Santé numérique : les gros enjeux de l’année 2022

26/01/2022 Par Aveline Marques
E-santé
C’est dans un lieu emblématique, le PariSanté Campus, que s'est tenue le 25 janvier la 6e édition des Grandes tendances de la e-santé, organisée par Interaction Healthcare en partenariat avec Egora. Une conférence qui a fait le point sur tous les chantiers ministériels en cours et les avancées attendues cette année.
 

« Il n’y a jamais eu cet alignement des planètes en France sur la e-santé », s’est réjoui Dominique Pon, responsable ministériel au numérique en santé, lors de la 6e édition des Grandes tendances de la e-santé, organisée le 25 janvier à Paris. Lancée en 2019, la feuille de route « Virage numérique en santé », dotée de 650 millions d’euros pour financer une trentaine d’actions, ambitionne de faire de la France le « leader européen de la santé numérique », a-t-il rappelé. La e-santé est d’ailleurs l’un des enjeux stratégiques de la présidence française de l’Union européenne.   « Un outil majeur pour les Français »

Crédit : Jimmy Seng Tristao/Interaction Healthcare

Si ces trois dernières années ont permis de poser les bases de cette transformation, l’année 2022 sera celle de la concrétisation avec le lancement imminent de Mon Espace Santé, véritable « carnet de santé numérique augmentée » selon les mots de Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam. Au cours des trois prochains mois, l’Assurance maladie va contacter chaque Français par courrier ou mail pour leur proposer d’ouvrir leur propre espace et remplir leur profil médical (allergies, antécédents, etc.). Sauf opposition explicite, la création sera automatique dans un délai de six semaines. La Cnam se montre assez confiante : dans les départements pilotes de la Haute-Garonne, de la Loire-Atlantique et de la Somme, le taux d’opposition a été « de moins de 1% ».  Le véritable défi sera d’enrichir ce nouvel espace afin qu’il ne soit pas une coquille vide comme l’actuel DMP, qui demeurera le socle de Mon Espace Santé et restera l’interface des professionnels de santé. « Il ne faut pas tomber dans la névrose française habituelle qui consiste à jeter le bébé avec l’eau du bain dès que quelque chose n’est pas parfait, exhorte Dominique Pon. Ça va se faire dans le temps : d’ici deux ans, ça deviendra un outil majeur pour les Français », assure-t-il. Du côté des professionnels, le ministère a mis le paquet. Le Ségur numérique prévoit l’octroi de 85 millions d’euros pour accompagner les établissements sanitaires et médico-sociaux à la transformation de leurs outils numériques. En ville, l’avenant 9 à la convention des médecins, qui entre en application en avril, prévoit une enveloppe de 400 millions : 300 millions d’euros sont dévolus aux médecins libéraux, incités financièrement via le forfait structure à utiliser la messagerie sécurisée, la e-prescription, la e-carte vitale et à partager des documents de santé (objectif : 250 millions de documents partagés par an en 2024) – en particulier le volet médical de synthèse- tandis que 100 millions d’euros financeront la nécessaire mise à niveau des logiciels-métiers, qui doivent désormais être interopérables. « Plus d’une dizaine se sont référencés » pour bénéficier du financement des évolutions et surtout du déploiement de la mise à jour (gratuite pour les professionnels), précise Olivier Clatz, directeur du projet du Ségur en numérique. « On parle de centaines de milliers de logiciels à déployer sur le territoire. »

Autre enjeu : celui de la sécurisation des données. Un rapide sondage des quelques 3500 participants à l’événement a révélé que 50.7% d’entre eux pensaient que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies pour partager l’accès à leurs données de santé. « Les données de santé, elles existent déjà à l’hôpital et dans les logiciels-métiers mais on n’a pas la main, répond Marguerite Cazeneuve à ceux qui nourriraient des inquiétudes. Avec Mon Espace santé, le patient récupère le droit de les gérer, en définissant les conditions d’accès de tel professionnel à tel document. » Pour le Dr Alain Trébucq, directeur général de Global Media Santé, société éditrice d’Egora, la clé du succès pourrait se trouver dans « cette envie de travailler ensemble, dans la pluriprofessionnalité, qui va changer la donne ». La crise du Covid a en tout cas montré que tout était possible, agissant comme un accélérateur de la santé numérique. En 2020, 19 millions de téléconsultations ont été remboursées par l’Assurance maladie. Début 2021, en douze semaines seulement, les 27 pays de l’Union européenne sont parvenus à mettre sur pied et à s’accorder sur le pass sanitaire. En décembre dernier, plus de 58% des Français utilisaient l’application TousAntiCovid.    

Thérapies numériques et télésurveillance : du rêve à la réalité
« C’est le début d’une nouvelle ère à laquelle on ne croyait pas il y a deux ans », a commenté le Pr Fabrice Denis, oncologue et créateur d’applications. Ce médecin, distingué d’un prix BFM business pour l’outil d’orientation maladiecoronavirus.fr, est le créateur de la première application qui a pu bénéficier, en 2020, d’un remboursement : Moovcare, dédiée au cancer du poumon. Une « thérapie digitale » qui a suivi un développement « proche du médicament », avec trois phases de recherche clinique, et au bout du compte la preuve de son efficacité pour détecter des récidives. Etypharm digital technology s’apprête de son côté à lancer en France la « première psychothérapie numérique de la dépression des patients adultes ». L’application a fait la preuve de son efficacité sur la réduction des symptômes dans 12 essais cliniques randomisés incluant au total près de 3000 patients. L’année 2022 sera aussi celle de la télésurveillance, souligne Fabrice Denis. Le remboursement de la télésurveillance au 1er juillet 2022 a été acté par la loi de financement de la Sécurité sociale, pour le suivi de cinq pathologies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire et prothèses cardiaques implantables à visée thérapeutique).

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