Il nie les faits depuis le début de l’affaire, en 2017, mais la liste n'en finit pas de s'allonger… L'anesthésiste Frédéric Péchier, déjà mis en examen à Besançon pour 24 empoisonnements, est maintenant soupçonné de huit nouveaux cas d'empoisonnement potentiels de patients, dont quatre mortels.
Le procureur de la République Étienne Manteaux a annoncé ce mardi 27 septembre avoir versé en septembre ces huit nouveaux cas au dossier d'instruction ouvert en 2017: "La juge d'instruction est donc désormais saisie d'un total de 32 cas d'empoisonnement potentiels, dont 13 mortels", survenus en cours d'opérations dans deux cliniques privées de Besançon entre 2008 et 2016, relève-t-il. "Le magistrat instructeur attend désormais que l'ensemble des résultats des expertises en cours, attendus pour janvier 2023, soient rendus pour entendre le Dr Péchier, puis décider si elle le met en examen pour ces huit nouveaux cas", a-t-il précisé.
L'affaire avait débuté lorsqu'une anesthésiste de la clinique Saint-Vincent de Besançon avait donné l'alerte après trois arrêts cardiaques inexpliqués de ses patients en pleine opération. Les poches de perfusion avaient été saisies et des analyses avaient révélé des "doses de potassium 100 fois supérieures à la normale", rappelle le procureur. En janvier 2017, une information judiciaire avait été ouverte et en mars, Frédéric Péchier, qui exerçait dans cette clinique, avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour sept premiers cas d'empoisonnement présumés de patients.
Discréditer ses collègues
Dans le cadre de l’enquête, la direction de la clinique avait présenté aux enquêteurs de la police judiciaire de Besançon 66 cas d'EIG (événement indésirable grave) survenus dans leur établissement. Ces investigations ont mené, en mai 2019, à la mise en examen du Dr Péchier pour 17 nouveaux cas d'empoisonnement, soit un total de 24 cas concernant des patients âgés de 4 à 80 ans, dont neuf mortels.
Concrètement, l'anesthésiste est soupçonné d'avoir pollué les poches de perfusion de patients de ses collègues pour provoquer des arrêts cardiaques, avant d'intervenir en démontrant ses talents de réanimateur, mais aussi pour discréditer des collègues de cliniques de Besançon avec lesquels il était en conflit.
Les enquêteurs de la police judiciaire de Besançon ont poursuivi en parallèle l'enquête préliminaire sur les EIG signalés par la clinique Saint-Vincent. Ces investigations et la nomination en mai 2021 d'un nouvel expert ont permis d'identifier les huit nouveaux cas d'empoisonnement présumés, pour lesquels quatre corps ont dû être exhumés. Pour faire avancer l'instruction, le ministère de la Justice, "conscient des enjeux de ce dossier", a missionné pour une durée de 18 mois un assistant spécialisé en médecine auprès de la juge d'instruction, "pour lui permettre de bénéficier de l'expertise d'un médecin légiste", note le procureur.
"Ça fait six ans qu’il ne travaille pas"
“J'ai l'impression qu'on empile les cas depuis le début de cette affaire, comme si en ajoutant des cas ça apportait ce qui manque dans ce dossier depuis le début : une seule preuve contre le docteur Péchier", a réagi son avocat. "L'accusation fait son petit dossier tout seul, sans le docteur Péchier, sans aucune contradiction (...) pour démontrer que c'est le docteur Péchier qui serait coupable. C'est ça le problème du dossier: on ne cherche pas le coupable, on veut prouver que c'est le docteur Péchier, et on n'y arrive pas."
Il y a un an, en septembre 2021, l'anesthésiste a tenté de se suicider en se défenestrant. Il avait envoyé un message à sa mère: "Je veux que cette vie s'arrête, je veux mourir innocent." "Il va mal, psychologiquement c'est extrêmement difficile, ça fait six ans qu'il ne travaille pas, qu'il n'a plus de revenus, qu'on le sépare de sa famille, qu'il ne vit plus chez lui mais chez ses parents", a encore détaillé son avocat. Dans l’attente de son jugement, il est interdit d’exercer.
[avec AFP]
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