Le Pr François Doz* est oncologue pédiatre, directeur adjoint de la recherche clinique, l’innovation et l'enseignement dans le centre d'oncologie Siredo (Soins, Innovation, Recherche en oncologie de l’Enfant, l’aDOlescent et l’adulte jeune) de l'Institut Curie (Paris), et professeur à l’Université Paris Descartes. Egora.fr : Beaucoup ont dit que le nouveau budget pour la recherche en oncopédiatrie était insuffisant… Qu’en pensez-vous ? Pr François Doz : La nécessité de soutenir la recherche fondamentale en cancérologie pédiatrique est impérative. Rappelons les éléments de contexte : il s’agit de maladies rares qui concernent chaque année environ 2500 enfants de moins de 18 ans dont il faut rapprocher les jeunes adultes qui ont souvent des tumeurs analogues à celles des adolescents. Dans les pays industrialisés, les cancers de l’enfant représentent la première cause de mortalité par maladie entre les âges de 1 et 15 ans. Les taux de guérison sont passés de 30 à 75 % entre les années 50 et 90 puis la progression a été ralentie dans les 20 dernières années. Nous sommes actuellement autour de 80 % de guérison et nous avons fait des avancées importantes pour diminuer les séquelles après traitement. La nécessité de soutenir aujourd’hui davantage la recherche fondamentale en cancérologie pédiatrique est donc impérative pour continuer d’augmenter le pourcentage de guérison des maladies qui restent de mauvais pronostic, mais aussi pour diminuer les risques de séquelles. Nous devons désormais disposer de nouveaux traitements, d’un ordre différent de ceux que nous utilisons majoritairement aujourd’hui (chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie). Et les progrès que nous pouvons faire seront basés sur des découvertes de recherche fondamentale, c’est-à-dire sur une meilleure compréhension de ces maladies, des cellules tumorales elles-mêmes, de leur diversité, et de l’environnement immunitaire et tissulaire dans lesquelles elles se développent et interagissent. C’est pourquoi je trouve remarquable qu’on puisse voter une loi pour soutenir la recherche fondamentale sur les cancers de l’enfant et de l’adolescent. Quels sont les problèmes spécifiques posés par la recherche sur les cancers de l’enfant ? Tout d’abord, les cancers de l’enfant n’ont, dans leur très grande majorité, rien à voir avec ceux de l’adulte. Ce ne sont pas les mêmes maladies, il s’agit en grande partie de tumeurs dites « embryonnaires ». La distribution de ces cancers est également très différente : les leucémies aiguës sont les cancers de l’enfant les plus fréquents, et viennent ensuite les tumeurs cérébrales. Les cancers de l’adulte sont le plus souvent développés au niveau du sein, du poumon, du colon, etc. Ils ne surviennent pas chez l’enfant. Et donc les modèles d’étude, que ce soient des modèles cellulaires ou animaux, ne peuvent pas être les mêmes. Les voies de l’oncogenèse, de la fabrication de ces tumeurs sont souvent très spécifiques et moins complexes que celles des cancers de l’adulte. Par exemple, le nombre de mutations génétiques dans les cancers de l’enfant est souvent très inférieur à celui des cancers de l’adulte. La meilleure compréhension des mécanismes à l’origine des cancers de l’enfant est ainsi souvent utile à celle des cancers de l’adulte. Vous arrive-t-il d’être obligés d’utiliser des traitements de l’adulte hors AMM ? C’est une caractéristique de la pédiatrie en général. Nous utilisons souvent des médicaments de chimiothérapie assez anciens qui n’ont jamais eu l’AMM pédiatrique. Mais, il y a une littérature abondante sur le sujet et nous nous reposons sur des niveaux de preuves élevés : ce sont des médicaments qui sont sur le marché et utilisés chez l’enfant depuis des décennies. Donc aujourd’hui, la plupart des enfants guérissent avec des médicaments qui n’ont pas l’AMM pédiatrique. Il en va autrement pour les médicaments nouveaux où il y a aujourd’hui un vrai développement pédiatrique, y compris avec l’implication des industriels qui développent des études, dans le cadre qu’on appelle en Europe le « pediatric investigation plan » et si les résultats sont probants on peut obtenir une vraie AMM pédiatrique. Le Sénat a également assoupli les conditions d’accès au congé de présence parentale, jusque-là limité à 310 jours, en le prolongeant jusqu’à une durée de 3 ans. Cela permet aux parents de prendre des congés au moment où c’est vraiment nécessaire sans être obligé de prendre par exemple uniquement des mois consécutifs. Il peut y avoir des moments où le traitement permet davantage de souplesse et éventuellement de retourner au travail. Pouvoir reprendre de tels congés ultérieurement est important.
*Le Pr François Doz déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec les sujets abordés au cours de cet entretien.
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