Nouvelle convention médicale : le Gouvernement dévoile ses priorités et lance les négociations

28/10/2022 Par Louise Claereboudt
Politique de santé
Le ministre de la Santé et sa ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé ont adressé hier soir leur lettre de cadrage au directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie, donnant ainsi le top départ des négociations de la convention médicale 2023-2027.

  On connaît désormais les intentions du Gouvernement pour la prochaine convention médicale, qui devrait être négociée entre l’Assurance maladie et les syndicats médicaux à partir du 9 novembre prochain selon plusieurs sources. Le ministre de la Santé, François Braun, et sa ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, ont en effet adressé ce mercredi la lettre de cadrage des lignes directrices de la future convention. C’est à partir de cette lettre que le conseil de l’Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) définira ses orientations en vue d’entamer les négociations. Globalement, pas de grande surprise dans cette lettre de cadrage. Les mesures attendues vont dans le sens de ce que l’exécutif a porté dans le PLFSS 2023. Les ministres ont réaffirmé leur volonté d’"assurer un égal accès à la santé, à la prévention et à des soins de qualité pour tous sur l’ensemble de notre territoire, tout en préservant l’exercice de la médecine libérale". "Le cadre de la convention constitue l’un des leviers majeurs pour répondre aux besoins de santé de la population aujourd’hui et anticiper ceux des générations futures", ont-ils ajouté dans un communiqué.

Les ministres ont défini quatre axes principaux pour cette convention médicale, qui couvrira la période 2023-2027, dans une logique de "droits et devoirs". "Les échanges devront veiller à trouver un équilibre entre les engagements et les moyens." Ce "processus de dialogue social" "doit aboutir avant la fin du premier trimestre 2023", rappelait le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, il y a un mois dans Le Monde. Elle devra tenir compte des enjeux identifiés comme étant prioritaires dans le cadre du Conseil de la refondation (CNR) santé, lancé le 3 octobre au Mans, soulignent les ministres.   Un médecin traitant pour tous Ainsi, la principale priorité du Gouvernement est d’agir "de manière déterminée" contre les inégalités d’accès aux soins, "qu’elles soient territoriales, sociales ou financières". En première ligne : l’accès à un médecin généraliste traitant pour tous, notamment les personnes en ALD (plus de 600.000 n’ont pas de médecin traitant). Autre objectif : tripler le nombre d’assistants médicaux pour qu’il atteigne les 10.000 d’ici à 2025. Le Gouvernement souhaite également soutenir l’exercice coordonné et la coopération interprofessionnelle. Cette convention devra surtout "permettre aux médecins traitants de prendre en charge un plus grand nombre de patients et de consolider leur rôle dans le parcours de soins".  "La revalorisation des conditions d’exercice des médecins traitants participera à cet objectif", tiennent à préciser les ministres. Pour cela, il sera important d’activer tous les leviers pour gagner du temps médical, dont l'allégement des "contraintes administratives". Par ailleurs, le partage de tâches, la pratique avancée et la coopération avec d’autres soignants devra constituer l’une des "priorités" afin que les médecins puissent "se concentrer sur les prises en charge qui requièrent un diagnostic médical".  "Avec cette ambition, vous réfléchirez avec les partenaires conventionnels à un renforcement des modèles d'appui par des auxiliaires médicaux ou d'autres professionnels afin de développer le travail aidé et déployer de nouveaux modèles de coopération avec d'autres professionnels de santé, par exemple entre médecin et infirmier", indiquent-ils à Thomas Fatôme. Le Gouvernement entend valoriser l'implication des médecins dans des fonctionnements en équipe sur leur territoire via, par exemple, "une rémunération forfaitaire partiellement substitutive à l'acte". Comme l’avait indiqué le Président de la République la veille sur le plateau de L’Evénement sur France 2, favoriser le maintien en activité des médecins proches de la retraite sera un enjeu majeur. Emmanuel Macron avait déclaré que "tous les médecins qui arrivent à la retraite [...] pourront continuer à exercer leur activité en touchant l’intégralité de leurs revenus sans cotisations retraites". Cela leur permettra de "cumuler [une] retraite à taux plein, quand [ils y ont] droit et en plus de [leur] salaire, [ils n’auront plus à payer] les droits à la retraite". L’exécutif appelle par ailleurs à une "responsabilité collective pour garantir la continuité des soins en tout point du territoire". La prise en charge des soins non programmés (SNP) sera un volet essentiel, ont affirmé les ministres, qui évoquent dans leur courrier la généralisation du Service d'accès aux soins, "qui a vocation à mailler tout le territoire d'ici la fin de l'année 2023". "Les partenaires conventionnels pourront, dans ce cadre, adapter les modalités de participation à la permanence des soins ambulatoires, les conditions de mobilisation des remplaçants et les modalités de rémunération de l'effection" dans le cadre du SAS "en tirant les enseignements des mesures prises cet été" pour faire face à la crise des urgences par le biais de la mission flash. Les négociations devront par ailleurs "favoriser l'installation et le maintien des médecins en zones sous-denses et identifier de nouveaux leviers pour lutter contre les inégalités d'accès aux soins médicaux, notamment les conditions de participation à un exercice solidaire en réponse aux besoins de santé par les médecins n'exerçant pas en zone sous-dense". Les ministres invitent les partenaires conventionnels à "rationnaliser et optimiser les aides démographiques, afin de les simplifier, et de mieux prendre en compte les besoins des médecins, en parallèle des efforts qui seront entrepris par les services de l'Assurance maladie, de l'Etat et des collectivités territoriales pour mieux [les] accompagner". "En complément", François Braun et Agnès Firmin Le Bodo souhaitent que les négos permettent d'"organiser la présence de médecins, notamment spécialistes, en dehors de leur lieu d’exercice habituel pour aller vers les territoires où l’offre n’est pas suffisante notamment en lien avec la constitution d’équipes de soins spécialisés". C'est-à-dire développer les consultations avancées des spécialistes en parallèle de la montée en charge des hôpitaux de proximité. "De nouveaux outils, incitatifs ou de régulation, pourront également prévoir des adaptations selon les besoins des territoires en matière de premier comme de second recours", à l'instar des équipes de soins spécialisés (ESS).    Garantir l'attractivité du métier Afin de garantir l'attractivité de la profession, les ministres évoquent la nécessité d'améliorer "la valorisation de la pratique et de l'expertise médicale". Ils appellent ainsi à privilégier "les rémunérations valorisant un changement de pratiques".  L'exécutif a affirmé son souhait de soutenir les spécialités cliniques - souhait également formulé par Thomas Fatôme il y a quelques semaines. Par ailleurs, afin de lutter contre les inégalités sociales de santé et le renoncement aux soins, ils appellent à approfondir la "dynamique de baisse des restes à charge". "Une amélioration des outils et leviers existants en matière de régulation des dépassements d'honoraires, notamment l'Optam et l'Optam Co, devra être discutée." Toujours dans cet objectif de réduire les inégalités en santé, les ministres suggèrent aux partenaires conventionnels de réfléchir à des "modes de financement innovants".   Evolution de la Rosp Les ministres veulent également transformer le système de santé à travers cette convention médicale en passant d’une approche curative à une approche préventive. Les rendez-vous de prévention aux âges clés de vie seront un tremplin. La rémunération sur objectif de santé publique (Rosp) devra ainsi évoluer, insistent les ministres, "pour être principalement centrée sur ces enjeux de prévention avec un nombre plus limité d'indicateurs". Parmi les enjeux de santé publique qui doivent être mieux pris en compte : la santé mentale, les troubles du sommeil, l'équilibre alimentaire... Constatant des "mésusages", ils souhaitent également "poursuivre le mouvement d’améliorer des pratiques et de la qualité des soins". Et veulent que cette convention s'empare du sujet du bon usage des produits de santé, mais engage également "une action partagée sur la maîtrise du volume des prescriptions". Par ailleurs, "les outils de lutte contre la fraude, qui concerne peu de praticiens mais entache l'ensemble de la profession" devront être renforcés.

Enfin, le numérique en santé constituera un axe de discussions essentiel. Sera notamment au programme, l'encadrement de l'utilisation de la télémédecine, le déploiement de l'ordonnance numérique (qui sera finalisée d'ici 2024), l'alimentation du DMP, ou encore la e-carte vitale. "Pour assurer l'effectivité de ces engagements", les ministres appellent le DG de la Cnam à "mobiliser des leviers tels que la modulation du forfait structure". Dans sa version 49.3 du PLFSS 2023, le Gouvernement entend supprimer le délai réglementaire de six mois avant l'entrée en vigueur de la convention médicale en vue d'accélérer la mise en place des mesures qui seront actées.

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