Un bidon inflammable lui a explosé dans les mains voilà 18 mois. Sa peau a brûlé sur 95% de son corps. Il était donné pour mort. Mais c'était sans compter sur son frère jumeau et les prouesses du Dr Mimoun, chirurgien à Saint-Louis (AP-HP). Franck Dufourmantelle vient de quitter son centre de rééducation. Il raconte ses derniers mois.
Un Pacs, une nouvelle maison et un bébé "pour tout de suite": Franck, brûlé sur la quasi-totalité du corps il y a 18 mois et sauvé grâce à la greffe de peau de son jumeau, ne manque pas de projets après cette prouesse médicale inédite. Il s'est pacsé avec sa compagne Clémentine le 13 avril 2018, le jour même où il a quitté le centre de rééducation. Le couple projette de déménager pour "acheter la maison de nos rêves", explique Franck qui, aux dires de son frère, fera "un très bon père".
Un "clin d'œil du destin"
Les jumeaux trentenaires, Franck et Eric Dufourmantelle, dont la ressemblance reste frappante, même barbe, même sourire, témoignent de leur incroyable aventure médicale, faite de courage, d'obstination et de souffrances dans un ouvrage "Life", paru aux Editions Allary. "J'avais une fresque tatouée sur le bras : la seule chose qui est restée, c'est le mot life. La vie, quoi", raconte ce miraculé de 33 ans. Un signe, pour son chirurgien. Un "clin d'œil du destin" pour lui. L'accident remonte au 26 septembre 2016, quand un bidon explose dans l'usine où Franck travaille comme technicien chimiste. "Je déversais un bidon dans une cuve qui m'a explosé dans les mains, c'était un produit inflammable. J'ai brûlé à vif une quinzaine de secondes", se souvient-il. Seuls le pubis, les pieds et le visage en grande partie, ont été épargnés.
Moins de 1% de chance de survie
Il est immédiatement admis au centre spécialisé de l'hôpital Saint-Louis de Paris. Les mauvaises nouvelles s'accumulent alors - risque défaillances d'organes, greffe durable avec don de tissus comme la peau impossible, moins de 1% de chance de survie pour ne pas dire zéro - raconte Eric. Des brûlés ont déjà été greffés avec de la peau de leur vrai jumeau, mais jamais sur une telle étendue, où les chances de survie sont quasiment nulles. Les cas publiés jusque-là dans le monde allaient de 6 à 68% environ et portaient sur 45% de la surface du corps en moyenne, explique celui qui l'a opéré, le Pr Maurice Mimoun. "Le truc dingue", raconte Eric au sujet de la mésaventure de son frère, c'est que leur gémellité a failli passer inaperçue. Les médecins, qui ne connaissaient le visage de Franck que couvert de bandages, ne pouvaient pas faire le rapprochement avec celui de son frère. En fait, c'est l'insistance d'Eric à vouloir aider alors qu'il n'y a plus d'espoir qui déclenche le branle-bas de combat. Il revient à la charge : "Je suis son frère. Son frère jumeau quand même." Vrai jumeau ? Homozygote ? lui demande sans broncher un médecin. "J'ai répondu oui. Quelques heures après j'étais convoqué dans le bureau du Pr Mimoun".
Une dizaine d'opérations
L'avantage d'une greffe de peau entre vrais jumeaux : il n'y a pas de rejet puisqu'ils ont un capital génétique identique. "C'est la première fois qu'on réalise une greffe de peau entre jumeaux sur 95% du corps", expliquait en novembre le Pr Maurice Mimoun, chef du service de chirurgie plastique et reconstructrice à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) à Paris, qui a mené l'opération. La première greffe de peau est réalisée le 7e jour après l'admission de Franck à l'hôpital. Les deux frères sont opérés au même moment par deux équipes de chirurgiens et d'anesthésistes réanimateurs, afin de réaliser le transfert immédiat de la peau. Le procédé est répété au 11e et 44e jour pour assurer la couverture entière du patient brûlé. Au total, il a subi une dizaine d'opérations, incluant greffes et interventions pour exciser la peau brûlée. Les prélèvements de peau sur le donneur ont été faits en prenant de "minces couches" sur le crâne, qui cicatrise en moins d'une semaine, ainsi que sur le dos et les cuisses, qui cicatrisent en une dizaine de jours. Les 45% de peau obtenue ont été étirés dans une machine pour obtenir "comme un bas résille", ensuite posé sur le corps du brûlé, explique le chirurgien : "Les petites plaies entre chaque maille cicatrisent en dix jours".
Permettre à son frère de vivre
Ce sportif peut maintenant courir 10 à 15 minutes, faire du ping-pong. Il peut écrire, manger avec sa main droite et "faire des gestes quotidiens". "La main gauche qui aurait du être amputée est vraiment handicapée", précise le rescapé. Soutenu par son jumeau, avec lequel il s'engueule volontiers comme autrefois, et les siens, Franck va de l'avant même s'il sait que les arts martiaux (judo-jujitsu) dont lui et son frangin sont adeptes, ne sont plus d'actualité. Pour Franck, la rééducation va "continuer en libéral". Il éprouve encore "une forme de gêne avec la sensation d'être dans une combinaison". Sa peau doit encore s'assouplir. Des cures thermales sont prévues tous les ans et cela devrait durer "dix-vingt ans". Eric, lui, ne conserve que quelques rougeurs sur le dos, traces de prélèvements de peau "pelée à vif". Il les montre sans s'étendre sur les douleurs subies, sans regrets, pour permettre à son frère de vivre. "Mon frère a souffert énormément physiquement", reconnaît Franck. "Ce n'est pas anodin quand on retire la peau. Mais là tout est cicatrisé, il a juste comme des petits coups soleil par endroits." Sans l'hôpital public, ajoutent les deux frères, tout cela n'aurait pas été possible : pour payer ces soins, l'hypothèque de leurs maisons n'auraient "pas suffi".
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