Les gynécologues publient une synthèse des données actuelles et confirment que la balance bénéfices/risques est nettement positive. A l’occasion de leurs 41èmes Journées, qui ont eu lieu à Lille en décembre 2017, le Collège National des Gynécologues-Obstétriciens (Cngof) a fait un point sur la contraception orale (CO) avec un titre provocateur, mais qui correspond à l’air du temps : "Faut-il avoir peur de la pilule contraceptive ?". Dans leur document, les spécialistes ont passé ainsi en revue les plus grandes études récentes ayant traits aux risques associés à la contraception orale oestro-progestative, à commencer par le risque cancéreux. Les Prs Sophie Christin-Maitre, Pr Israël Nisand, et les Drs Geoffroy Robin, Brigitte Letombe, Dr Christine Rousset-Jablonski, qui ont rédigé cette étude, montrent ainsi que, concernant le cancer du sein, la grande majorité des études ne retrouve pas d’augmentation significative du risque. Seule une minorité de publications met en évidence un discret sur-risque, situé entre 1,2 et 1,6, surtout en cas de prise prolongée de la CO. Mais ce sur-risque diminue après l’arrêt de la CO, pour rejoindre finalement celui des non utilisatrices de pilule.
Les auteurs rappellent par ailleurs l’efficacité prouvée de la CO sur le risque de cancer de l’endomètre, avec une réduction significative du risque de l’ordre de 30 à 50%, et un effet positif lié à la durée d’utilisation. Un impact positif est aussi retrouvé pour le cancer de l’ovaire (réduction significative de l’ordre de 30 à 50%, selon la durée de prise), avec un effet qui persisterait jusqu’à 30 ans après l’arrêt. La pilule diminue aussi le risque de cancer du colon. Concernant le cancer du col utérin, les spécialistes reconnaissent l’existence d’une augmentation du risque de survenue surtout en cas de durée prolongée de pilule, mais qui pourrait être liée à une surexposition au virus HPV du fait de la plus faible utilisation du préservatif. Globalement, "les grandes études de cohortes prospectives n’ont pas retrouvé d’augmentation de l’incidence des cancers (tous confondus) ou de la mortalité par cancer chez les utilisatrices, confirmant ainsi un rapport bénéfices- risques très favorable concernant le risque carcinologique, précisent les auteurs du Cngof. Les utilisatrices présenteraient même une réduction significative d’environ 10 % du risque global de cancer". Les gynécologues se sont ensuite intéressés au deuxième risque souvent évoqué avec la pilule : les accidents thrombo-emboliques, dont on sait qu’ils sont liés aux œstrogènes. Concernant le risque artériel, les auteurs considèrent qu’il est essentiellement lié aux facteurs de risque personnels ou familiaux de la patiente. Ils précisent : "Si les oestroprogestatifs peuvent doubler le risque d’accident vasculaire artériel leur fréquence est extrêmement faible dans la population de femmes jeunes en âge de procréer". Par exemple le risque d’infarctus cérébral chez les femmes de moins de 30 ans est estimé à 15 cas/an pour 1 000 000 femmes utilisatrices de pilules oestroprogestatives, versus 6 cas / 1 000 000 chez les non utilisatrices (Ryan X. et al. Maturitas, 2015. 82(3): 266-70). Et concernant le risque veineux, il est bien connu que les pilules oestroprogestatives augmentent le risque d’accident thromboembolique de façon "modéré". Pour le Cnof, cette augmentation reste cependant "extrêmement faible chez les patientes jeunes en âge de procréer". Ainsi, dans une population de femmes de moins de 40 ans qui n’utilisent pas de contraception, "la fréquence des accidents thromboemboliques veineux varie de 5 à 10 accidents/100 000 femmes par an. Chez les utilisatrices de pilules oestroprogestatives, ce chiffre passe à 20 à 40 accidents/ par an (soit une fréquence de 0,02% à 0,04% des utilisatrices) selon le type de pilule utilisé" détaillent les auteurs de l’étude (Gronier H. et al. Gynecol Obstet Fertil, 2014. 42(3): 174-81). Le risque est maximal la première année et diminue ensuite ; et les accidents sont "très rarement graves". Les gynécologues rappellent ensuite les bénéfices parfois oubliés de la pilule contraceptive, que ce soit sur l’hyperandrogénie, les ménorragies, les dysménorrhées, le syndrome prémentruel, les fibromes utérins, les migraines cataméniales… Ils balaient certaines idées reçues telles que le risque d’infertilité, qui ne repose sur aucune preuve scientifique, ou encore les troubles de la libido. Concernant un lien éventuel avec des symptômes dépressifs, les auteurs concluent que, si les études apparaissent parfois contradictoires, la majorité "va dans le sens d’un effet plutôt neutre de la pilule sur le risque de dépression" ; les autres étant souvent méthodologiquement non fiables. Et sur la question du poids, ils affirment que "la plus récente méta-analyse sur ce sujet se veut rassurante et conclut à l’absence de preuve fiable pour valider le fait que la prise d’une pilule contraceptive puisse provoquer une augmentation de poids" (Gallo M.F. et al., Cochrane Database Syst Rev, 2014(1): CD003987). Impact de la contraception sur la mortalité mondiale Les gynécologues du Cngof ajoutent qu’il ne faut pas oublier l’impact positif de la pilule sur la mortalité dans le monde. Ainsi, deux études publiées dans The Lancet en 2012 ont montré son impact majeur dans ce domaine. La première (Ahmed S. et al. Lancet, 2012. 380(9837): 111-25), qui a inclus des données de 172 pays, a ainsi établi que l’utilisation de la contraception, (toutes méthodes confondues), a permis d’éviter 272 040 décès maternels ; et que, si toutes les femmes de ces différents pays avaient eu accès à la contraception, il aurait été possible d’éviter 104 000 décès par an, soit une réduction supplémentaire de 29%. "Cette diminution est essentiellement due à la diminution de grossesses non désirées et de leurs conséquences" précisent les experts du Cngof. La deuxième étude (Cleland J. et al. Lancet, 2012. 380(9837): 149-56), a montré son impact positif sur la santé périnatale et la survie des enfants. Les gynécologues alertent donc :"Ne diminuons pas la prescription et/ou l’utilisation de la contraception, sous peine d’augmenter le nombre de grossesses non désirées et la mortalité maternelle en France !". Pour conclure, c’est donc sans équivoque qu’ils répondent à la question du titre de cette communication : Non ! il ne faut pas avoir peur de la pilule contraceptive ! Ils réaffirment que la balance bénéfices/risques "reste très favorable chez l’immense majorité des patiente". Ils ajoutent cependant que, comme tout médicament, la pilule comporte certains risques, même s’ils sont "très faibles", et certaines variations individuelles ; et que sa prescription nécessite donc un bilan et une surveillance.
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