12 millions, c’est le nombre de scolaires - écoliers, collégiens et lycéens - en France, soit 20% de la population qui aujourd'hui, n’est pas inclue dans les projets vaccinaux contre le Covid-19. Faudra-t-il, à terme, les ajouter au calendrier vaccinal ? Eclairage de Vincent Maréchal, Professeur de virologie à Sorbonne-Université. Egora Le Panorama du Médecin : Les laboratoires pharmaceutiques ont commencé à tester des candidats vaccins chez les enfants et adolescents, de quelles données dispose-t-on aujourd’hui ? Pr Vincent Maréchal : On a des premiers résultats émanant de chez Pfizer / BioNTech, avec un essai conduit auprès de 2 260 adolescents âgés de 12 à 15 ans et qui montre un taux de protection qui semble plutôt bon : 18 cas de Covid dans le groupe placebo, contre aucun dans le groupe vacciné. Même si la population étudiée reste limitée, on voit qu'on peut protéger aussi les adolescents contre des formes symptomatiques qui, sans être graves, n’en restent pas moins symptomatiques. On observe également que l’immunité chez les 12-15 ans est très bonne, et c’est quelque chose qu’il ne faut pas négliger… on a en effet une réponse immunitaire qui est même plus forte que celle du groupe d'âge 16-25 ans, sans effet secondaire grave. Sur la base de ces travaux, Pfizer/BioNTech vient d’adresser à la FDA une demande d’extension de son vaccin contre la Covid-19 aux adolescents âgés de 12 à 15 ans ; une demande devrait également être adressée très prochainement aux agences européennes. En parallèle, des travaux sont en cours chez des populations plus jeunes… Pfizer / BioNTech prévoit un nouvel essai chez les 5-11 ans, AstraZeneca teste actuellement son vaccin chez les 6 - 17 ans, et la société Moderna a également lancé des essais chez les enfants âgés de 6 mois à 12 ans. On devrait avoir ces résultats dans la deuxième moitié de cette année.
En parallèle, certains pays se prépareraient à inclure les enfants dans le calendrier vaccinal… Oui c’est le cas des États-Unis et d’Israël, avec semble-t-il, dans un premier temps, une extension de la vaccination aux adolescents. On a en effet aujourd’hui tendance à considérer que si les plus jeunes sont moins à risque d'être infectés et seraient moins vecteurs de l'infection, en revanche, on voit qu'à partir de l'école primaire, pour simplifier, et puis surtout à partir du collège et du lycée, les jeunes – et notamment les collégiens et les lycéens – transmettent efficacement le virus. En parallèle, chez l’adulte, des données commencent à émerger sur le rôle des vaccins sur la circulation virale…. On voit notamment sur des études récemment publiées qu’il y a une réduction d’environ 90 % des infections non symptomatiques, chez les vaccinés, et ça c’est très important parce que cette réduction-là va forcément jouer un rôle dans la circulation virale. On a également des études, notamment en Écosse, qui suggèrent que les personnels soignants ayant été vaccinés ont un bien moindre risque de transmettre le virus à leur entourage immédiat, notamment à la maison… et les enfants arrivent à la fin de cette logique. Si on se dit que le vaccin bloque la circulation virale, l’idée c’est qu’on arrive le plus vite possible à une immunité de cohorte. La question se pose alors de savoir jusqu'où il faut aller pour obtenir cette immunité collective… c’est-à-dire peut-on réellement se passer de vacciner les enfants et adolescents pour l’atteindre ? En l'absence de données précises sur le niveau d'immunité qui sera nécessaire pour bloquer la circulation, on est en effet obligé de se poser la question, à savoir jusqu’à quel âge faudra-t-il descendre ? Il y a quelques mois, on parlait d’un seuil d’immunité de cohorte à 50%...
Mais la barre semble progressivement se déplacer vers 60, 70, voire même 80% selon des évaluations récentes. Les dernières simulations réalisées à l’Institut Pasteur évoquent une couverture vaccinale requise à 90% des adultes, en prenant en compte la contagiosité élevée des variants actuels. Si vous considérez cela à l’échelle de la population française, sachant que nous avons 12 millions de scolaires, je ne serais pas étonné qu'on soit tout près d’envisager de vacciner les adolescents et les enfants. Mais parmi ces 12 millions d’enfants et adolescents, un certain nombre a, de fait, déjà été infecté… Certes, mais nous n’avons pas d’idée précise de leur niveau de protection et de la capacité de leur immunité naturelle à résister aux variants actuels. De fait, ce sont 12 millions de cibles potentielles qui viendront s'ajouter aux adultes qui ne voudront pas se faire vacciner. Les « vaccino-septiques » représenteraient 20 à 40% des adultes selon certaines enquêtes. Donc au final, attention à ne pas créer un trou dans la raquette… Entre les enfants et les vaccino-sceptiques, est-ce qu’on n’est pas en train de prendre le risque de faire circuler le virus à bas bruit avec un risque d'échappement du virus ?
Le vaccino-scepticisme justement… Ne craignez-vous pas qu’il soit d’autant plus un obstacle en France lorsqu’il s’agira pour les parents de faire vacciner leurs enfants ? En effet, je pense que beaucoup de parents n'accepteraient absolument pas aujourd'hui, en France en tout cas, de faire vacciner leurs enfants. Pour le moment, on parle d’une population jeune, pas infantile… Mais on sait que plus on va descendre en âge, plus il sera difficile de convaincre les parents. Car, de fait, ce qu’on leur demande en faisant vacciner leurs enfants, c’est bien plus un bénéfice collectif qu’individuel, même si rappelons-le, au 31 mars, on comptait en France 442 cas de syndrome de type Kawasaki (appelé Syndrome Inflammatoires Multisystémique pédiatrique) chez les enfants et adolescents, et que certains d’entre eux ont des facteurs de risque. Aussi, il me semble qu’il est largement temps de se poser la question entre scientifiques, de commencer à en discuter, sans affoler personne... Mais il va nous falloir attendre que les campagnes vaccinales se déploient, en France et à l’étranger, observer les impacts qu’elles auront sur la circulation du virus avant d’engager une réflexion sur la vaccination des moins de 18 ans sans facteur de risque. Clairement, la réponse n’est pas évidente et je pense que la vaccination sera probablement lancée aux États-Unis sur des dizaines de millions d'enfants avant qu’en France une décision ne soit prise.
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