Insuffisance cardiaque : des filières de soins à améliorer

11/10/2019 Par Corinne Tutin
Cardio-vasculaire HTA
Un numéro vert national, un label francophone, un transfert des compétences vers les infirmières, ou encore la téléconsultation pourraient permettre de palier les problèmes d’organisation des soins rencontrés par les patients insuffisants cardiaques.

  Le parcours de soins est en France toujours non optimal dans cette pathologie, ainsi que l’a mis en évidence récemment l’étude IC-PS2, entreprise par le Groupe insuffisance cardiaque et cardiomyopathies (Gicc) de la Société française de cardiologie (SFC). Les spécialistes de l’insuffisance cardiaque ont insisté à Rennes sur l’importance de mieux organiser la filière de soins entre hôpital et ville et de développer, pour éviter des hospitalisations inutiles, la télésurveillance. "Celle-ci connaît d’ailleurs un vrai boom depuis un an grâce au financement du programme ministériel Étapes", souligne le Pr Thibaud Damy (Hôpital Henri Mondor, Créteil, 94), qui préside actuellement le Gicc, à l’occasion  des XVes Journées françaises et des 2es Journées francophones de l’insuffisance cardiaque et des cardiomyopathies (Rennes, 19 et 20 septembre 2019).  "Le Gicc souhaiterait améliorer la visibilité de cette filière de soins par la mise en place d'un numéro vert national, qui permettrait d’orienter plus facilement les patients vers les structures dédiées à l'insuffisance cardiaque sans passer par les urgences, ainsi que la création d'un label francophone des cliniques d’insuffisance cardiaque pour aider les praticiens à mieux identifier les centres spécialisés." "Demain, les patients insuffisants cardiaques les plus complexes seront toujours pris en charge par des unités spécialisées hospitalières, estime le Pr Damy. Mais, l’enjeu majeur est que dans les années qui viennent, les professionnels de ville, infirmières, médecins généralistes, et cardiologues organisent la prise en charge des patients insuffisants cardiaques plus stables au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), selon leur disponibilité, les particularités régionales, et qu’ils mettent en place la télésurveillance."  Comme cette dernière exige une présence permanente pour gérer les alertes, très contraignante à assurer pour des médecins de ville, et compte tenu de la désertification médicale, le Pr Thibaud Damy considère qu’il faudra pour la développer "organiser un transfert de compétences avec des infirmières qui pourraient être chargées de délivrer les objets connectés aux patients, de les surveiller puis de réagir face aux alertes". Ces infirmières, encadrées par des cardiologues, pourraient même modifier les traitements et voir des patients en consultation. "L’expérience du Québec, depuis 15 ans, évoquée à Rennes montre que cette intervention infirmière améliore la couverture médicale des patients, et la Belgique et la Suisse commencent à monter des programmes de ce type." Pour l’instant néanmoins, la législation française n’autorise pas cette prise en charge infirmière. "A l’hôpital Henri Mondor, un protocole de coopération a donc été déposé auprès de la Haute Autorité de santé pour organiser ce transfert de compétences." La place du nouveau métier d’infirmière en pratique avancée (IPA) est encore mal connue, "mais il probable que la formation d’IPA ne suffira pas", pense le Pr Damy. En tout cas, à l’hôpital Henri Mondor, les infirmières en charge des patients insuffisants cardiaques devront "en plus d’une formation spécifique de 15 jours, dans le cadre du protocole de coopération, avoir suivi des stages pratiques et validé le diplôme universitaire (DU) insuffisance cardiaque d’une durée d’un an", précise le Pr Damy.   Des avancées importantes sur le plan médicamenteux "La plupart des patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée sont aujourd’hui traités, après échec d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), par sacubitril-valsartan (Entresto). Plus récemment, l’étude Dapa-HF a révélé que la dapagliflozine réduit la mortalité et les réhospitalisations dans cette forme d’insuffisance cardiaque, mais ce médicament n’est pas encore disponible." "Il sera vraisemblablement ajouté à l’Entresto", pense le Pr Damy.   Le tafamidis (Vyndaquel) a aussi démontré sa capacité de réduire de 30 % la mortalité globale et de 32 % les hospitalisations de cause cardiovasculaire dans les cardiomyopathies avec amylose impliquant une protéine de transport, la transthyrétine. "L’impact de ce médicament va être important, car ces amyloses sont graves avec un taux de mortalité de 50 % à 3 ans, et dans leur forme sénile, elles sont assez fréquentes chez les hommes de plus de 60 ans. Environ 13 % des insuffisances cardiaques à fraction d’éjection préservée pourraient être en fait des amyloses séniles, et 16 % des rétrécissements aortiques pourraient s’accompagner d’infiltration amyloïde. Ce qui fait qu’entre 100 000 et 300 000 patients français pourraient être concernés", considère le Pr Damy. L’arrêté de remboursement a été accordé le 3 septembre 2019, ce qui va faciliter son utilisation. "Mais, déjà 1 000 patients français ont été traités." Il est important d’identifier ces patients (par scintigraphie osseuse, dosage des chaînes légères...), car certains traitements comme les bêta-bloquants et l’Entresto sont contre-indiqués dans ces amyloses cardiaques (dans ce dernier cas, parce que le sacubitril limite la dégradation des fibrilles amyloïdes). Il semble que l’amylose cardiaque soit précédée, 5 à 10 ans avant, de manifestations cliniques comme la maladie de Dupuytren, le canal carpien, des surdités, des arthroses nécessitant implantation de prothèses de genou et de hanche, des ruptures tendineuses. Les techniques d’assistance ventriculaire sont de plus en plus prometteuses. "Le nombre de patients implantés reste cependant insuffisant, déplore le Pr Damy. Il faudrait mieux organiser, au niveau régional, les filières pour que davantage de malades puissent en bénéficier plus précocement." Le nombre de transplantations, autour de 450 par an, est stable mais "doit être amélioré, car des malades sur liste d’attente - souvent des patients avec une cardiomyopathie - meurent encore, un greffon étant disponible pour deux patients".

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