Des journées de 15 h et pas de vacances : le MG sidéré de ne pas trouver de remplaçant

17/08/2017 Par Fanny Napolier
Démographie médicale

Contraindre les jeunes médecins à s'installer un an en zone sous-dotée pour goûter aux joies de la médecine de campagne. En désespoir de cause, et de successeur, le Dr Patrick Laine en vient à plaider pour la coercition. A 67 ans, il s'étonne qu'aucun candidat ne se présente pour reprendre les 3 000 patients habitués à le voir travailler 15 heures par jour, 6 jours sur 7, qui ne prend pas de vacances. Sur les réseaux sociaux, certains confrères ironisent.

Le docteur Patrick Laine ne comprend pas. Ce généraliste de 67 ans a passé une annonce sur Le Bon Coin voilà plus d'un an pour trouver un successeur. Il pensait son offre alléchante : "Je donne tout : mobilier, matériel médical, informatique, patientèle". Mais voilà, depuis, rien. "J'ai été dépassé par le buzz, rien d'autre, regrette-t-il. J'ai eu deux appels de médecins étrangers, mais il leur fallait trois ans pour obtenir une équivalence. Sinon, il y a eu zéro candidat ! Nous sommes dans un fossé".   Grand jeu   En donnant gracieusement sa patientèle et tout son matériel, le généraliste pensait pourtant sortir le grand jeu. "C'est un sacrifice que je fais volontiers", expliquait le médecin. "C'est une demi-annuité de salaires. Je préfère faire une croix que l'argent et trouver un remplaçant que d'avoir sur la conscience tout un village sans docteur." Dans un contexte de désertification médicale grandissante, le médecin semble avoir oublié que plus aucun médecin ne vend sa patientèle depuis longtemps… Installé depuis 35 ans dans un village de 800 habitants, dans la Haute-Saône, il assure avoir tout essayé. En vain. Il a signalé sa situation à l'Ordre des médecins, à l'ARS. Il a publié des annonces dans la presse, sur Internet. Il a même "chèrement payé" un organisme privé pour trouver un repreneur. "L'heure de la retraite a sonné mais je ne veux pas abandonner mes patients. Ils méritent mieux que cela. Vous savez, on a vieilli ensemble. J'ai en consultation trois générations. Je ne peux pas tourner les talons comme si de rien était". Pourtant, dans le village du Dr Laine situé à quelques kilomètres de la frontière Suisse, une autre généraliste est installée. Et dans un rayon de 30 kilomètres, on trouve plus de 250 confrères.   Favorable à une obligation d'installation   Stupéfait face à cette absence de candidats, le Dr Laine se montre très critique vis-à-vis des jeunes générations. "On leur a transmis l'idée que la médecine générale était un parent pauvre. Pour les attirer, il faut élargir les possibilités des médecins de campagne aux frottis, aux infiltrations légères...", suggère le médecin. Après 35 ans d'exercice libéral, il se dit même favorable à une obligation d'installation dans une zone sous-dotée pendant un an. "Après avoir vécu l'expérience, il y a bien un jeune qui aura envie de rester", estime-t-il. Depuis quelques jours, la mésaventure du généraliste fait les gros titres de la presse. Pour le plus grand agacement de nombreux médecins. Car s'il est une chose sur laquelle le Dr Laine ne semble pas s'interroger, c'est sur son rythme de travail. Depuis 35 ans, le généraliste aux 3 000 patients parcourt 100 kilomètres par jour, travaille six jours sur sept, jusqu'à 15 heures par jour. La dernière fois qu'il a pris des vacances, c'était quelques jours en juin pour faire soigner une hernie discale. Quelques temps auparavant, le généraliste avait été victime d'un accident cardiovasculaire. Même enthousiastes et motivés, de jeunes médecins pourraient être effrayés pour moins que ça.  

               

 

  Sur Facebook, les médecins aussi se montrent très critiques de leur collègue et ne s'étonnent pas de ses difficultés. "Il y en a encore beaucoup des comme lui, qui rêvent ?" raille ainsi Herve Van Troys. "Ce n'est pas en parlant de stress et de journées à rallonge que l'on attire les jeunes", souligne Alain Stoll. "Il y a aussi la patientèle sans limite à rééduquer", glisse pour sa part Carole Lorinet, "Surtout que les patients ont l'air d'être toujours aussi exigeant en termes de disponibilité malgré son AVC et son épuisement plus que visible… Bon courage à ceux qui vont récupérer ces patients". Aujourd'hui, le médecin compte prendre sa retraite en juin 2018. Et c'est pour cette raison que ses patients devront accepter son absence quelques jours le mois prochain. Le Dr Patrick Laine s'apprête à devenir maître de stage. "C'est ma dernière chance de trouver mon remplaçant."   [Avec Leparisien.fr, Francetvinfo.fr et Franceculture.fr]

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