La vaccination en pharmacie, un enjeu de traçabilité

23/04/2022 Par Romain Loury
Santé publique
Après la grippe saisonnière et le Covid-19, les pharmaciens, ainsi que les infirmières et les sages-femmes, vont voir leurs compétences vaccinales nettement renforcées, aussi bien en matière d’administration que de prescription. Une extension qui ne peut se faire sans échange d’information avec le médecin traitant, préviennent les syndicats médicaux. 

 

 

Fin janvier, la Haute Autorité de santé (HAS) se prononçait pour un élargissement des compétences en matière de vaccination aussi bien pour les pharmaciens que pour les infirmiers et les sages-femmes. Ne sont concernés que les vaccins non vivants, et sous couvert d’une formation à la vaccination. Après ce premier avis, destiné à la vaccination des adultes, un second volet sur les moins de 16 ans "devrait aboutir d’ici l’été", indique la HAS. 

A l’origine de cette extension, la nécessité d’améliorer la couverture vaccinale, jugée unanimement insuffisante. Depuis 2017, les pharmaciens ont droit d’administrer le vaccin antigrippal sans prescription médicale. Avec la crise sanitaire, cette possibilité a été élargie à la vaccination contre le Covid-19, sur laquelle les pharmaciens ont été en première ligne. L’avis de la HAS élargit cette possibilité à l’ensemble des vaccins, que les pharmaciens auront le droit d’administrer comme de prescrire. 

Début mars, une convention a été signée en ce sens entre l’Assurance maladie et les deux principaux syndicats de pharmaciens, l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Elle prévoit une rémunération de 7,50 euros en présence d’une prescription, de 9,60 euros en son absence -des tarifs qui seront majorés de 5% en Outre-mer. 

 

La prescription vaccinale en 2023 

Quand cette extension des compétences vaccinales, qui concernera aussi les infirmières et les sages-femmes, interviendra-elle ? Pour l’administration des vaccins, "les textes règlementaires font l’objet des consultations obligatoires préalables et devraient entrer en vigueur au deuxième 2022", explique la Direction générale de la santé (DGS). Quant à la prescription, "un vecteur législatif est nécessaire et cette mesure sera donc mise en œuvre dans un second temps en 2023", ajoute-t-elle. 

Selon Pierre-Olivier Variot, président de l’Union de syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), ces mesures amélioreront la couverture vaccinale en France, selon lui freinée par le dispositif actuel : "Sept millions de Français n’ont pas de médecin traitant, et beaucoup de gens ne vont pas voir leur médecin car ils ne sont pas malades. Dans nos pharmacies, nous voyons arriver des gens qui nous disent qu’ils n’ont pas le temps d’aller voir leur médecin." Pour ces personnes recourant rarement au système de santé, le circuit actuel...

constitue un frein important à la vaccination. "Deux rendez-vous chez le médecin pour se faire vacciner, ce n’est plus possible. Le parcours du patient est beaucoup trop complexe", estime Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). 

Du côté des syndicats d’infirmiers, on salue aussi cette avancée : "Face à l’insuffisance de la couverture vaccinale, il faut trouver d’autres solutions. Pendant la crise du Covid-19, nous avons prouvé que nous étions en mesure de vacciner", explique le président du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), John Pinte. Pour d’autres syndicats, le fait que les pharmaciens soient les seuls à disposer d’un stock de vaccins faussera la donne : sous couvert de diversification des acteurs vaccinaux, c’est un transfert de compétence vers les officines qui devrait s’opérer. 

 

Toujours pas de stock de vaccins en cabinet 

Interrogés sur leur supposé incapacité à améliorer la couverture vaccinale, la plupart des syndicats de médecins généralistes interrogés mettent en avant l’impossibilité de stocker des vaccins en cabinet, une revendication qui demeure lettre morte. Quant à l’extension aux pharmaciens, "on ne doute pas qu’ils seront capables de le faire", explique Jean-Christophe Nogrette, en charge de la communication de MG France. "La vaccination était aussi l’occasion de faire un bilan global de prévention avec des classes d’âge qu’on voit moins dans nos cabinets (…) On nous enlève de petites choses, mais on nous laisse celles qui sont compliquées, comme la prise en charge des patients âgés, sans jamais nous apporter d’aide", ajoute-t-il. 

Cette extension de la vaccination pose surtout la question de l’échange d’information entre professionnels de santé. Selon le président d’Union généraliste, Claude Bronner, "on met la charrue avant les bœufs. Nous sommes opposés à déléguer des tâches sans qu’ait été mise en place une vraie traçabilité". Cette extension "doit avoir lieu dans le cadre d’une coordination entre tous les acteurs. Si c’est un autre professionnel de santé qui vaccine, le médecin doit en être informé", estime pour sa part le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), Franck Devulder, selon qui le médecin traitant doit rester le "pilote".

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