Bioterrorisme : un antidote par aérosol efficace contre la ricine
Des chercheurs français ont réussi à mettre au point un système innovant d’aérosol capable d’apporter efficacement, en cas d’attaque bioterroriste, un antidote contre la ricine au plus profond des poumons. La ricine fait partie des substances particulièrement redoutées dans le cadre d’une attaque bioterroriste. En effet, lorsqu’elle est inhalée elle gagne rapidement les alvéoles, et engendre une insuffisance respiratoire et le décès de la personne en quelques jours. En outre, la ricine provient d’une plante commune, et est donc facile à produire. A ce jour, si un vaccin préventif est en cours de développement, aucun antidote reconnu n’est disponible en cas d’attaque. Cela fait plusieurs années que les chercheurs et l’armée tentent de mettre au point un antidote de la ricine. Ainsi, l’Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) a développé il y a plusieurs années, un anticorps monoclonal, capable de se lier spécifiquement à la ricine et de l’inhiber. Il a également mis au point un test ultrarapide de détection d’une intoxication à la ricine. Il fallait cependant l’améliorer pour une bonne efficacité clinique ; et surtout il manquait le moyen de l’administrer efficacement au plus profond des poumons. En effet, l’aérosolisation perturbe et dénature les anticorps. C’est là que sont intervenus les chercheurs de l’Inserm (Tours), en association à l’Irba et la société DTF medical (Saint-Etienne), spécialisée dans les dispositifs médicaux innovants. "Chaque détail devait être spécifique du produit et a été pensé pour un dépôt efficace dans les alvéoles : la taille des gouttelettes, leur nombre, la technologie du générateur de l’aérosol, la composition de l’anticorps…", explique Nathalie Heuzé-Vourc’h, responsable des travaux. En outre, les chercheurs devaient répondre à un cahier des charges spécifique incluant, par exemple, des détails pratiques comme le stockage de l’antidote dans des lieux et situations de combat. Les chercheurs ont tout d’abord modifié l’anticorps et l’ont ensuite testé chez l’animal. Les analyses ont montré que le produit pouvait être administré jusqu’à six heures après l’intoxication à la ricine. 100% des animaux intoxiqués ont été sauvés dans les études réalisées. Les chercheurs ont ensuite réussi à mettre au point un nébuliseur inédit. Il permet de mélanger la poudre d’anticorps, stockée dans une grande seringue, avec une solution adaptée pour son aérosolisation. Le tout est automatiquement transféré dans le réservoir d’un générateur d’aérosol qui fonctionne sur piles. L’aérosol généré est stocké dans une chambre d’inhalation, pour maximiser la quantité d’antidote délivrée à la victime. Celle-ci y inspire et y expire pendant plusieurs minutes, de sorte qu’il n’y a pas de perte de produit et que ce dernier pénètre profondément dans le tractus pulmonaire. Le dispositif a été testé sur des singes. Les résultats montrent qu’il permet bien de déposer les anticorps dans les alvéoles, et que ceux-ci y persistent jusqu’à six heures. "Reste à vérifier qu’il en est de même chez l’homme", souligne l’Inserm. Il faudra aussi tester l’efficacité du dispositif dans des conditions d’intoxication, chez l’animal. Une étape compliquée à franchir tant l’utilisation de la ricine est contrôlée en France. Les décisions qui permettront de poursuivre le projet appartiennent maintenant à l’armée.
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