En 2017, le taux de sinistralité des médecins toutes spécialités a légèrement augmenté par rapport à l'année précédente constate la MACSF-Le Sou Médical dans son rapport annuel sur le risque des professionnels de santé en France. Toutefois, on y relève une hausse des mises en cause des médecins généralistes. Ces derniers sont souvent condamnés à de lourdes peines qui dépassent parfois le million d'euros. Nicolas Gombault, directeur général délégué de la MACSF décrypte le rapport pour Egora.
Egora : Quel est le principal constat fait par la MACSF sur la sinistralité 2017, par rapport aux années précédentes ? Nicolas Gombault : Nous enregistrons une légère augmentation de la sinistralité toutes professions et toutes spécialités confondues. Si notre portefeuille de sociétaires croit d'un peu plus d'1%, le nombre de déclarations de sinistres, quelles que soient leurs suites ultérieures, a augmenté de façon plus importante. Cela se traduit par une hausse de la sinistralité en général.
Cette année, la médecine générale totalise le plus grand nombre de mises en cause juste derrière la chirurgie. Elle se classe également deuxième en ce qui concerne les coûts d'indemnisation. Comment l'expliquer ? Il faut replacer les choses dans leur contexte. C'est en médecine générale que nous avons les coûts d'indemnisation pratiquement les plus importants, juste derrière la chirurgie orthopédique. Mais il faut y mettre un bémol. Je parle là de chiffres en valeurs absolue. Or nous assurons environ 700 chirurgiens orthopédiques contre 35 000 généralistes. Sur un plan individuel, si on compare la sinistralité en pourcentage, la médecine générale reste beaucoup moins exposée que la chirurgie, notamment la chirurgie orthopédique. On constate tout de même une augmentation de la sinistralité chez les médecins généralistes. On remarque également que les médecins généralistes font l'objet chaque année de condamnations qui peuvent être très lourdes. Quelques dossiers dépassent un, deux voire trois millions d'euros. Tout cela explique les chiffres, avec une tendance à indemniser les dossiers en médecine générale qui est de plus en plus lourde. Quels types de plaintes concernent les médecins généralistes ? Chaque année, bon an mal an, nous enregistrons un tiers de déclarations qui concernent des erreurs ou des retards de diagnostics. Après, ce sont des reproches adressés aux généralistes en ce qui concerne les traitements institués, notamment les traitements médicamenteux. Il y a aussi des retards à l'hospitalisation. Et puis, nous avons chaque année des plaintes pour non-assistance à personnes en danger, violation du secret professionnel, des actes réalisés dans le cadre de l'urgence. Mais majoritairement, ce sont des dossiers qui concernent l'erreur ou le retard de diagnostic et une mauvaise prise en charge thérapeutique.
Compte tenu des risques, les primes d'assurances des obstétriciens ou des chirurgiens sont plus élevées que celles d'autres spécialités médicales. Face à cette hausse de la sinistralité visant les généralistes, avez-vous prévu d'augmenter le tarif de leurs cotisations ? Aujourd'hui, les cotisations des médecins généralistes sont extrêmement faibles en montant. Elles n'ont rien à voir avec celles des chirurgiens, obstétriciens… Un généraliste paye en moyenne pour sa prime de responsabilité professionnelle 300 à 350 euros selon les sociétés d'assurance. Un gynécologue obstétricien peut payer 35 000 euros. Ça n'a absolument rien à voir. Si le risque dérive, notamment au travers des mises en cause que nous enregistrons du fait des prescriptions médicamenteuses qui sont contestées, on pourra évidemment assister à une augmentation des primes. Mais encore une fois, l'échelle ne sera jamais la même. Pourquoi ? Parce que l'assiette est fondamentalement différente. S'agissant des généralistes, nous sommes sur un effectif qui est très important pour un risque qui reste tout de même mesuré, tandis que pour les chirurgiens, l'assiette sur laquelle repose le risque est faible pour un risque qui est considérable. Sur un plan économique, les choses n'ont absolument rien à voir. Le rapport indique que 64% des décisions de justices civiles et 67% des décisions de justices pénales aboutissent à une condamnation. Devant la justice, les médecins sont donc majoritairement condamnés… C'est vrai que le taux de condamnation devant les juges est très important. On est de l'ordre de deux tiers des décisions de justice qui se terminent par une condamnation. C'est lié à l'évolution de la jurisprudence. Les exigences sociétales, qui sont reprises dans l'évolution de la jurisprudence, font que les obligations qui pèsent sur le médecin sont de plus en plus lourdes et se traduisent le plus souvent par des condamnations. Il faut rappeler que la responsabilité médicale est fondée sur la faute mais ces fautes sont reprochées et retenues de plus en plus souvent qu'elles concernent l'élaboration du diagnostic, le traitement institué, la prise en charge ou encore le devoir d'information. Dans ces conditions, la sévérité des décisions mérite d'être soulignée et elle contraste avec les années 1980 où en moyenne nous n'avions qu'un tiers des décisions de justice qui se terminaient par une condamnation des professionnels de santé.
Y-a-t-il une hausse du coût des sinistres ? En termes de coût des sinistres nous constatons une évolution vers une indemnisation toujours plus lourde de chaque événement jugé fautif et ceci tout simplement parce qu'on a vu corrélativement une multiplication des préjudice indemnisables. Cela tient à la nomenclature des préjudices que les magistrats utilisent et qui conduit à indemniser d'une part les préjudices avant consolidation et d'autre part les préjudices après consolidation. La multiplication des préjudices, qu'ils soient économiques ou non, abouti immanquablement à un accroissement du coût de chaque dossier. Vous dites constater une hausse des contentieux avec l'Oniam. De quoi s'agit-il ? Il y a effectivement une hausse des contentieux avec l'Oniam qui tient à l'évolution des procédures. Jusqu'à présent, l'Oniam, après avoir indemnisé la victime essayait, tout naturellement, de récupérer les sommes versées en faisant un procès contre l'assureur. L'Oniam, dans le cadre de ce procès, essayait d'obtenir la consécration de la responsabilité du professionnel de santé pour obtenir le remboursement des sommes versées. Depuis cet été, l'Oniam a complétement changé de procédure. L'Oniam émet désormais un titre exécutoire qui lui permet de solliciter le remboursement immédiat par l'assureur des sommes versées. Si l'assureur conteste la responsabilité du médecin qu'il assure, c'est à lui de prendre l'initiative de faire un procès pour contester le titre exécutoire. C'est ce qui aujourd'hui engage une modification profonde des rapports qui existaient jusqu'à présent et une augmentation de ce contentieux. Les médecins craignent de plus en plus les condamnations. La MACSF met-elle en place des actions pour leur expliquer comment se protéger et prévenir la sinistralité ? Au quotidien, nous essayons d'éviter les accidents. Nous mettons en place des conférences et des formations dans ce sens. A partir de l'analyse de nos dossiers, il est facile de démontrer les hypothèses dans lesquelles les accidents surviennent souvent. Nous donnons aussi des recommandations. Nous pouvons citer dernièrement l'exemple de l'Androcur. Avant que l'ANSM ne donne ses propres recommandations, nous avions émis les nôtres en recommandant à nos sociétaires d'éviter de prescrire hors AMM ce médicament. Lorsque l'accident malheureusement est survenu, nous donnons de nombreux conseils pour permettre aux professionnels de santé de se comporter de façon optimale vis-à-vis d'un patient qui pourrait solliciter l'indemnisation de son préjudice. Tout ceci pour permettre d'éviter les contentieux et régler de façon amiable les litiges.
Vous parliez d'hypothèses dans lesquelles surviennent les accidents, c’est-à-dire ? Nos équipes de gestion des risques examinent tous les sinistres que nous gérons et nous recommandons des attitudes professionnelles qui seraient de nature à éviter la survenue des accidents. A titre d'exemple, aujourd'hui nous parlons beaucoup de pertinence des actes. Nous avons passé au crible les trois dernières années de déclarations de sinistres en médecine générale et nous avons constaté que dans 5% des cas la pertinence des soins pouvait être mise en doute. Il s'agissait à titre d'exemple de renouvellements d'ordonnance initialement rédigées par des spécialistes mais sans examen au préalable du malade, des prescriptions d'antibiotiques qui auraient pu être évitées… Forts de ces constats, nous essayons de donner des conseils utiles à nos sociétaires pour leur éviter de tomber dans certains pièges.
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus