Cabinets détruits, problèmes d'assurance… Les généralistes de Saint-Martin essaient de sortir la tête de l'eau

20/10/2017 Par Sandy Berrebi-Bonin

Le 12 septembre dernier, nous avions interrogé deux médecins généralistes de Saint-Martin pour nous parler de leurs conditions de vie et d'exercice sur l'Île après le passage de l'ouragan Irma. Un mois et demi après, ils retémoignent pour Egora de l'évolution de la situation. Si une tente a été installé pour l'un des deux médecins, l'autre désespère de la lenteur, voire de l'absence d'indemnisation pour ses nombreux dégâts.

  Lire : Rats morts, violences, pillages : les médecins de Saint-Martin racontent l'horreur   "L'année prochaine je serai au RSA et j'aurai la CMU" Dr Jimmy Lam, médecin généraliste à Saint-Martin "La situation a bien évolué.  Il y avait des rats morts, il n'y en a plus, bien qu'il reste encore une odeur. Le climat d'insécurité s'est également amélioré. L'armée est repartie. Mais dans mon cabinet c'est toujours pareil à cause du dégât des eaux. Je n'ai pas pu reprendre une activité normale, il y a beaucoup moins de patients. Ils vont sûrement à l'hôpital pour n'avoir rien à payer. Qui a envie de payer ? Je ne vais pas arrêter la médecine, c'est tout ce que je sais faire. Je ne suis pas couvreur, sinon je me serai lancé dans une entreprise. Avec la reconstruction, ils ont plein de boulot. Je ne sais pas si la venue de Macron a servi à quelque chose. J'ai perdu pas mal de chose, je ne sais pas qui va me rembourser. En tous cas ça n'est certainement pas Macron ni l'Etat. L'Etat m'a offert, à tout casser, 6 bouteilles d'eau, 15 œufs et quelques bananes. Je n'ai jamais eu droit aux tonnes de denrées qui ont été distribués. Je paye des impôts quand même. D'autant qu'ils n'ont pas été annulés. Je ne suis vraiment pas content. Ils ont débloqué des millions, mais ma toiture ne va pas être refaite, ni ma chambre. Personne ne va me payer mon matelas mouillé ou la totalité de mes meubles infiltrés. Le Président est payé pour faire de la figuration, qu'il la fasse. On n'est pas aidés du tout, qu'il s'agisse de la chambre de commerce ou même de l'Ordre des médecins. Je vais peut-être leur écrire une lettre d'ailleurs. Tous les ans on nous taxe mais pour nous donner des sous, il n'y a personne. Je suis écœuré du système. Rien n'avance ici. J'en suis au même stade qu'après le passage du cyclone. De toute façon, mon avis ne fera pas bouger les choses. Financièrement, c'est plus que compliqué. Je ne suis pas assuré. Que ce soit pour le cabinet ou pour la maison, mon assurance ne me couvre pas. Pour la voiture, je suis assuré au tiers et les dégâts liés aux catastrophes naturelles ne sont pas pris en charge. J'ai toute la voiture à refaire, j'en ai pour 3 000 euros.  Des fois on se demande s'il faut faire des études de médecine ou rester à la CMU. De toute façon si je n'ai pas de revenus, l'année prochaine j'aurais droit à la CAF et au RSA. Je vais faire comme les autres ici, profiter du système."   "Mon cabinet a été totalement détruit, les rénovations ne seront pas faites avant plusieurs mois" Dr Pierre-Yves Merlet, médecin généraliste à Saint-Martin "Depuis près de trois semaines, une tente a été installée à deux endroits de l'île. Il y en a une dans mon secteur dans laquelle on peut recevoir les patients, étant donné que plusieurs cabinets médicaux ont été détruits. Avec une équipe de la Croix rouge ou de l'Eprus, on reçoit les patients tous les matins. L'après-midi, je fais les visites à domicile. De temps en temps je m'arrête dans la rue, notamment quand il y a des distributions d'éléments de première nécessité par la Croix rouge pour voir si les gens n'ont pas besoin de consultations. Ils ne font pas tous le trajet pour aller dans les structures de soins sous tente. Nous sommes deux ou trois médecins dans ce cadre-là mais les autres médecins ont recommencé leurs consultations en cabinet.  Le mien a été totalement détruit. Une voiture est rentrée dans la baie vitrée et après il y a eu un raz de marée. Une vague de 1m50 a déferlé sur plusieurs endroits de l'île, probablement pendant l'œil du cyclone. Enfin la deuxième partie du cyclone a fini par balayer le reste. En fonction de l'endroit où l'on se situe, moi je suis dans une copropriété, probablement que les rénovations ne seront pas faites avant plusieurs mois. Je dois encore voir l'expert de l'assurance. Elle prendra sûrement en charge une partie de mon matériel médical. En ce qui concerne les dommages structuraux, cela passera par le propriétaire étant donné que je suis locataire de mon cabinet. Qu'il s'agisse des diarrhées, des virus endémiques comme le chikungunya ou la dengue ou encore la leptospirose, les hépatites… On fait une surveillance de tout cela. Il y a eu quelques cas de diarrhées chez les locaux, liés probablement au changement d'alimentation ou à la réouverture de certains établissements fournissant la nourriture. En ce moment, les agents d'intervention qui ne sont pas d'ici (Eprus, gendarmerie, Croix rouge…), commencent à être pris de diarrhées. Cela vient d'arriver. On ne sait pas exactement à quoi c'est dû. En dehors de cela, il n'y a pas de pathologies problématiques qui surgissent depuis le cyclone. En ce qui concerne les médicaments, les pharmacies ont pu, pour beaucoup d'entre elles, rouvrir. Les pharmaciens ont pu se réapprovisionner avec un passe-droit. Ils pouvaient contacter la Guadeloupe pour avoir du stock. Selon la loi, le pharmacien ne pouvait s'approvisionner que par le grossiste. On avait un grossiste ici mais qui a été bien détruit. Ils ont donc pu se faire livrer de Guadeloupe. Malgré cela, on a quand même des problèmes de livraison de médicaments. Cela aurait été bien que le passe-droit soit élargi à la métropole, mais ça n'a pas été le cas. En tous cas, on n'a plus trop de problèmes de ce côté-là. Moi-même qui donnais des médicaments, il m'en reste encore un peu. Je les donne à des patients qui n'ont pas de sécurité sociale ou à d'autres qui sont couverts par la sécu mais qui ont des soucis parce qu'ils sont en fin ou en renouvellement de droits. Je pense notamment aux gens en CMU. Leurs droits devaient être renouvelés automatiquement mais je n'ai pas l'impression que ce soit le cas. Malheureusement, ces patients ne peuvent pas se traiter si on ne leur donne pas leurs médicaments. Ils n'ont pas les moyens de les payer."

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