Infections à streptocoque A : privilégier l’amoxicilline
Le streptocoque du groupe A (SGA) est à l’origine de diverses infections souvent bénignes mais aussi invasives, sévères voire mortelles. En cas d’angine, le test de diagnostic rapide est un préalable nécessaire au traitement. Entretien avec le Pr Romain Basmaci, secrétaire général de la Société Française de Pédiatrie (SFP), Chef de service pédiatrie – urgences (Hôpital Louis-Mourier – APHP).
Egora - Le Panorama du médecin : Quelles sont les tendances épidémiologiques concernant les infections invasives à streptocoque du groupe A (SGA)?
Pr Romain Basmaci : Les infections invasives à streptocoque du groupe A (SGA) avaient fortement augmenté durant l’hiver 2022-23. Depuis, le nombre d'infections est revenu à un niveau normal et fluctuant comme pour tous agents pathogènes. En ce moment, nous sommes sur les périodes habituelles d'infections à SGA avec la varicelle, les pneumonies, les virus respiratoires (pourvoyeurs de surinfection).
Quel est le pouvoir pathogène de cette bactérie ?
Le SGA est responsable d’infections bénignes non invasives (angine…) qui touche principalement l'enfant de plus de 3 ans. Celles-ci peuvent s’associer à une scarlatine, manifestation toxinique bénigne de la bactérie. Parfois, des lésions cutanées (plaies, boutons de varicelle…) peuvent s’infecter avec le SGA provoquant des abcès cutanés. D’autres infections à SGA peuvent être invasives et prendre différentes formes comme des pneumonies, des pleurésies ou des infections ostéo-articulaires (plus rares).
Quelles sont les dernières recommandations de prise en charge ?
Pour respecter les recommandations de traitement, un bon diagnostic au préalable est indispensable. L'angine est une maladie extrêmement fréquente. Il est nécessaire de différencier celle due au SGA de celle ayant très probablement une origine virale. Les tests de diagnostic rapide (TDR) sont faciles à réaliser et très fiables. Le prélèvement sur les amygdales s’effectue par écouvillon. Le résultat est obtenu en cinq minutes. Très sensibles et spécifiques, ces TDR devraient être largement utilisés dans les cabinets ou aux urgences pédiatriques pour savoir si un enfant nécessite, ou pas, une antibiothérapie devant une angine. Cela permettrait de diminuer énormément les prescriptions non nécessaires, d’autant plus en cette période de pénurie de médicaments !
Le SGA n'est pas une bactérie difficile à traiter sur le plan microbiologique. Elle est très sensible à l’amoxicilline. Ainsi, en l'absence de contre-indication, le choix doit s’orienter exclusivement vers cette molécule en 1ère intention et vers aucun autre traitement, que ce soit les macrolides ou les céphalosporines orales. En effet, les macrolides étaient auparavant très utilisés, ce qui a rendu le SGA résistant à ces traitements, empêchant ainsi de les utiliser en alternative à l’amoxicilline en cas de contre-indication. Leur utilisation ayant diminué, le SGA est redevenu le plus souvent sensible à ces molécules. Il est nécessaire de poursuivre cette surveillance. Non seulement l’amoxicilline est la plus adaptée au SGA mais aussi elle a le moins d'impact sur l'écologie microbienne et l'acquisition des résistances. Pour les infections bénignes non invasives, l’amoxicilline par voie orale, est prescrite aux doses recommandées sur une durée assez courte. Pour les infections invasives plus sévères, l’amoxicilline est prescrite à des doses plus élevées souvent en injection IV avec éventuellement un relais oral au bout de quelques jours, une fois que le syndrome infectieux est contrôlé.
Quels sont les traitements pour les formes sévères et toxiniques ?
Le SGA produit des toxines, provoquant une cascade inflammatoire. Les enfants ayant des formes sévères présentent une éruption rouge très diffuse ; ils sont fatigués, altérés, avec parfois des troubles digestifs (vomissements, diarrhées, douleurs abdominales). À l'extrême, ils peuvent présenter un syndrome de choc avec diminution de la pression artérielle. Selon le site de l’infection, une hémoculture, un prélèvement d’abcès cutané, articulaire, ou de liquide pleural, permet d’identifier le SGA. Dans ces cas, la clindamycine, molécule apparentée aux macrolides à l’effet anti-toxinique, est utilisée en association avec l’amoxicilline.
La chirurgie est parfois indiquée lorsqu’un drainage d’une collection de pus est nécessaire (arthrite septique à SGA ou atteinte pleurale sévère). Les immunoglobulines sont indiquées pour leur effet immunomodulateur sur la cascade inflammatoire produite par les toxines.
Une antibio-prophylaxie est-elle nécessaire pour les sujets contacts à risque ?
Dans l’entourage (maisonnée, contacts proches) d’un enfant ayant une infection invasive à SGA, si des personnes sont à risque de développer une infection invasive (> 65 ans, pathologie chronique évolutive, traitements immunosuppresseurs, lésions cutanées étendues …), une antibioprophylaxie peut être indiquée (céphalosporines orales - cefalexine, cefuroxime-axetil, voire cefpodoxime - ou les macrolides - clarithromycine voire azithromycine).
Le Pr Romain Basmaci déclare n’avoir aucun lien d’intérêt
Au sommaire de ce dossier :
- Écrans : aboutir à un usage raisonné
- Céphalées de l’enfant : connaitre les "drapeaux rouges"
- Risque suicidaire : la détection des signes précoces doit être considérablement renforcée
- Création d’une Société française du TDAH pour tordre le cou aux préjugés
- Prématurité : les risques sont multiples même en cas de prématurité modérée
Références :
D’après un entretien avec Pr Romain Basmaci, secrétaire général de la Société Française de Pédiatrie (SFP), Chef de service pédiatrie – urgences (Hôpital Louis-Mourier – APHP).
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