Gagner du temps médical grâce aux patients : comment un fils de médecins souhaite révolutionner le quotidien des soignants

06/01/2021 Par Marion Jort
E-santé

Simplifier le quotidien administratif des médecins en faisant appel aux patients dès la salle d’attente : c’est le pari que s’est lancé Roman Collin, fils de médecins et jeune entrepreneur, en créant il y a cinq ans l'application “Follow”. Son objectif : faire gagner du temps médical aux praticiens pour mieux soigner au quotidien. Un médecin consacre près d’un tiers de son exercice aux tâches administratives. En 2018, une étude avait estimé à 13 heures et six minutes par semaine le temps passé pour un généraliste libéral au travail non-médical et même 397 minutes hebdomadaires rien que pour l’administratif. Une autre étude de la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) montrait aussi quelques années auparavant la difficulté des médecins de ville à concilier leur emploi du temps quotidien, entre consultations et gestion administrative, en établissant un emploi du temps type de leurs journées (voir ci-dessous). C’est en partant de ce constat que Roman Collin, jeune entrepreneur rennais de 27 ans, a eu l’idée d’une nouvelle application pour faire gagner du temps médical aux praticiens. Ce fils de chirurgien-orthopédiste et de médecin nutritionniste baigne depuis tout petit dans l’univers médical, c’est donc en connaissance de cause qu’il a eu envie de dépoussiérer et optimiser les interfaces des dossiers patients.

Source : Drees “A 15 ans, je travaillais l’été pour mon père en reprenant tous ses comptes rendus opératoires pour tout rentrer dans un tableur”, se souvient le jeune homme. Opéré à plusieurs reprises de l’épaule, il a également eu l’occasion d’analyser le parcours patient, parfois laborieux. Alors il y a cinq ans, pendant son école de commerce, il lance “Follow”, une application qui implique les patients dès la salle d’attente pour “ne pas attendre dans le vide”. Son fonctionnement est simple : à l’aide d’une tablette, le patient commence à remplir un questionnaire en attendant son rendez-vous. “Tout est personnalisable par les praticiens, explique Roman Collin. En général, il y a des questions sur...

les antécédents, les raisons de la visite, depuis quand le patient présente tel ou tel symptôme. Au fur et à mesure, une arborescence se construit pour anticiper les questions que va poser le médecin afin que cette étape soit faite directement en salle d’attente par le patient”, poursuit-il. D’après lui, l’application fonctionne particulièrement bien auprès des médecins spécialistes, pour lesquels le questionnaire d’arrivée est “facilement prédictible”. Une fois en consultation, le praticien ou la secrétaire médicale ont accès aux informations entrées dans l’interface. Tout y apparaît : historique par dates, documents téléchargés, questionnaires. L’application permet aussi de gérer les dossiers, de réaliser des ordonnances avec tout le panel de médicaments existant, de générer des comptes rendus, d’éditer du texte, de facturer et télétransmettre avec la carte vitale notamment.

  Application sur-mesure Près de 800 modèles de questionnaires sont mis à disposition des médecins, toutes spécialités confondues, mais un praticien peut aussi choisir de créer celui qu’il souhaite. Ainsi, un gynécologue pourra, par exemple, demander à sa patiente à quand remonte son dernier frottis. De manière plus générale, le niveau de douleur, les sports pratiqués, les antécédents sont souvent demandés. Au-delà du gain de temps, l’application Follow se veut aussi être un facilitateur du quotidien en permettant d’échanger des dossiers médicaux entre confrères, de communiquer avec les prescripteurs, d'interpréter et de publier des recherches scientifiques, de suivre l’évolution des patients notamment.

A travers ce projet, Roman Collin souhaitait remplir trois objectifs principaux : permettre aux médecins de “se concentrer un maximum sur les patients et maximiser le temps médical”, de “mieux connaître les patients” et enfin, de proposer une solution “simple et intuitive” là où d’autres interfaces n’ont pas beaucoup évolué au fil des ans. “Follow permet de capter...

plus d’informations grâce à l’implication des patients. Si les médecins connaissent mieux leurs patients, nous pensons qu’ils pourront mieux les soigner, les suivre”, confie le jeune homme avec conviction. A l’heure actuelle, 700 secrétaires médicales et médecins de diverses spécialités (cardiologie, urologie, chirurgie, orthopédie, médecine du sport, gynécologie, gériatrie, neurologie, gériatrie…) sont utilisateurs de Follow et plus de 400.000 patients l’ont déjà expérimentée. Moins de trois ans après son lancement, début 2018, le jeune homme a réalisé une levée de fonds d’un million d’euros auprès de Xavier Niel et de la mutuelle bretonne MBA Mutuelle. Au total, une cinquantaine de médecins sont également partenaires de l’application et un comité scientifique a été créé afin de veiller aux valeurs des médecins et secrétaires médicales. Alors que son application ne cesse de se développer, Roman Collin l’assure, toutes les garanties de sécurité et de secret médical sont respectées. “Nous avons évidemment un hébergeur de données de santé agréé par le ministère de la Santé, on respecte les règles RGPD et nous développons des évolutions pour que ce soit toujours plus sécurisé”, détaille-t-il. Pour l’utiliser, un praticien devra débourser une centaine d’euros par mois, somme à laquelle peuvent s’ajouter vingt euros pour l’option de la télétransmission.

  Vers une amélioration de la santé des patients A la fin de l’année dernière, Follow a noué un partenariat avec Doctolib. “Il existe une passerelle sécurisée pour permettre à nos utilisateurs d’échanger des données, assure l’entrepreneur. Vous allez par exemple sur Follow et il suffit de cliquer sur un bouton pour retrouver votre patient dans Doctolib et inversement : vous avez votre patient qui a pris rendez-vous en ligne, vous pouvez directement accéder à son dossier dans Follow”. Le jeune homme ne compte pas s’arrêter là. Dans un avenir proche, il souhaite d’abord permettre à un patient qui prend rendez-vous de remplir immédiatement le questionnaire en ligne. Puis, dans une seconde étape, de permettre aux praticiens d’avoir “un suivi en temps réel des données des patients”, indique-t-il. “Par exemple, en fonction des données entrées, l’interface va comprendre qu’il y a quelque chose en particulier et l’envoyer directement au médecin, pour qu’il prenne les meilleures décisions”, explique Roman Collin. Son objectif est d’équiper 15.000 médecins d’ici 2025.

Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?

François Pl

François Pl

Non

Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus

0 commentaire
3 débatteurs en ligne3 en ligne





 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Histoire
Un médecin dans les entrailles de Paris : l'étude inédite de Philippe Charlier dans les Catacombes
12/07/2024
1
Enquête
Abandon des études de médecine : enquête sur un grand "gâchis"
05/09/2024
15
"Dans cette vallée, le médicobus ne remplace pas le médecin traitant" mais assure "la continuité des soins"
17/09/2024
2
La Revue du Praticien
Addictologie
Effets de l’alcool sur la santé : le vrai du faux !
20/06/2024
2
Podcast Vie de famille
Le "pas de côté" d'un éminent cardiologue pour comprendre le cheminement de son fils apprenti chamane
17/05/2024
0
Rémunération
"Les pouvoirs publics n'ont plus le choix" : les centres de santé inquiets de l'avenir de leur modèle...
07/05/2024
5