L’homme obèse, une des rares situations où la mesure de la testostérone libre peut avoir un intérêt

18/10/2018 Par Pr Philippe Chanson
Endocrinologie-Métabolisme

Dans la plupart des cas, la mesure de la testostérone totale permet de faire le diagnostic d’hypogonadisme chez l’homme. Le plus souvent, on ne recommande pas d’utiliser la testostérone libre pour le diagnostic d’hypogonadisme. La seule situation où la mesure de la testostérone libre peut être intéressante est le rare cas où la protéine porteuse de la testostérone, la SHBG (sex hormone-binding globulin), n’est pas normale. C’est le cas, par exemple, des très rares cas de mutation de la SHBG. Dans le cas particulier de l’obésité, au cours de laquelle la SHBG est typiquement diminuée, la testostérone totale est souvent diminuée. La question qui se pose alors est de savoir si la mesure de la testostérone libre est intéressante en complément de la mesure de la testostérone totale pour définir un éventuel hypogonadisme chez l’obèse. L’étude European Male Ageing Study (EMAS) est une étude prospective d’observation avec un suivi médian de 4.3 années qui a porté sur 3 365 hommes âgés de 40 à 79 ans de huit pays européens chez qui étaient mesurées différentes hormones et recherchés des signes cliniques d’hypogonadisme. Dans le cas particulier des sujets obèses, les chercheurs de cette étude ont évalué la contribution du dosage de la testostérone libre dans l’amélioration du diagnostic d’hypogonadisme secondaire symptomatique. Initialement, sur les 3 365 sujets, 1 880 avaient une testostérone totale normale et 139 avaient une testostérone totale basse. Ils ont été subdivisés en deux groupes : ceux qui avaient une testostérone totale basse avec une testostérone libre normale (n=101) et ceux qui avaient une testostérone totale basse avec une testostérone libre basse (n=38). L’incidence cumulée des hypogonadismes secondaires (testostérone totale basse) à testostérone libre normale sur 4.3 années étaient de 4.9 % et celle des hypogonadismes secondaires avec testostérone libre basse étaient de 1.9 %. L’obésité prédisait à la fois l’hypogonadisme secondaire à testostérone libre normale et l’hypogonadisme secondaire à testostérone libre basse mais l’hypogonadisme secondaire à testostérone libre normale survenait plus souvent chez les hommes jeunes. L’hypogonadisme secondaire à testostérone libre basse (mais pas l’hypogonadisme secondaire avec une testostérone libre normale) était associé à l’apparition ou l’aggravation de symptômes sexuels, en particulier une baisse du désir sexuel (odds ratio = 2.67 ; 1.27-5.6), une dysfonction érectile (OR = 4.53 ; 2.05-10.1) et une diminution des érections matinales (OR = 3.4 ; 1.48-7.84). En conclusion, ces données longitudinales démontrent que la mesure de la testostérone libre en complément de la mesure de la testostérone totale, et à condition que celle-ci soit abaissée, est intéressante dans le diagnostic d’hypogonadisme chez les hommes obèses. La baisse de la testostérone totale et de la testostérone libre identifie, parmi les hommes ayant une testostérone totale basse, une minorité (27.3 %) d’hommes qui ont des symptômes d’hypogonadisme qui sont absents dans la majorité de ceux qui ont une testostérone totale basse mais une testostérone libre normale.

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