L’affaire remonte à mi-octobre. Un médecin généraliste de Fécamp (Normandie), en exercice depuis trente ans et son épouse, anesthésiste dans une clinique, ont été placés en garde à vue par les gendarmes et mis en examen pour “administration de substance nuisible ayant entraîné la mort”. D'après le quotidien régional Paris Normandie qui a révélé l’affaire, le généraliste est poursuivi pour avoir administré du midazolam, fourni par son épouse, à plusieurs de ses patients malades ou en fin de vie. Pour l’enquête, les corps de sept anciens patients ont été exhumés et la présence du sédatif a été décelée chez cinq d'entre eux. "L'information judiciaire devra s'attacher à déterminer le lien de causalité entre l'absorption des produits et le décès des patients, mais aussi la réelle intention des mis en cause", précisait alors procureur à Paris Normandie. Les patients de ce généraliste ont tenté de le défendre et de nombreux médecins lui ont, depuis, témoigné de leur soutien. “Ce médecin est connu de ses collègues pour prendre en charge les patients à domicile. Il s’occupe beaucoup des personnes âgées et gère les fins de vie à domicile en s’étant formé aux soins palliatifs. Il a plus de 2.000 patients en tout. Être interdit d’exercice pour avoir utilisé une molécule qui est couramment utilisée à l'hôpital ou en hospitalisation à domicile, je trouve que c’est au minimum un règlement de compte ; ou alors un excès de zèle de la part du procureur de la république, qui en plus a fait déterrer des cadavres ces cinq dernières années de personnes qui étaient connues pour avoir eu des cancers métastasés et être clairement en fin de vie”, enrage le président de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon.
Pour mettre la pression au Gouvernement, Jean-Paul Hamon compte lancer un manifeste de 343 médecins, sur le modèle du “manifeste des 343 salopes”, en 1971. “On a décidé de lancer un manifeste sur le modèle des 343 femmes qui avaient déclaré avoir avorté pour donner du poids à Simone Veil afin qu’elle puisse faire passer la loi sur la légalisation de l’avortement. Dès janvier, nous publierons la liste de 343 médecins qui, comme moi, déclarent avoir accompagné des patients à domicile en fin de vie en ne respectant pas forcément la loi”, confie-t-il à Egora. “Comme Agnès Buzyn ne répond pas, nous en appelons à Nicole Belloubet, Edouard Philippe et Emmanuel Macron”. “Les médecins généralistes devraient pouvoir prendre en charge la fin de vie”. Aux yeux du médecin, cette interdiction faite aux généralistes d’utiliser cette molécule participe à la dégradation des conditions d’exercice de la médecine en général. “On est en train de faire croire depuis quelques années que la médecine générale pourrait être faite par des infirmières, des kinés, des pharmaciens, voire de la téléconsultation…
Et là, on interdit aux généralistes de prendre en charge correctement la fin de vie alors que ca fait partie du métier. C’est un pur scandale. On ne cesse de réduire le champ de compétences du médecin généraliste.” “Pour moi c’est capital de défendre ce collègue pour qu’il retrouve ses patients très vite et ensuite de faire modifier cette loi qui interdit aux médecins généralistes d'utiliser cette molécule qui est connue pour respecter tout à fait la loi Leonetti, c’est-à-dire une sédation profonde et continue qui permet aux gens en fin de vie de partir de façon sereine sans souffrir”, explique-t-il encore. Il rappelle également que le Midazolam n’a “jamais tué une personne saine”. Fin de vie et justice, deux choses différentes Aux yeux de Jean-Paul Hamon, la justice ne devrait pas se mêler de ce débat. “On a déjà vu que lorsque la justice se mêle de la fin de vie, on arrive à des situations dramatiques comme celle de l’affaire Vincent Lambert. La justice n’a rien à voir là-dedans. Dans la fin de vie, c’est un contrat entre le patient et le médecin. En tant que généraliste, on doit avoir les moyens de faire respecter la loi Leonetti” Pour le médecin, ce manifeste est donc le moyen d’exprimer cette indignation commune à de nombreux praticiens. “On veut montrer que les médecins généralistes ont décidé de relever la tête. On ne peut pas continuer comme ça”, conclut-il.
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