Le Dr Bertrand Legrand, généraliste installé à Tourcoing (Nord) depuis 15 ans, cumule à lui-seul 36 agressions depuis son installation. Sans compter celles, jugées "mineures", qu'il a préféré ne pas déclarer. Selon lui, les médecins se retrouvent démunis face à la violence. Pour répondre à cette problématique, la Mutuelle du médecin a créé une assistance dédiée.
1126. C'est le nombre d'agressions déclarées l'année dernière par les médecins à l'Ordre (+8% par rapport à 2017). Les médecins généralistes sont en première ligne : ils sont à l'origine de 70% des actes violents. Mais ces dernières ne représenteraient en fait que 30% de la violence réelle. En témoigne l'expérience du Dr Bertrand Legrand, généraliste installé depuis 15 ans dans la Zup de la Bourgogne, à Tourcoing, aux côtés de son épouse. "J'ai pris la suite de mon père", raconte-t-il, témoignant un fort "attachement" à son quartier, bien qu'il soit aujourd'hui considéré comme "le plus dangereux des Hauts-de-France" à cause du trafic de drogue. "C'est le seul cabinet pour 8000 habitants", souligne le médecin, qui a dépassé les 3000 patients médecin traitant. Revers de la médaille, le couple de médecins est particulièrement exposé à la violence. En 2018, ils ont tous les deux été séquestrés pendant plus de deux heures par un patient à qui le Dr Legrand avait demandé de s'excuser pour son comportement lors d'une précédente consultation. Le couple a été placé sous surveillance policière durant les deux mois qui ont suivi. "ça s'est terminé par une main courante. Si j'avais porté plainte, je n'aurais pas pu continuer à exercer", relève-t-il. Il y a trois semaines encore, une jeune femme qu'il prend en charge depuis toujours l'a menacé de mort, lui et son épouse. L'altercation, partie d'un commentaire sur Google jugé diffamatoire par le médecin, a été filmée par son épouse. "Je ne souvenais même pas que la patiente avait menacé de m'étrangler", relève-t-il. La violence des propos et des gestes le pousse à déclarer l'agression à l'Ordre. "Je n'en déclare même pas 1 sur 10. Si on arrive à faire baisser la pression et derrière, à obtenir des excuses, on évite de formaliser les choses", explique-t-il. Suite à sa déclaration, la conseillère ordinale l'appelle : le médecin comptabilise à lui seul 36 agressions. "Il semblerait que je sois le médecin le plus agressé de France", ironise-t-il. Le Dr Legrand a porté plainte pour diffamation et menaces. Une procédure qui lui a déjà coûté pas moins de 12 heures de son temps. "Pendant longtemps, l'Ordre s'est contenté d'un décompte un peu macabre des choses. Leur unique objectif est de se porter partie civil", déplore-t-il. Si le Dr Legrand est presque un habitué, la plupart de ses confrères se retrouvent complètement démunis, à l'image du Dr Dominique Falaise, médecin coordonnateur en centre d'examens. La sexagénaire a été giflée à plusieurs reprises par une patiente revenue une demi-heure après la consultation, accompagnée de son mari et de ses enfants. "Après ce type d'agressions, auquel on n'est pas préparé, on est envahi par la culpabilité : qu'est-ce que j'ai bien pu dire ou faire?", témoigne-t-elle face caméra pour la Mutuelle du médecin. Faute d'un réel accompagnement de sa direction – "préoccupée par le maintien des consultations du jour"-, la praticienne n'a pas songé à s'arrêter ni même à porter plainte dans un premier temps. Elle déplore aujourd'hui un "double isolement" : à la fois administrativo-judiciaire et psychologique. C'est pour répondre à cette problématique, qui ne cesse de prendre de l'ampleur, que la Mutuelle du médecin a conçu, en partenariat avec Filassistance, une garantie post-agression qui répond non seulement "à l'immédiat" (aller chercher les enfants à l'école et les garder le temps de se soigner et de porter plainte) mais offre également "une aide psychologique et juridique" souligne le président de la mutuelle, le Dr Arnaud Olivier. L'enjeu est de taille car, selon lui, la violence peut représenter "un obstacle à l'installation".
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M A G
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