 56% des généralistes doivent attendre plus de trois mois. "La pédopsychiatrie, elle, est carrément sinistrée", a relevé le Dr Nogrette. 80% des généralistes sondés déclarent ne pas avoir accès à un pédopsychiatre avant trois mois. Une perte de chance considérable pour les jeunes patients, dont la santé mentale s’est particulièrement dégradée en particulier depuis la pandémie.
D’autres spécialités apparaissent difficiles d’accès. Près de 60% des généralistes sondés indiquent ne pas pouvoir obtenir un avis cardiologique rapide avant huit jours. Plus d’un quart des MG doivent attendre cet avis plus d’un mois. Pour un diabète décompensé ou une hyperthyroïdie menaçante, 30% des répondants attendent plus de deux mois l’avis "urgent" demandé à l’endocrinologue. Un tiers des généralistes sondés n’obtiennent pas d’avis néphrologique avant deux mois. En outre, plus d’un généraliste sur 5 n’a pas accès à un scanner ou une IRM avant un mois.
"Notre fonction de tri dans l’accès aux spécialistes est essentielle"
"Est-ce que tout ça est fait pour jeter la pierre aux spécialistes qu’on ne peut pas joindre ? Pas du tout, a assuré le Dr Nogrette. Certains nous traitent d’entonnoirs, nous on ne les traite pas de fainéants… Simplement on veut montrer que les freins à l’accès aux soins, ce n’est pas seulement le médecin généraliste. La vérité, c’est que l’accès aux soins est beaucoup plus compliqué aussi pour les médecins spécialistes", pour des raisons de "répartition sur le territoire" mais aussi "d’effectifs dans les spécialités".
"Si déjà nos collègues spécialistes ont du mal à trouver des rendez-vous pour les vraies urgences, si plus de patients leur arrivent [directement], ça va encore augmenter les délais d’accès", redoute la Dre Giannotti. "Il faut bien comprendre aussi que notre fonction de tri dans l’accès aux médecins spécialisés est vraiment essentielle", a renchéri le Dr Nogrette. "N’aggravons pas le problème, essayons de le résoudre ensemble, et nous espérons que la convention sera le cadre pour nous permettre de le faire", a appelé la présidente de MG France dans une volonté d’apaisement.
"Nous avons besoin de nos collègues spécialistes avec lesquels nous travaillons quotidiennement, le plus souvent dans de bonnes conditions, sans nous faire la guerre. On pourrait les appeler des mono-spécialistes tellement ils sont experts dans leur domaine spécifique et complètent notre expertise qui porte sur la globalité de la prise en charge", a poursuivi la généraliste qui exerce dans le 18e arrondissement de Paris. Celle-ci a indiqué compter sur les équipes de soins spécialisés (ESS) pour répondre aux besoins des médecins généralistes traitants.
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