Le président de la République veut mille communautés professionnelles territoriales de santé dans toute la France d’ici la fin de son mandat. Reste à donner du corps à ces concepts encore abstraits. Et leur allouer des moyens de financement pérennes. Alors que les premières expériences paraissent déjà coûteuses. Encore totalement inconnues il y a quelques mois, les communautés professionnelles territoriales de santé (Cpts) viennent de faire une entrée en fanfare dans le débat public. En effet, le président de la République a fait de ce dispositif, créé par la loi Touraine de janvier 2016 mais encore poussif, une des pièces maîtresses de sa réforme du système de santé, présentée le 18 septembre dernier. Le plan "Ma santé 2022" prévoit le déploiement de mille Cpts pour "mailler le territoire national à l’horizon 2022". L’objectif peut sembler ambitieux surtout si l’on se rappelle qu’il a fallu une douzaine d’années pour atteindre le même nombre de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). Il n’y a donc pas de temps à perdre. La ministre de la Santé a indiqué au micro de France Inter qu’elle avait déjà demandé aux agences régionales de santé (ARS) de réunir les professionnels de santé pour pouvoir mettre en route des Cpts en 2019, sachant qu’il en existe, pour l’instant, environ deux cents mais généralement encore à l’état embryonnaire. Accord conventionnel interprofessionnel Et l’assurance maladie est aussi dans les starting-blocks depuis la rentrée. Son directeur général, Nicolas Revel, avait souligné lors de l’université d’été de la Csmf à Giens, dans le Var, à la mi-septembre, l’importance de négociations conventionnelles sur ce type de sujet. "L’expérience montre que, quand on utilise des dispositifs législatifs sans passer par la convention, il peut y avoir des problèmes de lisibilité et de visibilité à moyen terme sur leur pérennité", avait-il expliqué. Comme il l’avait annoncé dans une interview accordée à egora-Le Panorama du médecin le 11 septembre 2018, Nicolas Revel compte passer par un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) qui sera négocié entre la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et les syndicats des différentes professions de santé concernées au début de l’année 2019. C’est ce véhicule qui avait déjà été utilisé en avril 2017 pour pérenniser le financement des MSP. Ce dernier ACI, qui avait alors été signé par une douzaine de syndicats de médecins, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes et orthoptistes, a inscrit le principe d’une rémunération annuelle de la structure par l’assurance maladie dont le montant est modulé selon des indicateurs. Cette fois, pour les Cpts, Nicolas Revel semble vouloir sauter la case des expérimentations. En revanche, il devrait appliquer le même principe d’une rémunération forfaitaire en fonction d’objectifs, cette fois à l’échelle des Cpts. Missions En pratique, les missions des Cpts seront différentes de celles des MSP. Le plan du gouvernement prévoit de leur en assigner six, de façon prioritaire : réalisation d’actions de prévention, garantie d’accès à un médecin traitant pour tous les habitants du territoire, réponse aux soins non programmés, organisation de l’accès à des consultations de médecins spécialistes dans des délais appropriés, sécurisation des passages entre les soins de ville et l’hôpital et maintien à domicile des personnes fragiles, âgées ou polypathologiques L’idée est de couvrir des bassins de population de 20 000 à 100 000 habitants selon les territoires. Les Cpts devront aussi organiser la coopération avec les établissements de santé, publics et privés, et ceux de l’hospitalisation à domicile et du médico-social. "Il faut que tous les professionnels... d’un territoire s’engagent, travaillent ensemble et portent une responsabilité collective vis-à-vis des patients de leur territoire", explique-t-on à l’Élysée. C’est l’adhésion à une Cpts qui ouvrira à un praticien le financement par la collectivité d’une future assistante médicale prévu par la stratégie de transformation. "Il nous faut faire évoluer notre métier et assumer cette responsabilité territoriale de façon collective, a déclaré le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Csmf, en clôturant les universités d’été de son syndicat. C’est par la Cpts que nous pourrons mieux structurer l’offre de soins de ville et relever les défis d’aujourd’hui." Pour autant, la confédération estime que les Cpts doivent constituer un objectif et en aucun cas une obligation. "Nous sommes prêts à nous engager avec responsabilité dans une logique de contrat tout particulièrement pour l’accès aux soins, pour la continuité des soins et la permanence des soins", a ajouté le Dr Ortiz devant Nicolas Revel, directeur général de la Cnam. De son côté, le SML souligne que le "déploiement des Cpts, pour favoriser l’exercice collectif et la prise en charge des soins non programmés avec de nouvelles rémunérations, est positif, à condition ne de pas en faire des monstres de bureaucratie" et considère que la mutation totale entre l’exercice strictement individuel et la généralisation de l’exercice coordonné "prendra une génération". Avant même les annonces d’Emmanuel Macron, MG France avait plaidé, à la rentrée, pour que "la nécessité d’organiser les soins de proximité et la prise en charge de patients souffrant de maladies chroniques soit pensée à l’échelle territoriale pluriprofessionnelle à travers de nouvelles Cpts". Logiquement, le sujet des Cpts anime également les organisations pluriprofessionnelles, au premier rang desquelles l’Union nationale des professions de santé (Unps). Cette dernière est en passe d’aboutir sur la négociation avec l’assurance maladie d’un accord-cadre interprofessionnel (Acip) qui est sur la table depuis février et vise également à favoriser la coordination des soins, au-delà d’ailleurs du sujet des Cpts. Groupements hospitaliers de territoires
L’Unps met en particulier le doigt sur l’une des 54 mesures du Plan santé du gouvernement, qui prévoit de "prioriser les financements futurs et dispositifs d’accompagnement (dont l’assistant médical) vers les professionnels exerçant en Cpts ou autres structures d’exercice coordonné (équipes de soins primaires, MSP, centres de santé) et de conditionner une part des financements conventionnels déjà existants d’ici trois ans au fait d’exercer au sein d’une Cpts ou d’une structure coordonnée". À l’Élysée, on explique... en effet, que l’adhésion à une Cpts ne devrait pas revêtir un caractère d’obligation mais être incitative au point de devenir incontournable. Dans sa rédaction actuelle, l’Acip évoque plutôt, parmi les objectifs des Cpts, de "tendre vers la généralisation de l’exercice coordonné". "Il y a des marches à franchir et il faut nous laisser le temps de les franchir", met en garde Jocelyne Wittevrongel, la présidente de l’Unps. Claude Leicher, ancien président de MG France, préside aujourd’hui la fédération des Cpts, créée en juin 2017 et dont tous les syndicats médicaux sont actuellement membres. Selon lui, l’Acip n’est pas un outil intéressant. "L’axe qui est le plus pertinent aujourd’hui politiquement est la déclinaison d’un volet territorial de l’ACI", explique-t-il. C’est d’ailleurs la direction qui avait été indiquée dans le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam) au début de l’été, souligne-t-il. L'étape suivante consistera à relier les CPTS et les GHT "Il va falloir investir dans l’ambulatoire, plaide le Dr Leicher, qui est lui-même en train de constituer une Cpts sur un territoire au sud de Valence, dans la Drôme. Nous constatons que nous avons d’abord besoin de moyens dans la phase d’appui à la création. Puis, une fois le projet lancé, il sera essentiel d’avoir rapidement des financements pérennes." Ce coup d’accélérateur donné aux Cpts est indéniablement à mettre en regard de la constitution des groupements hospitaliers de territoires (GHT), qui sont au nombre de 135 et dont la mise en place a été rapide. L’étape suivante consistera à relier les Cpts et les GHT afin notamment de permettre la mise en place de financement au parcours de soins entre la ville et l’hôpital. Pour l’heure, les expérimentations de financement au parcours prévues en 2019 sur le diabète et l’insuffisance rénale chronique sont cantonnées à l’hôpital.
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