Soins non programmés, assistants médicaux, IPA... Comment la Cnam veut doper les maisons de santé
"Je veux que l'exercice isolé devienne progressivement marginal, qu'il devienne l'aberration et qu'il puisse disparaître à l'horizon de janvier 2022", déclarait Emmanuel Macron en septembre 2018. Si l'exercice "isolé" (si tant est qu'il existe vraiment) n'a pas dit son dernier mot, l'exercice coordonné continue de tisser sa toile en France, essentiellement sous trois formes : les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les équipes de soins (primaires, spécialisées et bientôt "ouvertes"), les maisons et pôles de santé. En ce début d'année 2021, 1617 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) maillent ainsi le territoire. Les négociations interprofessionnelles qui se sont ouvertes jeudi dernier visent à booster ces structures, au sein desquelles quelques 14 200 professionnels prennent en charge 4 millions de patients adultes médecin traitant, d'après les derniers chiffres de l'observatoire des MSP (DGOS), datés de 2019.
La première séance de négociation a été l'occasion d'un état des lieux, près de quatre ans après la signature du premier ACI (20 avril 2017), qui avait fait suite à un règlement arbitral très décrié. Un accord signé à ce jour par 1168 MSP, soit près des trois quarts d'entre elles. La crise sanitaire n'a pas freiné cette dynamique puisque 212 MSP supplémentaires ont signé avec l'Assurance maladie l'an dernier. Les médecins généralistes sont au cœur de cette organisation : chaque MSP compte en moyenne 4.6 MG associés*, exerçant aux côtés de 8.2 professionnels paramédicaux, de 0.9 pharmacien, de 0.5 sage-femme, de 0.4 chirurgien-dentiste et de 0.3 médecin d'une autre spécialité.
Capture : Cnam Environ 55.6 millions d'euros de rémunération forfaitaire ont été versés aux MSP adhérentes à l'ACI par la Cnam en 2019, soit 56.2% de plus qu'en 2017. Mais la rémunération moyenne brute versée à chaque structure a diminué, passant de 66120 euros à 60680 euros. Plusieurs facteurs expliquent cette baisse. Elle est d'abord liée à la rémunération partielle, car proratisée, attribuée aux MSP qui ont signé l'ACI en cours d'année. Elle est ensuite justifiée par la fin de deux "dérogations" en 2019 : l'inclusion des enfants "consommants" (au moins deux actes de MG par an au sein de la MSP) dans la patientèle de référence de la MSP et la prise en compte des professionnels de santé exerçant moins de 50% de leur activité dans la structure. Résultats : la patientèle de référence a diminué de 5% et le nombre d'associés a baissé de 14% (de 9537 à 8174, dont 2557 MG), quand celui des vacataires** a bondi de près de 90% sur la même période (1307 à 2477).
Comme pour la Rosp, la rémunération forfaitaire versée aux MSP est basée sur l'atteinte d'indicateurs, divisés en trois grandes catégories : accès aux soins, travail en équipe, et système d'informatisation. "Une majorité d'indicateurs a évolué positivement entre 2017 et 2019", souligne la Cnam dans le document de séance, qu'Egora a pu consulter. Parmi les points forts : l'amplitude horaire (de 8 à 20 heures en semaine et de 8h à 12h le samedi), la diversité des professionnels présents, l'organisation de plages de consultations de médecins spécialistes de second recours, de sage-femme, de chirurgien-dentiste ou de pharmaciens extérieurs à la structure, l'évaluation de la satisfaction des patients, l'accueil de stagiaires ou encore la mise en place de protocoles pluri-professionnels pour la prise en charge et le suivi de patients dont la pathologie nécessite l'intervention coordonnée de plusieurs professionnels. En moyenne, une MSP a validé 3.2 protocoles (174 en ont réalisé plus de 5), sachant que l'ACI en valorise jusqu'à 8. En tête des thématiques choisies par les professionnels, la prise en charge des patients sous AVK, les plaies chroniques et les patients traités par insulinothérapie.
capture: Cnam Ce nouvel ACI, qui fera l'objet de deux séances de négociations avec la quarantaine d'organisations représentatives des professionnels de santé, aura quatre objectifs principaux : améliorer l'accès aux soins non programmés, permettre l'embauche d'assistants médicaux ainsi que l'intégration d'infirmiers en pratique avancée, et surtout valoriser la participation des MSP à la lutte contre les crises sanitaires graves. "On a vu que ces équipes structurées avaient été capables de mettre en place des organisations pour dépister, suivre et tracer les patients Covid", souligne le Dr Pascal Gendry, président d'AVECSanté (ex Fédération française des maisons et pôles de santé). En tant qu'animatrices ou hôtes de centres, elles participent activement à la campagne de vaccination, ajoute le généraliste, qui paradoxalement, n'est pas présent à la table des négociations, la fédération n'étant pas une organisation syndicale. Ce qui ne l'empêche pas de formuler des "propositions". "Il faut saluer l'effort des MSP, qui ont su redéployer leurs moyens et leur organisation au service de l'urgence sanitaire", abonde le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat MG France, qui va négocier une "dotation" dédiée.
La prise en charge des soins non programmés est un autre sujet majeur de ces négociations. L'enjeu est de taille, les négociations pour l'avenant 9 à la convention des médecins ayant échoué, pour l'instant, à valoriser la régulation et l'effection des soins non programmés dans le cadre du futur Service d'accès aux soins (SAS). "On a des MSP qui ouvrent des plages dédiées de 3-4 heures, comme pour la permanence des soins, avec des médecins d'astreinte", souligne le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes CSMF. "S'il n'y a que 4 patients qui viennent au lieu de 12, comment on rémunère?" Et Jacques Battistoni, de MG France, d'évoquer la possibilité de rémunérer "l'organisation" de ces consultations dédiées, à défaut de majorer la consultation en tant que telle, la Cnam y étant opposée. Pour Pascal Gendry, le SAS ne doit pas être "un SOS médecin départemental". Les soins non programmés peuvent être pris en charge par l'équipe, souligne le président d'AVECSanté, qui souhaiterait que les MSP soient incitées financièrement à mettre en place les six protocoles de coopération validés par la HAS pour la prise en charge de la cystite, de l'angine, de la rhinite allergique ou encore de l'entorse. Enfin, les négociations traiteront de l'embauche des assistants médicaux dans les MSP ainsi que de l'intégration des infirmières en pratique avancée. Salariées? Libérales? La question n'est pas tranchée. Pour Jacques Battistoni, les IPA en MSP pourraient être des "infirmières de parcours, comme en cancérologie". Pascal Gendry, de son côté, envisage des "infirmières de santé publique". Bien que le calendrier soit très serré, les syndicats entendent imposer d'autres sujets. MG France a proposé d'autoriser au sein des MSP la prescription de consultations chez le psychologue, considérant que "le besoin se fait particulièrement ressentir aujourd'hui". La CSMF, quant à elle, souhaiterait mieux rémunérer les MSP les plus actives. "Certaines MSP sont engagées dans 4, 5 ou 6 missions de santé publique***. Il n'est pas anormal qu'elles soient plus valorisées que celles qui n'en font que 2", souligne Luc Duquesnel. Mais de l'avis général, l'urgence est de donner aux MSP les moyens de poursuivre leur mobilisation face au Covid. Dans ces conditions, la perspective d'un report des négociations après la tenue des élections URPS ne laisse que peu de chance au débat. *Pour être associé, un professionnel de santé doit y exercer au moins 50% de son activité.
** Moins de 50% de l'activité exercée dans la MSP
***L'ACI ne rémunère que deux missions de santé publique au maximum parmi une liste définie : surpoids et obésité chez l'enfant, couverture vaccinale, prévention du suicide…
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