C’est par un hommage aux acteurs de première ligne pendant la crise, ceux de “l’ombre”, aux professionnels de santé quel que soit leur mode d’exercice et aux victimes de la crise sanitaire qu’Agnès Buzyn a entamé son audition face à la commission d’enquête nationale Covid de l’Assemblée nationale. Pendant plus de quatre heures, l’ex-ministre de la Santé a rendu des comptes face à des députés incisifs sur sa gestion de la crise sanitaire, alors qu’elle a quitté le ministère le 16 février pour représenter la majorité dans la course aux municipales de la capitale. Deux grandes questions étaient au programme : le début de la gestion de la crise et les stocks de masques. “On adapte sa prise de conscience au niveau d’information que l’on a” Agnès Buzyn l’a affirmé et répété à plusieurs reprises : elle n’a pas manqué d’anticipation. “Vous ne pouvez pas dire qu'on n'a pas été réactifs”, a-t-elle martelé. Pour elle, l'”anticipation” face à l'épidémie de coronavirus a été “sans commune mesure avec les autres pays européens” et “toujours en avance” par rapport aux alertes des organisations internationales.
Elle a rappelé avoir une expérience des risques sanitaires, s’appuyant sur son “passé de médecin” et son expérience à la tête du conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Au micro, elle a expliqué avoir eu une première alerte dès décembre, pendant les vacances de Noël, en tombant “par hasard sur Twitter” sur un blog en anglais qui faisait état de pneumonies inexpliquées...
alors que l’alerte a été donnée par la Chine le 31 janvier. Émue, elle affirme aussi avoir averti le Premier ministre et le président de la République le 11 janvier. Dix jours plus tard, elle dit comprendre qu’une épidémie est probable suite à l’annonce par l’OMS d’une transmission interhumaine. “Je pense être la ministre européenne à avoir fait une conférence de presse aussi tôt, le 21 janvier, pour prévenir des risques”, se défend-elle. Le week-end suivant, elle demande un état de lieux de tous les stocks d'équipements de protection, et notamment de masques, ainsi que du nombre de lits de réanimation et de respirateurs, et affirme avoir lancé une première commande d'un million de masques FFP2, plus protecteurs, absents de stocks stratégiques d'État.
Elle a également demandé à Santé publique France d'élaborer “trois scénarios d'évolution de l'épidémie" et au consortium de recherche Reacting, de préparer "un protocole de recherche" avec les médicaments potentiels déjà disponibles”. “La ministre ne gère pas plus les masques que le reste” Ce n’est pas moi, c’est les autres… En creux, Agnès Buzyn, plus combative sur la question des masques, a balayé sa responsabilité individuelle dans la gestion des stocks de masques. En tant que ministre, “la vigilance que je dois avoir, c'est sur des dizaines de produits”, a-t-elle argumenté, soulignant que si l'attention s'était “a posteriori” portée sur les masques, coronavirus oblige, les comprimés d'iode en cas d'accident nucléaire ou les tenues de protection face au virus Ebola n'étaient pas des sujets “moins importants” pour elle. "Cette gestion de stocks, elle ne revient pas à un niveau ministre", s'est encore défendue Agnès Buzyn, affirmant notamment ne pas avoir eu connaissance du courrier adressé par Santé publique France à la Direction générale de la Santé en septembre 2018. Ce courrier soulignait la péremption d'une part importante du stock stratégique d'Etat de masques et recommandait d'en racheter pour renflouer le stock à 1 milliard de masques. Et pourtant, elle rappelle avoir “pris la décision de constituer un stock de masques FFP2” alors que la doctrine depuis 2011 était de ne plus en avoir.
Elle a encore affirmé “ne pas avoir pris la décision de la destruction des masques jugés non conformes” alors que le stock n'avait pas encore été reconstitué, ajoutant toutefois "assumer totalement" les décisions de ses services. Mais Agnès Buzyn a aussi pointé du doigt le rôle de Santé publique France, responsable de la gestion des équipements de protection, en estimant que “des interrogations” existaient sur le “contrôle des stocks” ces dernières années. “Apprendre en 2018 qu'une grande partie des stocks est périmée... Ça nécessite de questionner comment ça a fonctionné”, a-t-elle lâché. “Mascarade” Enfin, les députés l’ont également vivement interrogée sur ses propos rapportés par Le Monde dans lesquels elle qualifie de “mascarade” le début de la gestion de la crise Covid. Si elle n’a pas nié avoir tenu ce discours, elle a dénoncé un verbatim sorti de son contexte et tronqué. “J'avais passé une journée épouvantable, j'étais très fatiguée. On m'accusait sur les réseaux sociaux de n'avoir rien vu, et c'est tout le contraire. Je me suis battue pendant un mois, avec pendant ce temps la loi bioéthique, la grève des hôpitaux (...). Arrêtez de dire que je n’ai rien vu. J'ai tout vu, j'ai préparé. J'ai pressenti un danger bien avant les autres. Cet article ne le laisse pas sentir”, s'est défendue Agnès Buzyn.
Après avoir auditionné des experts, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale chargée d'évaluer la gestion française de la crise sanitaire entend cette semaine des anciens ministres de la Santé. Après Agnès Buzyn, elle doit recevoir Marisol Touraine et Roselyne Bachelot ce mercredi 1er juillet puis Xavier Bertrand jeudi 2 juillet.
Le Sénat dominé par l'opposition de droite a voté à l'unanimité mardi 30 juin la création d'une commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire du coronavirus demandée par son président Gérard Larcher (LR). Mise en place pour six mois, la commission aura un format élargi à 36 membres et entamera ses auditions dès juillet, alors que celles de l'Assemblée nationale sont en cours.
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