"Dangereux" et "passéiste" : les hospitaliers alertent sur les dangers du numéro unique de secours
"Nous sommes furieux", résume le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France. Au lendemain du vote en commission de l'Assemblée nationale d'un amendement à la proposition de loi sur la sécurité civile et les pompiers, les hospitaliers ont organisé une conférence de presse en urgence pour dénoncer le retour d'un numéro unique de secours rassemblant les bleus (police), les rouges (pompiers) et les blancs (santé).
La version initiale du texte prévoyait d'instituer directement le 112 comme "numéro unique pour les appels d'urgence". Lors de son examen en commission des Lois mercredi, un amendement LREM a finalement approuvé "une expérimentation visant à instituer un numéro unique d'appel d'urgence". Pendant trois ans, plusieurs "configurations" seraient testées dans des départements d'une même "zone de défense et de sécurité": un rapprochement de "l'ensemble des services", un rassemblement sans "police-secours", ou un simple "regroupement" du Samu et des médecins de garde en lien avec les autres services d'urgence. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a affirmé que "le Gouvernement (était) favorable à (cet) amendement".
"Nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire et nous voyons des manœuvres visant à imposer une vision passéiste, archaïque, dangereuse de la gestion des appels d'urgences", fustige François Braun.
Sur la forme, les hospitaliers dénoncent le manque de concertation ainsi que la remise en cause du Service d'accès aux soins (SAS), en cours de déploiement dans 22 départements tests, qui vise à assurer une régulation commune entre le Samu et la médecine de ville.
Sur le fond, ils alertent sur le risque de dégradation de l'accès aux soins qu'engendrerait un "numéro fourre-tout" qui retarderait la réponse aux urgences sanitaires, alors que 70% des appels d'urgence concernent la santé et que le 15 reçoit 31 millions d'appels par an. "On veut tout mélanger, médical ou pas, pointe le Pr Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière, chef de service au Samu de Paris. Le trouble à l'ordre public, l'attaque d'une banque, un poids-lourd qui tombe en panne sur l'autoroute, un incendie, mais aussi un avis sur la douleur thoracique de l'infarctus du myocarde pour laquelle une réponse rapide est nécessaire, et le problème de santé moins urgent, tout ça mélangé." Pour l'urgentiste, le numéro unique risque d'engendrer une réponse unique : le transport à l'hôpital.
Et de relever que "le 112 en Europe a multiplié par 3 le temps d'accès à un médecin". "La littérature scientifique montre que le circuit court est cruciale", a renchéri le Pr. Karim Tazarourte, président de la Société française de médecine d’urgence, chef de service au Samu 69 – Hospices Civils de Lyon. Or, "à chaque fois qu'un appel arrive sur un opérateur non métier, il y a une succession d'appels qui peut entraîner une perte de chance et des problèmes médico-légaux". Le médecin rappelle enfin que 6% des appels entrainent le déclenchement de moyens lourds de réanimation et que c'est à la régulation médicale de le décider. "Aucun patient n'appelle pour dire 'je fais un AVC'".
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