Orage adrénergique aigu révélateur d’un phéochromocytome : bien stabiliser avant d’opérer !

26/02/2013 Par Pr Philippe Chanson

Les phéochromocytomes, ces tumeurs sécrétant des catécholamines, sont rares : leur incidence estimée est d’environ 2 à 8 par million par an. Ils sont souvent symptomatiques mais peuvent aussi être découverts à l’occasion du bilan d’un incidentalome ou d’un dépistage dans une enquête familiale. Exceptionnellement, les phéochromocytomes peuvent se présenter de manière très aiguë à l’occasion d’une crise aiguë adrénergique appelée aussi « orage adrénergique », marquée par une hypertension sévère ou une insuffisance circulatoire avec choc et défaillance multi-viscérale cardiaque, pulmonaire, neurologique, gastro-intestinale, rénale, hépatique, etc. Ces crises ou ces orages adrénergiques peuvent survenir de manière spontanée ou être précipités par la manipulation de la tumeur, un traumatisme ou certains traitements. Le traitement chirurgical est le traitement de choix des phéochromocytomes dans leur forme habituelle et l’on considère qu’il faut en général faire précéder ce traitement chirurgical par une à deux semaines d’un blocage des récepteurs alpha et, si nécessaire, d’un traitement par β-bloquant afin de traiter la tachycardie. On sait que la chirurgie chez les patients non préparés est associée à une morbidité et une mortalité supérieures dues à la survenue de crises hypertensives pendant l’intervention et d’une hypotension profonde après résection de la tumeur. Quand faut-il opérer de leur phéochromocytome les patients qui ont eu un orage adrénergique ? Faut-il les opérer d’emblée au moment de l’orage adrénergique ou faut-il plutôt les traiter médicalement et ne les opérer que dans un deuxième temps, leur situation étant stabilisée ? Une étude américaine, publiée dans J Clin Endocrinol Metab apporte une réponse à cette question à partir d’une étude de cohorte rétrospective menée entre 1993 et 2011 et à partir d’une revue de la littérature ; 137 patients présentant un phéochromocytome ont été suivis dans ce centre dont 25 (18 %) ont présenté un orage adrénergique. Après stabilisation médicale et blocage alpha, 15 patients sont sortis d’hospitalisation et ont été réadmis ultérieurement pour une chirurgie élective alors que 10 patients ont été opérés de manière urgente au cours de la même hospitalisation. Aucun de ces patients n’a eu de chirurgie de sauvetage en urgence. Sur le plan postopératoire, les patients qui avaient eu une chirurgie élective seconde, à l’occasion d’une réhospitalisation, ont eu un séjour hospitalier plus court (1.7 jours versus 5.7 jours, p = 0.001) et ont eu moins de complications postopératoires (7 % versus 50 %, p = 0.045). Ils ont été aussi moins souvent admis en unité de soins intensifs postopératoires (7 % versus 50 %, p = 0.045) en comparaison des patients qui ont été opérés dans la foulée. Aucun décès n’a été déploré. La revue de la littérature portant sur 97 cas d’orage adrénergique publiés a montré que les patients qui avaient un orage adrénergique et qui étaient opérés après une préparation avaient moins de complications peropératoires (42 % versus 80 %, p < 0.001) et moins de complications postopératoires (33 % versus 71 %, p = 0.047) et une mortalité inférieure (0 versus 18 %, p = 0.002) que les patients qui avaient été opérés immédiatement au moment de l’orage adrénergique. La prise en charge des patients qui ont un phéochromocytome nécessite une stabilisation initiale de l’orage adrénergique puis un alpha blocage suffisant avant d’envisager la chirurgie. La chirurgie urgente, en catastrophe, au moment de l’orage adrénergique, est associée à une morbidité et une mortalité très élevées. Il faut donc tout faire pour bien stabiliser ces patients et prendre son temps avant de leur proposer un geste chirurgical.

 
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