C’est un problème déjà bien connu : depuis quelques années, les cabinets médicaux des médecins généralistes disparaissent progressivement des centres-villes pour s’installer en périphérie. À Tours, le Dr Olivier Cremière, médecin généraliste remplaçant de 30 ans, a décidé de réaliser une étude prospective pour imaginer quelle serait la situation des 45 cabinets médicaux de la ville dans cinq ans. “Je suis né à Tours et y ai fait toutes mes études. Pendant mon cursus, je me suis rendu compte qu’il y avait très peu de maîtres de stage en centre-ville. Je me rendais aux réunions du syndicat Reagjir, et j'ai réalisé que peu de gens de ma génération voulaient s’installer seul. J’ai donc décidé de faire une étude théorique de la situation, un constat, avant de m’y implanter”, explique le jeune praticien. Après avoir récolté les données nécessaires auprès du Conseil de l’Ordre et sur le site ameli.fr, Olivier Cremière a simplement placé les informations sur une carte : “J’ai indiqué tous les cabinets individuels, les cabinets de deux et de trois médecins avec leurs âges respectifs.” Ainsi, d’après ses recherches, sur les 45 cabinets, dans près de la moitié (44%) d'entre eux, les médecins sont âgés de 60 ans et plus. Les cabinets seuls représentent 60% de l’ensemble… Et les médecins y travaillant sont 59% à avoir plus de 60 ans. Actuellement, les cabinets composés de deux médecins ne sont que 12 à l'échelle de la ville et les cabinets de trois médecins, seulement 6. Pression immobilière “En imaginant un âge de retraite commun à tous, j’en suis donc venu à la conclusion que la moitié des cabinets seraient fermés d’ici 2024”, expose Olivier Cremière. Le jeune médecin explique ces chiffres à travers trois critères principaux : d’abord, une obligation de mise aux normes PMR (Personne à mobilité réduite). Beaucoup de cabinets se trouvent aujourd’hui dans des immeubles sans possibilité d’aménagement, notamment tous les bâtiments classés. Ils bénéficient d’une dérogation, mais difficile pour un jeune médecin de considérer s’y installer tel quel.
Ensuite, la volonté de plus en plus répandue chez les jeunes médecins généralistes de s’installer en groupe. “C’est un moyen de gérer et de partager la lourdeur administrative qu’on nous impose, relève Olivier Cremière. C’est aussi plus stimulant humainement et professionnellement. Ça permet par exemple de discuter de cas difficiles ensemble.” Enfin, la pression immobilière des centres-villes. “A Tours, le prix au m2 est de 3 000 euros en plein centre-ville. Or, pour un cabinet médical regroupé, il faut nécessairement de grandes surfaces… Tout est lié”, se désole Christophe Genies, vice-président de l’Ordre des médecins d’Indre-et-Loire. “C’est pour cela que les bâtiments plus en périphérie sont privilégiés. Et cela permet de résoudre un autre problème pour les patients, celui du stationnement.” Le cas de Tours n’est pas isolé… D’autres villes comme Orléans, Agen ou encore Troyes sont dans le même cas de figure. Aujourd’hui, l’ARS peut subventionner de nouvelles installations de maison de santé via des primes, mais la ville de Tours ne fait pas partie des villes prioritaires classées comme “déserts médicaux”. Pour en bénéficier, il faut de plus remplir un certain nombre de critères, comme la présence obligatoire d’infirmières ou de salle de réunion dans les locaux. Les médecins qui s’éloignent des centres-villes craignent-ils de perdre certains de leurs patients ? “J’en doute”, éclaire Christophe Genies. “Les patients qui prenaient leurs voitures pour arriver jusqu’au cabinet en plein centre prendront toujours leur voiture sauf qu’ils auront plus de facilité à se garer. Et pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer, il y a toujours la solution pour le médecin de se déplacer à domicile.” À Tours, les médecins généralistes déclarés peuvent bénéficier d’un tarif préférentiel pour leurs visites à domicile avec une réduction de 0,40 centimes de l’heure contre 1,60 euros. Pour les deux praticiens, il faudrait également que la ville adapte son circuit de transports en commun en fonction de ces nouvelles problématiques. Pour justement tenter d’endiguer le problème, à Tours, la mairie assure que cinq projets de regroupements de cabinets sont avancés à l'échelle de la ville et trois autres sont en cours d’élaboration. “Mon constat doit servir de sonnette d’alarme”, espère Olivier Cremière.
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