Cytotec : une utilisation justifiée et "non détournée" selon le Pr Nisand

25/10/2017 Par Marielle Ammouche
Pharmacologie

Les gynécologues du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (Cngof) par la voie de son président le Pr Israël Nisand, s’insurgent contre la notion de détournement d’utilisation du Cytotec (misoprostol, laboratoire Pfizer), cette prostaglandine initialement indiquée dans le traitement curatif et préventif de l’ulcère gastroduodénal, mais actuellement principalement utilisé dans les IVG et en obstétrique pour déclencher les accouchements à terme.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) a décidé de le retirer du marché à partir de mars 2018 en raison des risques que son utilisation par voie vaginale entraine. En effet, le Cytotec se présente sous la forme d’un comprimé à prendre par voie orale ; alors que son utilisation par voie vaginale suppose d'utiliser un huitième du comprimé qui est dosé à 200 microgrammes, ce qui est difficile à réaliser avec précision sur le plan pratique, entrainant un risque important de surdosage.   Efficacité scientifique reconnue et prouvée   Mais pour Israël Nisand, l’utilisation du Cytotec dans certaines indications hors AMM est justifié et a même été encouragé par les autorités de santé. "Le ministère de la santé en 1992 a informé les médecins de l’intérêt de ce médicament pour l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), et a encouragé les médecins à le dispenser dans le cadre de l’IVG bien qu’il n’ait pas d’AMM dans ce cadre. C’est ainsi que nous nous sommes habitués à utiliser cette prostaglandine nommée Cytotec en gynécologie" affirme-t-il. Pour ce spécialiste, ce médicament était donc utilisé pour son efficacité scientifique reconnue et prouvée par de nombreuses études scientifiques dans les indications d’IVG, d’interruption médicale de grossesse, de traitement médical de la fausse couche, de l’hémorragie du post-partum, et du déclenchement de l’accouchement normal à terme. "Chaque fois qu’il faut obtenir des contractions de l’utérus, le misoprostol est la prostaglandine la plus efficace et la mieux tolérée, à condition, comme pour tout traitement, de savoir choisir correctement la dose qui est différente pour chacune de ses indications" souligne le Pr Nisand. L’absence d’alternative thérapeutique (en dehors du Gymiso et du MisoOne dans l’IVG médicamenteuse), et son faible coût ont aussi contribué à sa large utilisation.   Médicament le plus pertinent dans certaines indications   La situation actuelle résulterait, selon le Pr Nisand, du fait que le laboratoire n’a pas fait la demande de cette AMM : il "n’a jamais souhaité modifier son AMM à cause de l’implication du Cytotec dans l’IVG. Les retombées négatives promises aux Etats-Unis sur les autres produits commercialisés par ce laboratoire étaient suffisamment dissuasives pour que le fabricant se tienne coi et refuse de modifier son AMM" avance-t-il, ajoutant "ce n’était donc pas un dévoiement, mais bien l’impossibilité de faire autrement en France pour utiliser le misoprostol, médicament le plus pertinent dans certaines indications". Le Pr Nisand insiste : "Comme le Cytotec est le seul misoprostol disponible en France dans la plupart de ses indications, il est normal que les médecins le prescrivent chaque fois que l’état de santé de leurs patientes le nécessite".  Il considère que le laboratoire américain "qui arrête sa commercialisation en France sous la pression médiatique, place les autorités sanitaires françaises devant la nécessité de trouver d’autres laboratoires capables de produire suffisamment de misoprostol pour répondre aux besoins des patientes françaises". Il espère ainsi que, lorsque cela sera le cas avec les AMM adaptées aux pratiques médicales, "les médecins ne seront plus taxés de "dévoyer" une spécialité médicamenteuse chaque fois qu’ils auront besoin de recourir au misoprostol dans l’intérêt des femmes qu’ils soignent".  

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