Tout juste thésé, le Dr Guillaume Malafosse, 29 ans, compte s'installer sans attendre dans une commune de l'ouest de la Réunion. Séduit par l'indépendance qu'offre l'exercice libéral, ce jeune généraliste compte bien la préserver sur tous les plans. Il nous explique pourquoi il a choisi de refuser la Rosp. "J'ai fini l'internat en novembre dernier et depuis, je fais des remplacements sur l'île de la Réunion. J'ai passé la thèse en juin : je voulais être débarrassé le plus tôt possible. Je viens de signer un contrat de collaboration avec un généraliste de La Saline Les Hauts, qui cherche à alléger un peu sa charge de travail. Ce jeudi, je passe en session plénière à l'Ordre pour valider mon inscription au tableau et le contrat. J'attends que tout soit validé pour signer la convention avec la CPAM. Depuis l'externat, je sais que l'hôpital ne me convient pas. J'ai envie d'être mon propre patron, d'être maître de mes horaires, de la manière dont je travaille. C'est pourquoi je me tourne vers l'exercice libéral. Il y a des choses qui font peur aux jeunes, c'est sûr. La gestion du cabinet, les taxes, le côté administratif… nous ne sommes pas formés à la fac. J'espère que mon collaborateur, qui est mon ainé, pourra m'aider. J'ai pris la décision de ne pas adhérer à la Rosp. J'avais une maître de stage qui était dans ce cas. En m'informant un peu sur internet et les réseaux sociaux, j'ai décidé de faire de même, pour plusieurs raisons. D'abord, sur le plan des patients, la rémunération sur objectifs de santé publique ne semble pas efficace. Une étude du Lancet, publiée en 2016, portant sur le paiement à la performance dans les pays anglo-saxons, n'a pas démontré une grande différence sur la mortalité de la population générale. C'est quand même ça le plus important… Une autre étude américaine en date de 2018 montre que ce mode de rémunération entraîne des différences de prise de charge : on peut avoir tendance à choisir ses patients en fonction de la rémunération, à délaisser par exemple un diabétique ultra-compliqué qui ne rentre pas dans les normes d'HbA1a au profit de diabétiques observants. La Rosp ne s'adapte pas aux particularités des patients Par ailleurs, il y a certains critères de la Rosp avec lesquels je ne suis pas d'accord... Notamment le fait qu'un diabétique doit être systématiquement mis sous Metformine. Je me souviens d'un de mes praticiens confronté à ce cas : il avait une patiente diabétique assez jeune qui était retombée à un taux d'HbA1c correct avec des règles hygiéno-diététiques simples, mais ça lui faisait perdre des points. Ce n'est pas normal : il y a des diabètes un peu limites qu'un régime peut traiter. De la même façon, tout le monde ne doit pas être sous statine. Moi j'essaie d'en discuter avec les patients, en leur exposant les effets protecteurs et les effets secondaires, pour décider avec eux. La Rosp, c'est telle maladie, tel traitement : on ne s'adapte pas aux particularités de chacun. Sur le volet informatique, je ne suis pas non plus favorable au DMP. Quand on voit les cyber-attaques sur les hôpitaux… Personnellement, je ne voudrais pas que toutes mes données médicales se retrouvent sur un réseau, car ils n'ont pas l'air si sûr que ça. Pour le médecin, le seul côté positif de la Rosp, c'est la rémunération. Mais elle n'est pas exceptionnelle. Cinq mille euros, quand on enlève les charges, les frais d'actualisation du logiciel internet, etc., financièrement, ce n'est pas si intéressant. C'est un peu comme avec le smartphones : si on n'en a jamais eu, on n'en ressent pas le besoin. Quand je vois les médecins sur internet qui se demandent quand va être versé tel forfait… je n'ai pas envie de compter sur ça. Surtout vu les retards de paiement de la CPAM. "Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission" Mais ce qui me tient le plus à cœur, c'est l'indépendance. J'ai fait ma thèse sur l'indépendance des internes vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique : ça n'a pas de sens d'être indépendant des labos, mais dépendants de la CPAM. Or, à partir du moment où la CPAM nous verse un "salaire", on n'est plus indépendant. Le serment d'Hippocrate est encore frais : "Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission". Je ne veux pas être tenté d'aller à l'encontre de mes fondements pour la carotte de la rémunération. Avec les forfaits, on a une instance supérieure qui décide de ce qu'on doit faire. Pour moi, le seul garant de l'indépendance des médecins, c'est le paiement à l'acte.
Toutes les réformes qui sont en train d'être mises en place signent la mort de la médecine libérale telle qu'on la connaît aujourd'hui. C'est surprenant vu que ces paiements à la qualité et à la performance ont été testés ailleurs sans succès ! Je me dépêche de m'installer pour échapper à tout ça. D'autant que les choses se mettent souvent en place avec retard à la Réunion – sauf le tiers payant généralisé ! Les médecins restent une denrée rare, voire vont devenir une denrée extrêmement rare dans les prochaines années. Je trouverai d'autres voies. Mais je n'espère pas en arriver là."
Refuser la Rosp : mode d'emploi "Tous les médecins y adhèrent automatiquement à la signature de la convention. Mais ce n'est a priori pas compliqué de se désinscrire. Je vais déjà le signaler lors de mon entretien à la CPAM. Ensuite, il me faudra envoyer une lettre avec accusé de réception dans le mois qui suit le signature de la convention."
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