Dépistage en population générale pédiatrique d’auto-anticorps anti-cellules d’ilots : le jeu en vaut-il la chandelle ?

13/02/2020 Par Pr Philippe Chanson
Pédiatrie
L’identification de patients ayant une maladie avant ses manifestations cliniques permet parfois sa prévention ou une meilleure prise en charge de la maladie au moment où celle-ci sera symptomatique.

Dans le cas du diabète de type 1, le plus souvent diagnostiqué au moment du début des symptômes, en particulier au moment des acidocétoses (présentes chez 20 % des enfants ayant un diabète de type 1), le début de la maladie peut être sévère, voire fatal. Comme on dispose de la possibilité de faire le diagnostic de diabète de type 1 à un stade très précoce, sur la présence d’auto-anticorps, avant les signes patents de diabète, on pourrait imaginer, de ce fait, pouvoir réduire la morbidité. La période préclinique chez les diabétiques de type 1 est en effet caractérisée par la présence d’auto-anticorps anti-cellules d’îlots pancréatiques. Or on sait que la plupart des enfants qui ont ces auto-anticorps contre au moins deux des auto-antigènes majeurs des îlots de Langerhans développeront un diabète de type 1. Il est ensuite possible d’évaluer la fonction des îlots β-pancréatiques pour stratifier la phase asymptomatique avant le début de la maladie. Que donnerait un dépistage de masse chez les enfants à la recherche d’auto-anticorps anti-cellules d’îlots ? C’est à cet objectif que s’est attachée une équipe allemande dans le cadre d’un programme de dépistage des auto-anticorps anti-cellules d’îlots à des enfants âgés de 1 à 6 ans en Bavière entre 2015 et 2019. Ce dépistage était proposé par les pédiatres traitant des enfants lors des visites systématiques. Les familles d’enfants ayant des auto-anticorps anti-cellules d’îlots et donc porteurs d’un diabète de type 1 pré-symptomatique étaient ensuite invitées à participer à un programme d’éducation sur le diabète, à une évaluation métabolique et à une évaluation du stress psychologique associé au diagnostic. Un suivi prospectif jusqu’au début du diabète était ensuite mis en place. Le critère d’évaluation principal d’un diabète de type 1 pré-symptomatique était la présence d’au moins 2 auto-anticorps anti-cellules d’îlots avec classement stade 1 (normoglycémie), stade 2 (dysglycémie) ou stade 3 (diabète de type 1 clinique). Sur 90 632 enfants bavarois dépistés, d’âge médian 3.1 ans, intervalle inter-quartile = 2.1 à 4.2, dont 48.5 % de filles, 280 (soit 0.31 % ; IC 95 % = 0.27 -0.35) se sont vus découvrir un diabète de type 1 pré-symptomatique dont 196 (0.22 %) avaient un stade 1 normoglycémique, 17 (0.02 %) un stade 2 (dysglycémique) et 26 (0.03 %) un stade 3, c’est-à-dire un diabète de type 1 clinique. 41 n’ont pas pu être classés.  Après un suivi médian de 2.4 (1 – 3.2) années, 36 autres enfants ont développé un diabète de type 1 clinique. Le risque cumulé à 3 ans d’un diabète de type 1 clinique chez les 280 enfants ayant un diabète de type 1 pré-symptomatique était de 24.9 % (18.5 – 30.7), soit 54 cas, donnant un taux annuel d’incidence de 9 %. Deux enfants ont fait une acidocétose diabétique. Les échelles de stress psychologique étaient significativement augmentées chez les mères des enfants ayant un diabète de type 1 pré-symptomatique en comparaison des mères des enfants n’ayant pas d’auto-anticorps anti-cellules d’îlots, particulièrement au moment où les évaluations métaboliques étaient faites chez leurs enfants. Cependant, ces scores de stress psychologique ont diminué après 12 mois de suivi. En conclusion, chez les enfants bavarois âgés de 2 à 5 ans, un programme de dépistage proposé par les pédiatres, montre une prévalence des auto-anticorps anti-cellules d’îlots de 0.31 %. Ces données sont importantes pour réfléchir à l’intérêt d’un dépistage plus généralisé des enfants à risque de diabète de type 1.

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