Célibat subi ou choisi : petites confidences de médecins sur leurs amours

14/02/2020 Par Louise Claereboudt
Témoignage
Manque de temps, d'envie, cercle restreint… Trouver l'amour quand on est médecin n'est pas toujours tâche aisée. A l'occasion de la Saint-Valentin, The French Radiologist, Dr Dany Vythilingum et Dr Gilles racontent leur célibat à Egora. Entre solitude, incompréhension et vie à cent à l'heure.
 
 

"Les personnes voient parfois les médecins comme des êtres insensibles"

Dr Gilles*, 51 ans, médecin généraliste    "Je n'ai pas eu de relations stables depuis juin 2018. J'ai rencontré des personnes, mais rien de très concluant. Je n'ai jamais été marié non plus. Mes plus longues relations ont duré 7 ans. Ma première relation longue, c'était avec une femme que j'avais rencontrée à la faculté de médecine. Elle n'a pas réussi la première année et s'est dirigée vers le métier de sage-femme. Moi je travaillais énormément à cette époque : j'étais interne et je commençais les remplacements. Le soir, j'étais un peu fatigué. Entre nous, il y a eu beaucoup de phases de mécompréhension. Pourtant, initialement, j'avais toujours comme règle de ne pas me poser avec quelqu'un qui évoluait dans le monde médical, à la limite paramédical. Sauf que les personnes qui gravitent en dehors du milieu médical ne comprennent pas souvent certains aspects de notre vie. On a souvent besoin, nous médecins, de décompresser sous forme d'humour, second voire troisième degrés. Et certaines choses peuvent être mal prises. Les personnes nous voient parfois comme des êtres insensibles, alors qu'en fait on a tendance à se blinder face à certaines situations. Ça peut passer pour de la froideur, alors que c'est une forme de distance. C'est mal vécu par certaines personnes qui prennent les médecins pour des monstres.  

Quand je regarde mon parcours, je me dis "quand même ce qu'on vit c'est relativement inhumain parce qu'on vit au contact de la maladie, de la mort. On doit endurer ça tout au long de notre cursus et de notre vie". Il y a quelques semaines, j'ai reçu une patiente dont l'enfant est décédé d'une mort subite du nourrisson. Il faut savoir gérer ça et la rassurer sans se laisser submerger par l'émotion. A force de donner, donner, donner, de leur personne, les médecins peuvent avoir un comportement excessif, très egocentrique, dans le privé parce qu'ils ont un manque. Il y a un besoin phénoménal de recevoir et ça peut perturber l'équilibre du couple. Moi dans toutes mes relations, j'ai souvent beaucoup donné. C'est dans ma nature. Mais je n'ai pas forcément reçu… Je pense que ce serait plus simple si je trouvais quelqu'un qui soit médecin généraliste finalement. Même si je me dis toujours qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné, j'aurais bien aimé trouver quelqu'un pour partager quelque chose. Le fait que je travaille énormément (entre 50 et 65 heures par semaine NDLR), ça a été pour 50 à 60% la cause de ruptures dans les relations prolongées que j'ai pu avoir… J'ai été en couple avec une femme avec laquelle on avait le projet de se marier. Le problème, c'est que mon activité a un peu augmenté et les reproches ont fusé tous les soirs parce que je rentrais un peu tard. Ça a mis progressivement de la distance entre nous… Elle était secrétaire médicale mais je crois qu'elle ne comprenait pas si bien le milieu finalement. Le gros problème aujourd'hui, c'est de trouver des gens ouverts. La société a évolué. Parfois quand on va vers les autres, ils sont en mode défense dès le départ, ils sont fermés. C'est assez surprenant. Alors je compte sur le hasard ou sur les amis d'amis. Mais pour le moment ça n'a pas été très concluant."  

"Je fais tellement de choses que je ne ressens pas le manque"

The French Radiologist, 26 ans, interne en radiologie (9e année)    "Je suis célibataire depuis la 3e année de médecine. C'est un célibat qui est choisi. La dernière relation que j'ai eue, c'était avec un garçon qui était en médecine, une année en dessous de moi, donc ça s'est passé pendant les années les plus cool. C'était facile de se voir presque tous les jours, d'organiser des choses ensemble et de donner mon énergie dans la relation. Avec l'externat et la pression, je n'avais plus vraiment d'énergie à mettre dans cette partie-là de ma vie. Personnellement, je n'arrive pas à travailler et à avoir une relation. Soit, je m'implique dans la relation et je le fais vraiment, soit ce n'est pas la peine. Je ne veux pas faire les choses à moitié ni être en couple parce que c'est une injonction sociale ou parce que les gens disent que c'est bien. En plus, je suis tout le temps entre Paris et Orléans (où elle est interne, NDLR). Si je m'engage avec quelqu'un, il faut que ce soit une personne qui accepte que je ne sois pas là toute la semaine, ou que je ne sois pas disponible en permanence, d'autant plus avec les gardes. Quand je serai plus posée dans ma vie, ce sera peut-être plus facile pour moi d'envisager une relation. Mais pour l'instant, je fais tellement de choses tout le temps, que je ne ressens même pas le manque. Même pendant mon externat, ça...   ne m'a pas fait de peine d'être seule. Peut-être qu'un jour, l'amour me tombera dessus ou peut-être que je n'aurai jamais d'enfant, je ne sais pas. Mais je suis heureuse comme ça.      

Je pense même que ça m'angoisserait d'être en couple. C'est un investissement, ça demande de l'énergie, on s'engage dans quelque chose de souvent transitoire à nos âges. Je ne veux pas construire une relation sur du sable. J'estime que je suis encore jeune et pas totalement indépendante financièrement. C'est mon point de vue, que beaucoup ne partagent pas. La plupart de mes camarades de promo, par exemple, sont en couple et, souvent, avec des collègues. Moi ça ne me tente pas du tout ! J'ai vraiment besoin de ma dose et de ma bouffée d'oxygène. Déjà qu'avec mes potes en médecine, on parle 99% du temps de nos patients, des cas, de la pression, je ne veux pas être enfermée dans le milieu médical. Heureusement, j'ai beaucoup d'amis qui ne sont pas du tout dans ce domaine et ça me permet de voir autre chose, d'aller au ciné, au théâtre, de voir des expos. En médecine, il n'y a aucune créativité artistique. On apprend des règles et on les met en pratique. Mais la vie réelle n'est pas de la théorie."  

"Mon ex était infirmier, dans le même service que moi "

Dr Dany Vythilingum, 34 ans, médecin généraliste et gériatre à l'hôpital Sainte-Périne (Paris)    "Ça va faire un an que je suis célibataire. Mais ça va, je ne le vis pas mal. En fait, je le vis plutôt avec légèreté. Je cherche quelqu'un, mais pas de façon active. Idéalement, il faudrait que ce soit une personne qui travaille dans le milieu médical. Mon ex d'ailleurs était infirmier, dans le même service que moi. Quand ça s'est fini, bien sûr, c'était très compliqué. Ce qui fait que maintenant, je ne cherche pas dans mon propre service. J'aimerais simplement que  quand je parle de l'hôpital, la personne avec qui je suis puisse comprendre ce que je raconte : les difficultés d'exercer, les contraintes, etc. Bref, ce que je fais au quotidien tout simplement. J'ai déjà été en couple avec une personne qui n'était pas dans le milieu médical et, honnêtement, c'était très compliqué. Quand j'avais rendez-vous à 19 h, je n'y étais jamais à temps. A l'hôpital, on n'a pas vraiment d'horaires. Il a eu du mal à comprendre. Lui était dans l'événementiel donc avec des horaires de bureau. Autour de moi, tous mes collègues sont en couple. En général, ils sont mariés avec des médecins – souvent des gens qu'ils ont rencontrés à la fac – ou qui bossent dans le milieu médical. C'est vraiment un petit cercle. On reste tout le temps entre nous donc, ça se passe souvent comme ça. En études de médecine, c'était déjà compliqué à l'époque. La plupart de mes camarades de promo étaient en couple avec des étudiants de la faculté. Je pense que les études sont assez longues, donc forcément on passe énormément de temps ensemble. Après il y a quand même des gens qui sont mariés avec des personnes qui n'ont pas de liens avec la médecine (rires). Peut-être qu'à cause de ça, je ne m'ouvre pas assez aux autres personnes. Ça me limite dans ma recherche en tout cas. En plus, je travaille environ 10 heures par jour la semaine, et 7h le samedi en cabinet. Donc je n'ai pas beaucoup de temps pour moi. J'essaie quand même de sortir le samedi soir ou le dimanche en journée. Parfois aussi les soirs de semaine. Au fond, je pense que si je voulais vraiment chercher, j'aurais trouvé les moyens. Pour l'instant ma vie actuelle me convient. Le jour où je sentirai vraiment le manque, je trouverai les moyens pour trouver quelqu'un. Mais pour le moment, j'ai du mal à accorder du temps à une personne."   *Le prénom a été modifié.   Cette semaine nous vous avons interrogé sur votre situation conjuguale. Voici vos réponses :

 

Faut-il mettre fin à la possibilité pour un médecin retraité de prescrire pour lui-même ou pour ses proches ?

Albert Dezetter

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