"C'est un peu étrange. Ce patient qui m'a marqué, c'est un patient âgé, bizarre, polypathologique, douloureux. Il vivait chez lui, avait un discours légèrement paranoïaque - mais plutôt type méfiant de tout que complotiste. Je suspectais un problème gérontopsychiatrique léger. Chez moi, il était toujours respectueux et on pouvait discuter de tout.
Il était las de la vie. Il ne voulait pas d'acharnement. Il avait une drôle de masse sur le torse et il ne voulait pas la faire enlever. J'ai proposé de le faire, il a accepté : un carcinome. Ce jour-là, je lui ai sauvé un peu la vie. "Il voulait partir" Mais il était las. Alors il a fini par faire appel à Exit, cette association agréée qui gère le suicide assisté en Suisse. Il voulait partir, je ne voyais pas d'objection. Il a donc pris rendez-vous pour qu'ils viennent l'aider à partir. J'avais bloqué le créneau pour être à ses côtés. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut être présent pour le décès d'un patient… Le matin même, il annule : il ne se sent pas prêt. Et quelques semaines plus tard, il refait une demande. Une date est de nouveau agendée. De nouveau, il annule au dernier moment. Et rebelote une troisième fois. Cette fois, il nous dit qu'il a entendu une voix qui lui demandait de ne pas le faire. L'équipe s'est quand même déplacée, et a demandé un placement sous contrainte en psychiatrie gérontologique. Et à sa sortie, le patient a accepté d'être placé en maison de retraite. Il venait toujours en consultation, il se plaignait un jour de la nourriture, une fois des infirmières, etc. Et de mois en mois, son état de santé s'est dégradé. Finalement, il est mort d'une insuffisance rénale terminale, refusant hospitalisation ou dialyse ; je gérais moi-même les antalgiques et les hypnotiques pour l'apaiser.
Je suis repassé quelques temps plus tard dans la maison de retraite pour un autre patient. L'infirmière m'a interpelé : 'On a vidé sa chambre. On a trouvé des cahiers remplis d'histoires qu'il avait écrites… des histoires à caractère pédophile'. Comment un patient qu'on avait suivi et apprécié malgré son caractère est descendu d'un coup dans mon estime. Il aurait mieux valu ne pas savoir."
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