Dépistage du cancer thyroïdien : sa systématisation chez les adultes asymptomatiques ne se justifie pas

26/05/2017 Par Pr Philippe Chanson
Endocrinologie-Métabolisme

L’incidence des cas de cancers thyroïdiens détectés a augmenté aux Etats-Unis depuis 1975. La majorité de ces cancers thyroïdiens sont des cancers différenciés d’excellent pronostic et dont la survie, à long terme, est très bonne. Une revue systématique de la littérature sur les bénéfices et les dangers associés au dépistage du cancer thyroïdien et au traitement des formes précoces chez les sujets asymptomatiques a été demandée à une équipe d’épidémiologistes américains afin de servir de base à des recommandations américaines (1). Toutes les publications de 1966 à 2016 concernant la détection du cancer de la thyroïde dans les populations adultes asymptomatiques ont été revues. La morbidité et la mortalité du cancer thyroïdien, les tests utilisés pour dépister les nodules thyroïdiens ou pour faire le diagnostic du cancer et les effets secondaires de ce dépistage, dont le sur-diagnostic, ont été analysés. 700 articles ont été revus et 67 études ont été incorporées dans cette revue. Aucune étude de bonne qualité n’a directement analysé les bénéfices du dépistage du cancer thyroïdien. Dans deux études (354 patients), la palpation du cou n’était pas sensible pour détecter les nodules thyroïdiens. Dans deux études limitées sur le plan méthodologique (n = 243 sujets), la combinaison de caractéristiques ultrasonores considérées comme à haut risque était spécifique de la malignité des nodules thyroïdiens. Trois études (5 894 sujets) ont directement évalué les risques du dépistage du cancer thyroïdien : aucune d’elles n’a trouvé de risque sérieux tant du dépistage clinique que de la cytoponction échoguidée des nodules thyroïdiens. Aucune étude de dépistage n’a directement analysé le risque de sur-diagnostic. Deux études transversales, portant sur plus de 39 000 sujets, incluant des cohortes de sujets traités pour des cancers thyroïdiens bien différenciés et des sujets non opérés ou surveillés n’ont malheureusement pas été ajustées pour des facteurs confondants et n’ont pas été dessinées pour déterminer si un traitement immédiat ou précoce, en comparaison d’un traitement retardé ou de l’absence de traitement chirurgical, améliorait le pronostic des patients. Sur la base de 36 études (43 295 sujets), le risque d’hypoparathyroïdie permanente allait de 2.12 à 5.93 (IC 95 %) et le risque de paralysie récurrentielle de 0.99 à 2.13 cas pour 100 thyroïdectomies. Sur la base de 16 études (291 796 sujets), le traitement du cancer différencié, par de l’iode radioactif, était associé à une petite augmentation du risque de néoplasie secondaire et à une augmentation du risque d’effets secondaires permanents au niveau des glandes salivaires, à type de bouche sèche. En conclusion, même si l’échographie du cou utilisant des caractéristiques de haut risque de malignité et la cytoponction écho-guidée permettent maintenant d’identifier les cancers thyroïdiens, il n’apparaît pas clairement que le dépistage global au niveau de la population ou dans des groupes ciblés permette de diminuer la mortalité ou d’améliorer l’état de santé des patients. Le dépistage qui conduit à faire le diagnostic de cancer thyroïdien indolent et le traitement de ces cancers sur-diagnostiqués pourraient même augmenter les risques d’effets secondaires chez les patients. Ceci a donc conduit la US Preventive Services Task Force à recommander, dans le même numéro du JAMA, sur la base de cette revue de la littérature, qu’il n’était pas licite de dépister le cancer de la thyroïde chez des adultes asymptomatiques (recommandations de grade D).

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