Le virus responsable du sida a-t-il été découvert en 1983 par les chercheurs français Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi ou un an plus tard par l'Américain Robert Gallo ? La polémique n'a été close qu'en 2008 avec l'attribution du prix Nobel aux seuls Français. Au tout début de l'année 1983, un spécialiste parisien des infections, Willy Rozenbaum, l'un des premiers à s'être intéressé en France au sida, réalise un prélèvement sur un de ses malades homosexuels à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Cette maladie conserve beaucoup de mystères. Mais on sait qu'elle s'attaque aux lymphocytes. D'où l'idée de réaliser un prélèvement là où se loge ce type de globules blancs: dans les ganglions du cou du malade. Lymphadenopathy Associated Virus ou… Le prélèvement arrive le 3 janvier sur les paillasses du laboratoire de l'Institut Pasteur, où le Pr Luc Montagnier dirige une unité de recherche sur des virus particuliers, les rétrovirus, dont certains causent des cancers. "A la nuit tombée (...), je me mets au travail", raconte Montagnier dans son livre "Des virus et des hommes". Avec ses associés, Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Chermann, il détecte un nouveau rétrovirus, qu'ils décident de baptiser LAV (Lymphadenopathy Associated Virus). En mai, l'équipe de Pasteur publie un article dans la revue américaine Science. Ce rétrovirus "pourrait être impliqué dans plusieurs syndromes pathologiques, dont le sida", écrivent-ils.
La découverte est accueillie avec "scepticisme", en particulier par l'Américain Robert Gallo. Ce grand spécialiste des rétrovirus est connu pour avoir isolé le HTLV-1, responsable d'un type de leucémie chez l'Homme. L'équipe de Pasteur est, elle, de plus en plus persuadée que le LAV est responsable du sida. Montagnier présente des données en ce sens en septembre 1983 à une poignée d'experts dont Gallo. Peu de réactions. "Pendant une année, nous savions que nous avions le bon virus (...) mais personne ne nous croyait et nos publications étaient refusées", se souvient Luc Montagnier. … HTLV-3
Coup de tonnerre au printemps 1984: Gallo soumet une série d'articles pour annoncer sa découverte d'un nouveau rétrovirus, HTLV-3, présenté comme la "cause probable" du sida. Le 23 avril, Margaret Heckler, la secrétaire d'État américaine à la Santé, l'officialise lors d'une conférence de presse avec le médecin. Le même jour, Gallo dépose une demande de brevet aux Etats-Unis pour un test de dépistage du sida, basé sur sa découverte. Elle est rapidement accordée alors qu'une demande similaire déposée précédemment par l'Institut Pasteur après sa découverte du LAV avait été refusée. Rapidement, Gallo et Montagnier estiment qu'HTLV-3 et LAV sont probablement les mêmes virus. La preuve de leur unicité est donnée en janvier 1985. Les deux virus étant identiques, la paternité de la découverte du virus du sida doit être mise au crédit des Français et non pas des Américains, critique en février 1985 la revue scientifique New Scientist. "Pourquoi le mythe selon lequel Gallo a découvert le virus du sida persiste-t-il?", s'interroge-t-elle.
La France et les Etats-Unis se disputent la paternité de la découverte jusqu'en 1987, date d'un accord franco-américain, où Gallo et Montagnier sont qualifiés de codécouvreurs du virus du sida. Le véritable épilogue n'interviendra qu'en 2008 avec l'attribution du prix Nobel de médecine "pour leur découverte" du VIH aux seuls Français Montagnier et Barré-Sinoussi, et non pas à Robert Gallo.
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