"Symboliquement, c'est difficile de se dire qu'on est considérés comme des voleurs"

01/09/2021 Par Aveline Marques
Témoignage
Lucille, généraliste installée dans une zone déficitaire, vient d'apprendre qu'elle va devoir rembourser 4500 euros au titre du Dipa. Une nouvelle difficile à encaisser pour cette jeune praticienne de 39 ans. 

"Durant cette période, j'avais l'impression de beaucoup moins travailler, se souvient Lucille*, généraliste installée dans une petite ville située en zone d'intervention prioritaire. J'avais une diminution de l'activité de 20%, je dirais. Ça a été très compliqué de comprendre quels étaient les calculs à faire, les chiffres à fournir pour cette aide. Et puis on avait la tête ailleurs… Sur les conseils des syndicats, j'ai demandé le maximum de la somme à laquelle je pouvais prétendre. En tout, ça faisait 6700 euros.  

Aujourd'hui, on me demande de rembourser 4500 euros. Soit une aide réduite à 1200 euros … C'est brutal. J'ai mis un peu de temps à digérer. C'est un peu stressant parce que 4500 euros ce n'est pas facile à trouver. Je n'ai pas eu l'impression l'année dernière d'avoir vécu si bien que ça financièrement. Cette somme m'a semblé nécessaire. Mes charges mensuelles s'élèvent quand même à 5000 euros. Plus toutes les dépenses supplémentaires qu'on a eues par rapport aux années précédentes : les masques, les blouses, tout le matériel qu'on ne trouvait pas à l'époque et qui coûtait une fortune… 

Effectivement, dans les mois qui ont suivi, l'activité a explosé. Je suis dans un secteur déficitaire et des confrères sont partis à la retraite…  

Mais symboliquement parlant, c'est difficile de se dire qu'on est considérés comme des voleurs. Moi j'ai juste indiqué les chiffres qui étaient demandés. Ça ne fait évidemment pas plaisir d'avoir à rembourser 4500 euros mais le plus difficile à accepter, c'est cette mise en doute de notre sincérité. Sans parler de notre investissement face au Covid : le suivi des patients, les réponses à leurs angoisses, la vaccination, gérer les informations qui viennent de partout… franchement c'est rude. 

Je vais contester. Surtout que ma situation personnelle est compliquée. Je suis tombée enceinte en cours d'installation, en 2018. En 2019, il y a trois mois où je n'ai pas eu d'activité mais a priori ils ne l'ont pas pris en compte dans le calcul : ils considèrent que mon CA de 2019 était un CA sur douze mois, du coup la perte d'activité sur 2020 ne se voit pas. 

J'ai écrit aux autres médecins de ma ville. L'une m'a répondu qu'elle avait également des indus, qu'elle contestera. Un autre m'a dit qu'il n'avait pas demandé tout l'acompte possible donc il a eu au final un petit complément. Ceux qui ont été prudents ne sont pas embêtés, contrairement à ceux qui ont suivi le mot d'ordre des syndicats qui considéraient qu'il valait mieux prendre l'argent avant que le calcul ne change. Et c'est ce qui s'est passé." 

*Le prénom a été modifié. 

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Stéphanie Beaujouan

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