Les syndromes radiologiques isolés (RIS) sont des lésions découvertes fortuitement à l’IRM suggérant un phénomène démyélinisant sans qu’aucun événement clinique ne soit rapporté. Cette année, les critères radiologiques diagnostiques des RIS ont été réactualisés (au moins une lésion T2 cérébrale dans des localisations prédéfinies, bandes oligoclonales dans le LCR…), assortis à des facteurs de risque d’évolution vers une forme clinique : sexe masculin, âge inférieur à 37 ans, présence de lésions T1 réhaussées au gadolinium, lésions du faisceau corticospinal notamment.
Aussi, l’attitude ne sera pas la même face à tous les patients. Il faut a minima surveiller régulièrement. Mais l’inertie thérapeutique peut être particulièrement dommageable chez les plus jeunes : ne pas traiter pourrait favoriser le risque de handicap ultérieur à long terme. « La question de la tolérance et du risque infectieux lié aux traitements est moins aiguë que le risque de handicap à long terme lié à la SEP. Ces questions pourraient d’ailleurs trouver leur résolution dans des stratégies de minimisation des risques, aujourd’hui à l’étude », insiste le Pr Xavier Ayrignac (CHU Montpellier). Le premier essai multicentrique randomisé sur le sujet l’a d’ailleurs confirmé il y a quelques semaines : le traitement de fond (diméthylfumarate) a réduit de 82% le risque de premier symptôme neurologique à 96 semaines de patients RIS par rapport au placebo.
La différence entre forme rémittente et progressive s’estompe
L’histoire naturelle de la SEP- rémittente récurrente (RR) est schématiquement représentée par des poussées avec ou sans aggravation résiduelle, souvent suivie par une phase secondairement progressive (SP) où le handicap augmente régulièrement, avec ou sans rechutes occasionnelles. L’aggravation de la maladie hors des poussées était considérée comme l’apanage des formes primaires progressives (PP) ou SP. Mais il est clair aujourd’hui qu’une aggravation significative survient de façon indépendante de l’activité des poussées pour plus d’un quart des patients et qu’elle constituerait même un élément prédominant dans l’aggravation du score de handicap (EDSS) ; ces évènements, dénommés Pira (progression independent of relapse activity) sont des processus neurodégénératifs non inflammatoires qui aboutissent à l’accumulation d’une atteinte neuronale irréversible. « La distinction entre les formes RR et les formes progressives s’étiole », a reconnu le Dr Laurent Suchet (Hôpital Européen, Marseille). Les Pira s’avèrent heureusement pour partie accessibles à l’efficacité des traitements immunoactifs de la SEP. Mais ils renforcent l’intérêt pour les pistes thérapeutiques de remyélinisation qui sont aujourd’hui développées à travers plusieurs approches : cellules progénitrices et précurseurs d’oligodendrocytes, cellules microgliales et cellules T régulatrices.
Traiter intensivement précocément
Il existe de nombreux arguments en faveur d’un traitement de haute efficacité (ou THE : alemtuzumab, anti-CD20, cladribine, daclizumab, cellules souches hématopoïétiques, mitoxantrone, natalizumab, modulateurs de la S1P) initié précocement : « Le suivi de cohortes importantes a montré que le potentiel fonctionnel des patients traités finit par être altéré à long terme, même dans les formes modérées de la maladie. Et ceux qui ont été pris en charge rapidement avec un THE ont un handicap moins sévère que les autres après 10 ou 15 ans de suivi », a rapporté le Dr Jonathan Ciron (CHU Toulouse). La comparaison des registres nationaux suédois et danois le confirme : « En Suède, un tiers des patients sont traités par un THE d’emblée contre moins de 10% au Danemark, où l’escalade thérapeutique est privilégiée. Trois à 4 années de suivi suffisent à observer d’importantes différences sur le score EDSS moyen. »
Cela veut-il dire que tous les patients doivent être traités d’emblée par ces traitements ? Probablement : selon le registre international MSBASE, l'incapacité à long terme est inférieure chez ceux dont les poussées non invalidantes des deux premières années ont été traitées par un THE, par rapport à ceux qui n’ont pas été traités ou ont été traités par un traitement d’efficacité moindre. Les poussées qui ont eu lieu dans les 2 à 5 ans ont eu moins d’impact sur le pronostic à long terme quel que soit le traitement reçu.
L’abstention thérapeutique reste difficile à envisager en l’absence de facteurs pronostiques précis. La question de l’arrêt est en revanche plus facile à discuter, afin de réduire le surrisque infectieux inhérent aux traitements de la SEP. « Les données du registre MSBASE montrent que l’arrêt est envisageable chez un sujet âgé ayant une forme ancienne et évoluée qui ne progresse plus », rapporte le Dr Guillaume Mathey (CHRU Nancy). La prudence reste toutefois de mise : l’âge minimal serait situé entre 50 et 60 ans, et la maladie doit être inactive depuis 2, voire 3 années. L’arrêt ne peut être envisagé qu’au prix d’une surveillance clinique et une imagerie régulière. Attention également au risque de réactivation de la maladie après arrêt des traitements de séquestration des lymphocytes T (natalizumab modulateurs S1P).
- Que retenir des Journées de neurologie de langue française ?
- Migraines et céphalées : vigilance accrue chez les femmes
- Maladie de Parkinson : les troubles psychiatriques favorisants et favorisés
- Douleurs neuropathiques : les traitements non pharmacologiques comptent
- Epilepsie : des précisions sur les modalités de l’initiation et de l’arrêt du traitement
La sélection de la rédaction
Approuvez-vous la nomination du Dr Yannick Neuder à la Santé ?
Michel Rivoal
Non
Disons que j'ai plutôt une réserve. Ce qui me gène n'est pas qu'il soit médecin ou pas et cardiologue ou pas et hospitalier ou p... Lire plus