Engagement fort du ministère de la Santé avec son Pacte territoire santé 2 (2015-2017), la recherche clinique en soins primaires a du retard à l’allumage. Manque de temps, de sensibilisation, d’outils, absence de pratique, cloisonnement de la ville, fragmentation de la démographie médicale en sont les principaux freins. "Elle n’a pas l’ancienneté de la culture hospitalière", constate le Dr Julien Le Breton, président de la Société française de médecine générale (SFMG) et médecin généraliste à La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Mais surtout, "il nous manque des ressources structurelles et des financements", ajoute-t-il.
Le nerf de la guerre : le financement
Selon le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) qui vient de déposer, en juin dernier, un rapport aux ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur pour structurer la recherche en ville, le financement pour la recherche en soins primaires est estimé à 10 millions d’euros annuels. "Les financements ne sont pas suffisants. Ce que veulent les équipes locales, c’est être pérennes", estime la Pre Julie Dupouy, responsable du secteur recherche du CNGE et médecin généraliste à Pins-Justaret (Haute-Garonne). "En ville, il n’y a pas de dotation, on n’a que des appels d’offres. De plus, avec les appels d’offre, on ne peut recruter que sur 3 ans, et ensuite ? Cela ne nous permet pas d’avoir une assise confortable", explique le Dr Le Breton.
Pour le CNGE, il est grand temps de développer une stratégie nationale avec les fonds publics nécessaires, "pour un objectif global d’optimisation des résultats de la recherche en soins primaires" avec, notamment, coordination des acteurs et recueil efficient des données de consultation dans une base de données de santé. D’autant que sur les terrains, les professionnels s’impliquent tous azimuts.
L’émulation venue du terrain
"On assiste à une montée en charge progressive depuis une vingtaine d’années, dont une grosse progression avec la filière universitaire et dernièrement, avec les appels d’offres de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), il y a un nouvel attrait des structures d’exercice coordonné, avec des questions qui émergent du terrain", s’enthousiasme le Dr Le Breton. "Les professionnels sont conscients que les recommandations de bonnes pratiques sont faites sur des cohortes hospitalières qui ressemblent peu à leurs patients. Ils voient donc l’intérêt de mener des études en médecine générale pour développer des outils correspondant aux profils beaucoup plus variés de leurs patients", ajoute la Pre Dupouy.
Ainsi, la SFMG compte aujourd’hui entre 500 et 1 000 médecins généralistes impliqués en France. De son côté, le CNGE a identifié 12 réseaux régionaux regroupant au total 2 500 professionnels investis sur les 12 000 médecins généralistes maitres de stage des universités et travaille à labelliser un réseau national de recherche en soins primaires avec F-CRIN (French clinical research infrastructure network).
D’autres réseaux locaux fleurissent, comme stane Lab qui accompagne les porteurs de projets jusqu’à leur mettre des locaux à disposition, dans l’esprit incubateur de start up. Lancé officiellement il y a 6 mois, stane Lab suit 115 structures avec près de 2 000 professionnels de santé, dont un tiers de généralistes.
"On pourrait se plaindre de la lenteur mais les choses avancent, constate Julien Le Breton. On est à un carrefour avec la volonté de transformer le système de santé et le besoin d’avoir des données de santé. Car pendant le Covid-19, on s’est rendu compte qu’on était aveugle sur le système de santé."
Sauter le pas
Autres catalyseurs : le terrain se libère et se professionnalise, les industriels ont des besoins stratégiques de données en vie réelle et la formation à la recherche clinique n’est plus réservée "à une certaine élite", constate Mathieu Grajoszex, pharmacien et directeur de stane Lab : "Ce que nous a offert le numérique avec la téléconsultation, les objets connectés et l’IA, c’est d’amener la recherche au patient et au médecin généraliste et de ne pas l’hypercentraliser au niveau des hôpitaux. C’est le premier verrou qui a été levé", ajoute-t-il. De plus, "il existe un terreau sur le terrain avec les CPTS, explique le Dr Julien Le Breton. Les structures d’exercice coordonné : c’est là qu’il faut faire de la recherche clinique !"
Ainsi, le médecin libéral qui veut entrer dans la recherche clinique s’adresse à ces différents réseaux locaux. "Avec le système des appels d’offre, la recherche clinique est souvent vue comme un monde compétitif, alors qu’il y a encore beaucoup, beaucoup, de place", souligne le Dr Le Breton.
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