Usagers, aidants : un parcours du combattant

12/02/2020 Par Corinne Tutin
Psychiatrie
En psychiatrie, le parcours de soins reste semé d’embuches. Des initiatives comme la psychoéducation, l’arrivée de médiateurs de santé pairs permettent toutefois aux usagers comme aux familles de trouver davantage leur place.
 

 « Un des problèmes en psychiatrie demeure l’accès aux soins dans un délai acceptable», a expliqué Marie-Jeanne Richard qui préside l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques). De fait, une enquête réalisée en 2016 par l’association révèle que celui-ci dépasse 3 ans dans 37 % des cas. Il est aussi difficile pour les patients - « qui préfèrent se nommer en psychiatrie usagers car ils ne sont pas patients, même si le mot n’est pas idéal » a indiqué Jocelyne Viateau (Unafam) - , de trouver la bonne personne au bon moment. Et, dans 20 % des cas, c’est du reste la famille qui conduit son proche à l’hôpital.  Le maintien dans les soins représente également un challenge en raison des nombreuses « sorties de route », le déficit d’accompagnement étant renforcé par le faible nombre en France de « case managers » (des professionnels qui coordonnent les soins), et le recours insuffisant à l’éducation thérapeutique du patient. « Souvent vécues par les familles dans une grande solitude, ces difficultés s’associent à une inéquité territoriale, avec une offre de soins très différente selon le lieu d’habitation, le projet de l’équipe soignante ou de l’établissement », a insisté M.-J. Richard. S’y ajoutent des facteurs aggravants : non prise en charge des addictions, sorties d’hospitalisation non préparées, structures scolaires et établissements ou services d’aide par le travail (Esat) mal adaptés, rareté des lieux de vie tels que foyers d’accueil médicalisés (FAM), maisons d’accueil spécialisées (MAS), Ehpad pour les patients vieillissants... Ce qui explique probablement pourquoi 30 % des malades vivent dans leur famille. « Il faut aussi attendre 4 ans voire 6 ans pour obtenir une place en service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Sansah) », a déploré M.-J. Richard.  Le handicap psychique est aussi mal compensé financièrement, et l’accès à l’emploi faible. Quant à la stigmatisation, elle est encore bien présente. Par ailleurs, la parole des patients et des familles est insuffisamment écoutée, ce qui complique la constitution d’une alliance thérapeutique. Certains points de la feuille de route en santé mentale et psychiatrie pourraient toutefois avoir un impact...

favorable, comme la mise en place des projets territoriaux de santé mentale, estime l’Unafam. Le développement des groupes d’entraide mutuelle, créés par la loi Handicap du 11 février 2005, aide aussi patients et familles. Il s’agit de structures non médicales, financées par les ARS, permettant de se réunir pour des activités, tisser des liens. Ils connaissent un grand succès, « mais ne sont pas assez nombreux en milieu rural », a signalé M.-J. Richard.     Aider les aidants Malgré tout, les établissements de soins psychiatriques évoluent, et les familles sont davantage prises en compte. Certaines équipes proposent ainsi des mesures de psychoéducation pour aider les aidants à mieux faire face aux troubles de leur proche. Un programme de ce type, Bref, a été développé sous forme de 3 séances d’une heure environ, suivies 3 mois après d’un appel téléphonique d’évaluation,  animées par un binôme de professionnels de santé et de bénévoles de l’Unafam. Ces séances permettent de répondre aux questions des familles (séance 1), d’échanger à propos du proche malade (pathologie, organisation des soins) (séance 2), de discuter grâce à l’intervention du bénévole de l’Unafam du retentissement familial de la maladie, des ressources disponibles pour les aidants (séance 3).  Une étude entreprise auprès de 108 aidants de 3 centres (dans 52 % le père ou la mère, dans 11 % le frère ou la sœur, dans 6 % le conjoint, dans 6 % une personne ayant un autre lien) en a démontré les bénéfices, la symptomatologie dépressive présente chez initialement 67 % des aidants (au vu du score CES-D), étant significativement atténuée au décours du programme. Celui-ci a été très bien accepté avec un indice de satisfaction de 94 %, et 73% des aidants ont assisté aux 3 séances. Le Dr Romain Rey (Centre hospitalier le Vinatier, Bron), qui a mené cette étude, estime que « ce programme doit être proposé dès la première année de prise en charge aux aidants ».   De patient à professionnel Les usagers tirent quant à eux parti de l’intervention dans un nombre croissant d’établissements de médiateurs de santé pairs, d’anciens patients stabilisés recevant une formation universitaire aboutissant à une licence. Ces médiateurs, qui sont des professionnels rémunérés, participent à l’éducation thérapeutique, à des activités de soins, peuvent avoir des entretiens individuels avec les patients sur leur demande ou celle d’un soignant. « Mais, leurs apports sont principalement liés à leurs expériences, et permettent d’agir sur deux leviers : l’espoir et l’identification en aidant les usagers à retrouver l’estime de soi », a expliqué Wendy Hude, qui a été médiatrice de santé pair à l’Établissement public de santé parisien Maison Blanche. « Ces professionnels facilitent aussi une attitude plus active dans la relation aux soins, l’empowerment ».  Le terme de médiateur n’est pas usurpé car ces professionnels « facilitent la communication entre patient et psychiatre, dont le rôle n’est pas toujours bien perçu en raison des hospitalisations sous contrainte ». Une centaine de médiateurs de santé pairs travaillent en France, s’est félicité le Dr Jean-Luc Roelandt, psychiatre à Hellemmes (59), qui a joué un rôle déterminant dans la mise en place de ce nouveau métier en France, tirant au départ parti d’expériences américaine et québecoise, et a conçu à l’université Paris 13 (Bobigny) la première formation à cette profession. Pour ce psychiatre, ces médiateurs ont démontré leur utilité, notamment « parce qu’ils sont bilingues et parlent à la fois le psychiatrique et le patient ».  Ces médiateurs pourraient aussi être très utiles pour mieux permettre aux patients de recevoir les soins somatiques et entrer en relation avec les différents professionnels de santé, estime Wendy Hude.  

Faut-il mettre fin à la possibilité pour un médecin retraité de prescrire pour lui-même ou pour ses proches ?

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