La pandémie de Covid-19 va considérablement transformer les systèmes de santé déjà confrontés à d’importants challenges, comme le poids des pathologies chroniques, la pénurie de professionnels de santé et encore, les inégalités d’accès aux soins. C’est ce qu’a rappelé Hal Wolf, président du Healthcare Information and Management Systems Society (HIMMS, États-Unis) lors de la session d’ouverture du HIMSS21 & Health 2.0 European Health Conference, qui s’est déroulé en ligne du 7 au 9 juin. Pour autant, cette pandémie a été un formidable accélérateur de la transformation numérique des systèmes de santé : des solutions ont souvent été adoptées dans l’urgence, des innovations, que l’on attendait depuis plusieurs années, se sont mises en place en quelques semaines… Il y a des leçons à retenir pour le futur, assure Joachim Cunha, directeur du Health Cluster Portugal, association privée à but non lucratif, dont le pays assure en ce moment la présidence tournante du conseil européen.
En revanche, si un pays peut servir d’exemple pour les crises à venir, c’est Israël. Le Pr Ran Balicer, directeur de l’innovation à Clalit (plus grande organisation de santé du pays), également fondateur du Clalit Research Institute et coordonnateur du conseil scientifique Covid-19 israélien, a ainsi rappelé que la robuste infrastructure numérique de leur système de santé a joué un rôle important, tant au début de la vague épidémique que lors de la campagne vaccinale. Le pays a, par exemple, mis en place, dès mars 2020, des modèles prédictifs permettant de repérer les patients susceptibles de développer une forme grave de la maladie. Rappelant que la santé numérique est l’une des priorités de son organisation pour les cinq années à venir, le Dr Hans Kluge, directeur européen de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a souhaité un « échange de bonnes pratiques entre états ». Mais dans l’immédiat, l’enjeu est surtout de sortir de la crise, affirme Andrew Miles, responsable de la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) de Google Cloud, et le numérique doit être mobilisé afin de répondre à trois objectifs : lutter contre la désinformation, prendre le pouls des attentes de la population afin d’accompagner les stratégies vaccinales, et développer la confiance du public dans l’écosystème. Sachant que la grande question d’aujourd’hui est celle de l’émergence de variants potentiellement résistants aux vaccins, le séquençage est d’autant plus important, l’a rappelé Sharon Peacock, microbiologiste, professeure de santé publique et directrice de Covid-19 Genomics UK, l’organisme qui dispose d’une forte expérience sur le sujet au niveau mondial. La révolution des données de santé La crise a aussi révélé l’importance des données de santé dans la gestion d’une crise sanitaire. Représentant la France, Laure Maillant*, qui dirige le pôle Innovation et données de l’AP-HP, a rappelé que la crise du Covid-19 avait imposé la mise en place d’une collecte rapide et la construction d’un recueil de données de qualité au niveau national afin de surveiller et de contrôler l’épidémie en indiquant que cette expérience serait certainement utile pour des applications futures. Le Pr Felix Balzer, directeur de l’Institute for Medical Informatics et responsable de l’information médical à l’hôpital universitaire de la Charité (Berlin), a décrit pour sa part l’expérience du Hub allemand regroupant toutes les données du Covid-19. Si la pandémie a, semble-t-il, instauré un climat de confiance sur le partage des données, la question est désormais de savoir comment capitaliser à partir de cette expérience sachant qu’elle s’est déroulée dans plusieurs pays dans un contexte d’état d’urgence et qu’elle n’est pas nécessairement reproductible.
Certes, les données de santé vont croître de manière exceptionnelle dans le futur. Par-delà les questions d’hébergement des données, qui passeront nécessairement par les technologies du Cloud, comme l’a indiqué le Dr Rowland Illing, médecin chef et directeur de l’International Government Health à Amazon Web Services, le principal défi à venir sera d’accroître la confiance du public dans le partage des données de santé. Mais aussi, sensibiliser les patients à l’intérêt du partage des données, les informer sur les gains potentiels, et les rassurer sur la sécurité de leur utilisation. Une nécessité également soulignée par Laure Maillant dans sa présentation de l’expérience parisienne d’entrepôt de données autorisée depuis 2017. Au-delà des solutions du numérique, la pandémie aura surtout mis en lumière, pour les orateurs, l’importance d’une solide offre de soins primaires et d’une couverture santé universelle. Ils ont tous d’ailleurs plaidé en ce sens : la santé doit plutôt être conçue comme une ressource que comme une dépense. C’est peut-être là, le principal enseignement de la pandémie actuelle !
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