Non!

Les spécialistes incités à être médecins traitants de leurs patients chroniques : "Chacun son métier!"

Afin de réduire le nombre de patients en ALD sans médecin traitant, la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam) envisage de se tourner vers d'autres spécialités que la médecine générale. Elle entend inciter les gériatres, les endocrinologues ou encore les cardiologues à devenir les MT de leurs patients chroniques. Auprès des lecteurs d'Egora, la mesure ne semble pas convaincre.

13/08/2024 Par Louise Claereboudt
Assurance maladie / Mutuelles
Non!

Un médecin traitant pour chaque patient chronique. Telle est la promesse que le Président de la République a formulé lors de ses vœux aux Français le 6 janvier 2023. Un an et demi après, on en est encore loin, mais la tendance s'est enfin inversée grâce au plan d'action mis en œuvre par la Cnam au printemps 2023. Ainsi, le nombre de patients en ALD sans médecin traitant, qui s'établissait à 615 000 en février 2023 dans le régime général, est tombé à 472 000 à la fin de cette même année. Pour ce faire, la Cnam a sollicité les généralistes qui avaient vu au moins trois fois dans l'année un patient en ALD sans médecin traitant, afin qu'ils acceptent de se déclarer comme tel. Elle s'est aussi appuyée sur les CPTS pour lister les MG qui accepteraient de prendre de nouveaux patients en ALD.

Pour aller plus loin, l'Assurance maladie semble avoir trouvé un levier : s'appuyer désormais sur les autres spécialistes. Une information qui a été révélée par la Fédération des médecins de France (FMF), et confirmée par la Cnam elle-même à Egora, début août. Celle-ci a indiqué que cette "nouvelle démarche" visant "à contacter les spécialistes qui reçoivent régulièrement le même patient sans être identifié comme médecin traitant" pour envisager qu'ils le deviennent "au vu du suivi qu’ils exercent sur le parcours global de ce patient" sera bien proposée en commissions paritaires locales (CPL), dans le cadre du plan d'accompagnement des patients en ALD. Mais elle a assuré que rien n'était encore "arrêté" pour l'heure.

Lecteurs d'Egora, nous avons souhaité connaître votre avis sur le sujet. Nous vous avons posé la question suivante : "Faut-il inciter les spécialistes à être médecin traitant de leurs patients chroniques ?" Vous êtes 265 à avoir répondu à ce débat. Parmi les répondants, 75% sont contre cette idée et 20% pour. 5% d'entre vous ont déclaré être sans opinion.

La convention médicale permet déjà aux autres spécialistes d'être médecin traitant de leurs patients, mais selon la Cnam, la plupart de ceux qui ont endossé ce rôle n'ont "qu'un ou deux patients MT". "Seules quelques spécialités cliniques, spécialisées dans la prise en charge de certaines pathologies, sont choisies par leurs patients pour être leur médecin traitant", indiquait-elle à Egora.

 

" Je suis incapable de prendre en charge une pathologie hors de ma spécialité"

"Nous n'avons pas les compétences requises ni la disponibilité, reconnaît une endocrinologue. Notre patientèle est bien plus étendue que celle d'un confrère généraliste ce qui nous laisse peu de place pour revoir des patients qui seront en demande de davantage de consultations. Quand un spécialiste voit ses patients 2 fois par an, c'est le bout du monde, en tout cas pour moi c'est ainsi. Et mes connaissances ne sont pas à jour pour les problématiques du quotidien. Parlez-moi des tests infectieux ou du carnet vaccinal, le sujet va être vite épuisé. Non non et non les confrères G ont leurs compétences et nous les nôtres."

"En tant que spécialiste ORL, je pense qu'il serait très mauvais d'être le médecin traitant de mes 'chroniques' : Je suis incapable de prendre en charge une pathologie hors de ma spécialité, donc nul et dangereux", écrit cet autre lecteur. Même avis du côté de ce gastroentérologue : "Chacun son rôle je sais soigner une rch un cancer du côlon, mais pas une entorse du genou, un burn out ou un syndrome dépressif. Un médecin traitant comme je l’entends est le pivot du système de santé… mais c’était avant, vers quoi allons-nous…"

"Comme on dit chacun son métier...", consent ce généraliste, pour qui "vouloir imposer au spécialiste des prises en charge qui relèvent de la pratique de la médecine générale" s'inscrit dans une forme de "dérive", celle de dépouiller les généralistes de leurs missions. "Bon courage au patient pour avoir un rendez-vous dans des délais raisonnables avec son médecin traitant spécialiste pour soigner sa pneumopathie, son entorse de cheville, sa conjonctivite, sa poussée d'hypertension et j'en passe... Sans compter que les spécialistes sont certes très calés dans leur spécialité mais beaucoup moins quand on en sort", abonde une autre généraliste.

Certains craignent en outre une dégradation du parcours de soin. "Le risque c’est que le patient passe ensuite de spé en spé pour des pathologies qui ne le nécessitent pas, et que va-t-il se passer ? Eh bien, engorgement encore plus des spés ! Et qui va en souffrir ? Eh bien les patients qui ont vraiment besoin d’une consultation spé !", s'inquiète cette autre lectrice. Inquiétude partagée par ce généraliste pour qui, le médecin spécialiste est, "par définition", "hypercompétent dans son domaine, mais largué ailleurs, pour un médecin traitant c'est catastrophique, il va passer son temps à l'envoyer à droite à gauche".

 

"Un généraliste est parfois obligé de passer la main"

20% des lecteurs ayant répondu au débat y voient toutefois quelques avantages. "La réponse n’est pas univoque et dépend du patient, de sa pathologie et du spécialiste en cause : certaines spécialités ratissent large : cardiologue, diabétologue, endocrinologue et font aussi d’une certaine façon de la médecine générale. Enfin, généraliste et spécialiste, personne ne sait tout et le super-héros médecin traitant n’existe pas, tout le monde doit interagir pour le malade", estime ce médecin, selon qui cette notion de médecin traitant est "peut-être […] un ferment de division entre les médecins".

"Certains spécialistes renouvellent le traitement complet du patient sans retour vers le MG, qui ne voit le patient que quand il est atteint par une pathologie aiguë. Pourquoi, alors, le MG prendrait-il la responsabilité du suivi chronique ?", interroge ce confrère. Atteinte d’une maladie auto-immune rare, cette chirurgienne-dentiste acquiesce : "Je suis suivie au CHU par un interniste et un neurologue car mon généraliste est incapable d’assurer mon suivi. Je ne le vois que rarement et il est extrêmement frileux quant à ses prescriptions face à une pathologie que je connais mieux que lui. Un généraliste est parfois obligé de passer la main. On ne peut pas en faire une règle mais cela doit se décider au cas par cas."

Certains lecteurs jugent que désigner le médecin spécialiste (hors MG) comme médecin traitant permettra de réaliser une "économie de temps et d'argent". "Enfin une approche sérieuse du problème qui entrainait une double consommation du temps médical et des honoraires réclamés !", se réjouit par exemple ce chirurgien viscéral et digestif.

"A condition qu’ils assurent le SAV pour le reste"

D'autres ne sont pas fermés à cette idée, mais à condition que l'intégralité des missions qui incombent aux médecins traitants leur soient confiées. "Si le médecin spécialiste non généraliste accepte de devenir médecin traitant, il faudra qu’il accepte de participer à la PDSA en ville comme tout médecin non exempté et à la continuité des soins pour les patients qu’il suivra comme médecin traitant !", écrit ce généraliste. Cet autre médecin a voté "oui" au débat, "à condition qu’ils assurent le SAV pour le reste aussi ! Dernier exemple en date : je reçois à 18h45 un résultat de D Dimères prescrits le jour même par le cardio d’un patient qui ne m’a pas consulté depuis quelques mois… Cardio injoignable : débrouillez-vous !", lâche-t-il.

La mesure suscite donc le débat au sein de la communauté médicale, qui demeure en majorité opposée. "Ce n'est pas parce que les pouvoirs publics ont été incapables de maitriser la démographie des professions de santé et le coût de la santé en général que cette proposition a la moindre pertinence", juge ainsi sévèrement ce généraliste. "Nos dirigeants décident beaucoup, et ne se posent jamais la question de leur responsabilité et de l'impact de leurs décisions ou déclarations. Il va falloir assumer un fait simple, il n'y aura pas de médecin traitant pour tout le monde. Et il va falloir en tirer des conclusions", conclut cet Egoranaute.

Faut-il réglementer la naturopathie ?

Jeanne I

Jeanne I

Non

Réglementer quoi ? La naturopathie existe? On réglemente une profession pas une "philosophie". C'est plus judicieux d'informer l... Lire plus

1 commentaire
1 débatteur en ligne1 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 3 heures
On tombe bien souvent dans l'excès inverse. Un exemple? un patient voit annuellement son cardiologue mais celui ci ne prend pas la peine de lui renouveler la partie du traitement qui relève de sa comp...Lire plus
 
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