Asthme de l’enfant avant 3 ans : une entité particulière

Débutant souvent chez le nourrisson à la suite d’agressions virales, l’asthme affecte 20 % des moins de 3 ans. À cet âge, il y a des particularités cliniques, exploratoires et thérapeutiques. Le diagnostic n’est pas simple. Tableaux cliniques, diagnostics différentiels, indication d’un traitement de fond… Le point dans cet article.

19/04/2024 Par Cinzia Nobile
Pneumologie

Article initialement paru sur le site de La Revue du Praticien

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La période allant de la naissance à 3 ans est un moment charnière puisque, pour plus de la moitié des asthmatiques, la pathologie débute dans la petite enfance.

Avant 3 ans, est considéré comme un asthme « tout épisode dyspnéique avec sibilants qui se reproduit au moins 3fois avant l’âge de 2 ans, quels que soient l’âge de début, l’existence ou non de stigmates d’atopie et la cause apparemment déclenchante ». Cette définition peut paraître large dans la mesure où seulement une partie de ces nourrissons continueront à faire des exacerbations. Avant de retenir le diagnostic, on doit éliminer les autres origines de dyspnée.

Manifestations cliniques

Les sibilants sont les signes les plus fréquents. Leur observation récurrente et/ou pendant le sommeil et/ou en situations déclenchantes (activité physique, rires, pleurs, tabagisme et/ou pollution environnementale) est très évocatrice d’asthme.

Avant 3 ans, l’exacerbation prend habituellement le caractère d’une bronchiolite aiguë virale. Elle débute par une rhinite ou rhinopharyngite banale qui précède de 2 à 3 jours une toux sèche, quinteuse, avec polypnée, signes de lutte et wheezing. L’évolution spontanée se fait vers la guérison en quelques jours.

Le terme d’exacerbation, aujourd’hui distingué de celui de crise, désigne des symptômes aigus durant plus de 24 heures et/ou nécessitant un changement du traitement inhalé de fond et/ou des corticoïdes oraux et/ou un recours aux soins hospitaliers.

D’autres tableaux sont possibles :

  • Wheezing continu avec persistance d’une obstruction bronchiolaire dont l’importance varie en fonction des épisodes infectieux ORL et de l’activité de l’enfant. Les symptômes augmentent lors de l’agitation, des repas, à l’effort, mais diminuent au repos et pendant le sommeil. Ces bébés « siffleurs » gardent une activité et un développement staturo-pondéral normaux (« happy wheezers »).
  • Épisodes dyspnéiques et sifflants modérés, toux spasmodique avec sibilants en fin de quinte, survenant en dehors des viroses, plus volontiers la nuit, lors des rires ou d’épisodes d’agitation.
  • Exacerbations sévères pouvant conduire à un asthme aigu grave avec passage en réanimation.
     

    Quelles explorations ?

L’enquête allergologique est réservée aux enfants ayant des symptômes respiratoires persistants, récidivants, nécessitant un traitement continu, ou associés à des manifestations extrarespiratoires compatibles avec une origine allergique. Les prick tests sont recommandés en première intention.

Une radio du thorax de face, en inspiration et expiration, est nécessaire lors du diagnostic. Sa normalité permet d’écarter une grande partie des autres pathologies mimant l’asthme.


Diagnostics différentiels

Plus l’enfant est jeune, plus l’éventualité d’une pathologie alternative est élevée. Les éléments faisant douter du diagnostic d’asthme sont :

  • Retentissement sur la croissance
  • Stridor, déformation thoracique
  • Cyanose, hippocratisme digital
  • Encombrement chronique
  • Purulence des expectorations
  • Persistance des symptômes malgré un traitement antiasthmatique bien conduit.

    Un piégeage expiratoire localisé évoque d’abord un obstacle (corps étranger ++) qui justifie une endoscopie bronchique.

Un hippocratisme digital signe le plus souvent une insuffisance respiratoire chronique.

Une cassure franche de la courbe de croissance oriente vers une maladie plus sévère (respiratoire, digestive, endocrinienne) simulant ou s’ajoutant à l’asthme.

En cas de doute, si les manifestations sont fréquentes et/ou sévères, il est indispensable d’élargir les explorations en milieu spécialisé. La figure 1 illustre le cas d’un enfant qui après 3 bronchiolites a été considéré comme asthmatique. La persistance des symptômes malgré le traitement par corticoïdes inhalés a motivé un avis spécialisé : les explorations ont abouti à la découverte d’un double arc aortique.


Prise en charge

Médicaments
La prise en charge repose sur l’administration à la demande de bêta- 2 -mimétiques (encadré) et l’utilisation des corticostéroïdes inhalés (CI) en traitement de fond.

Les CI autorisés sont la fluticasone (aérosols-doseurs à 50 µg), le budésonide (suspension pour nébulisation 0,5 et 1 mg), la béclométasone (solution pour nébulisation à 0,4 et 0,8 mg). Aux doses faibles à moyennes, la tolérance est bonne.

Les bronchodilatateurs de longue durée d’action (BDLA) n’ont d’AMM qu’à partir de l’âge de 4 ans. Le montélukast, inhibiteur des récepteurs aux leucotriènes (granules à 4 mg), est autorisé dès l’âge de 6 mois, en association avec les CI et à partir de 2 ans avec les mêmes indications que chez le grand enfant.

Stratégie thérapeutique
Chez l’enfant préscolaire, elle est fondée essentiellement sur la fréquence des symptômes intercritiques et l’évaluation des facteurs de risque d’exacerbation (au moins une crise sévère dans l’année précédente, tabagisme environnemental, pollution, exposition allergénique, mauvaise observance).

L’algorithme décisionnel distingue 4 paliers :

  • palier 1 : sifflements viro-induits peu fréquents ET peu de symptômes intercritiques : pas de traitement de fond ;
  • palier 2 : signes insuffisamment contrôlés ou plus d’une exacerbation dans l’année ayant nécessité des corticoïdes : CI à faible dose quotidienne pendant au moins 3 mois ;
  • palier 3 : situation hors de contrôle malgré des CI à faible dose : doublement de la posologie (jusqu’à la dose moyenne) ou adjonction de montélukast ;
  • palier 4 : avis spécialisé.

    La réponse au traitement doit être régulièrement évaluée : tous les 3 à 6 mois.

Après stabilisation, on tente de réduire la posologie corticoïde progressivement jusqu’au seuil minimal efficace. Chez la plupart des jeunes enfants, il est possible de l’interrompre pendant la période estivale.

La gestion des exacerbations doit être anticipée, avec un plan d’action écrit et expliqué aux parents : il les incite à appeler le médecin (ou le système de soins) en l’absence de réponse à un bêta 2 -mimétique au bout de 1 heure ou lorsque la crise est inhabituelle.

Mesures non médicamenteuses : essentielles
Les facteurs allergiques tiennent une place importante dans l’inflammation bronchique. Plusieurs interventions cherchent à réduire l’exposition aux acariens :

  • baisse de l’humidité relative ;
  • choix d’une literie synthétique, de housses anti-acariens ;
  • suppression des tapis, tentures et moquettes, ou nettoyage régulier avec des acaricides, ou produits textiles incorporant ces produits ;
  • lavage régulier des draps à une température > à 55 °C, aspirateurs munis de filtres spéciaux.

    L’hygiène domestique comporte :
  • désinsectisation (blattes) ;
  • limitation des contacts allergènes extérieurs, en particulier les pollens ;
  • éviction des animaux domestiques auxquels l’enfant est allergique ;
  • lutte contre les moisissures ;
  • suppression du tabagisme environnemental.
     

     

    Devenir de l’enfant asthmatique préscolaire
     

    Moins de la moitié des nourrissons siffleurs resteront asthmatiques après l’âge de 6 ans. Les facteurs de risque de persistance sont la sévérité et la fréquence des manifestations initiales, une atopie (en particulier une sensibilisation précoce) et un tabagisme environnemental. Les CI permettent un contrôle efficace des symptômes mais ne changent pas l’histoire naturelle de la maladie.

Salbutamol en traitement d’urgence :

  • Aérosol-doseur : 4 à 10 bouffées toutes les 20 minutes trois fois, puis toutes les 1 à 4 heures en ambulatoire.
  • Nébulisation : 0,15 mg/kg (au maximum 5 mg) toutes les 20 minutes, au minimum 3 dans l’heure, à l’hôpital. Unidose de 2,5 mg si le poids est inférieur à 16 kg.

Références :

D’après : El Zoghbi S, Abou Taam R. Asthme du nourrisson.  Rev Prat Med Gen 2018 ;32(994) ;55 - 8.

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