Depuis 2004, le Dr C…, médecin généraliste, est le médecin traitant de Mr D… ainsi que celui de ses filles et de leur mère, Mme A… Ayant appris que son médecin entretenait avec son ex-compagne, Mme A…, une relation intime, Mr D… décide de porter plainte devant l’Ordre contre ce praticien, en méconnaissance de l’article R.4127-3 du Code de la santé publique. Selon cet article, « le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ». Cette plainte ayant été rejetée en première instance, sur appel de Mr D…, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre a annulé cette décision et infligé au Dr C… la sanction de l’avertissement. Le Dr C… décide alors de saisir le Conseil d’Etat, considérant qu’il n’avait commis aucune faute déontologique. Le Conseil d’Etat lui a donné raison, dans un arrêt du 26 décembre 2022. Pour justifier sa décision et l’annulation de cet avertissement, le Conseil d’Etat a tenu à rappeler que ce médecin généraliste avait commencé à entretenir une relation intime avec Mme A… à compter de l’automne 2016 alors que Mr D… ne vivait plus sous le même toit que Mme A… depuis août 2016, même s’ils étaient encore liés par un PACS qui n’avait été rompu qu’en 2018. Pour le Conseil d’Etat, ce couple était effectivement séparé depuis le mois d’août 2016 et le prétendu manquement au Code de déontologie ne pouvait être retenu au motif qu’il était encore lié par un pacte civil de solidarité. Comme l’évoque un auteur (1), « lorsqu’un patient découvre son infortune conjugale et qu’il apprend que le complice de l’adultère est le médecin à qui il accordait sa confiance, le sentiment de trahison est exacerbé. Le « patient-conjoint » se sent alors souvent doublement trompé. L’épouse séduite serait parjure à son serment de fidélité. « L’amant-médecin » serait transgresseur de la déontologie médicale ».
Un médecin peut-il recevoir un don d'un patient ? Une relation librement consentie Si la question des relations amoureuses entre soignants et soignés existe, elle peut donner lieu à des sanctions disciplinaires, voire pénales, si ces relations s’exercent sous la contrainte, avec des actes de violence physique ou morale ou caractéristiques d’un abus de faiblesse. L’Ordre invite ainsi les médecins à ne pas abuser de l’ascendant de leur fonction, notamment sur des patients vulnérables, du fait de leur état pathologique ou de leur situation, pour transformer la relation médicale en relation sexualisée. En revanche, l’Ordre ne saurait s’immiscer dans la vie privée de personnes libres et consentantes et une relation amoureuse entre un médecin et un patient majeur ou un conjoint de patient ne saurait constituer une infraction pénale ou déontologique. Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, la séparation de fait de ce couple permettait d’écarter toute faute déontologique et la séparation de droit (rupture du PACS) n’était pas exigible ou ne pouvait constituer une condition préalable à cette relation. Si tout médecin doit s’abstenir, dans son exercice et même en dehors, de tout acte de nature à déconsidérer sa profession, il reste libre de nouer des relations plus intimes avec des personnes qu’il aurait pu rencontrer dans le cadre de son exercice, à condition que ces relations soient librement consenties.
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