"Nous sommes victimes de maltraitance" : les cliniques privées partent au combat et annoncent une grève sans précédent
500 millions d'euros, c'est la différence de financement entre les cliniques privées et l'hospitalisation publique. Les premières n'ont obtenu que 0,3% d'augmentation de budget quand les seconds verront leurs finances augmenter de 4,3%. Face à cette "maltraitance" et ce "dumping social", la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) lance un mouvement de grève massif et sans précédent les 3, 4 et 5 juin prochains.
"Nous sommes dans une période unique, il y a une alliance totale entre les médecins libéraux et l'hospitalisation privée. Parce qu'une clinique sans médecin, c'est un hôtel et je n'ai pas vocation à diriger des hôtels", a lancé en préambule de sa conférence de presse Lamine Garbi, président de la FHP. Pour cet évènement annonciateur d'un mouvement de grève sans précèdent, l'hospitalisation privée s'est entourée de représentants de la médecine libérale. Le Dr Jérôme Marty (UFML) les Drs Philippe Cuq et Patrick Gasser (Avenir Spé-le Bloc), le Dr Franck Devulder (CSMF), la Dre Sophie Bauer (SML) ainsi qu'un représentant de la FMF, étaient présents pour soutenir Lamine Garbi. "Nous sommes réunis tous ensemble parce que nous travaillons dans les établissements privés, c'est notre outil de travail. Nous avons besoin de personnel, d'innovation et donc de moyens. Nous sommes très inquiets pour la continuité de l'offre de soins", a souligné le Dr Cuq.
"Quand on reçoit une mauvaise nouvelle, on s'en souvient toujours. Moi, c'était un mardi après-midi, je reçois un appel d'un journaliste pour me demander une réaction sur les financements accordées aux cliniques. Je lui réponds que rien n'est encore acté et je découvre en même temps une interview du ministre dans Les Echos dans laquelle il annonce ses choix", se remémore Lamine Garbi. C’était le 26 mars dernier et le couperet venait de tomber. Le Gouvernement annonçait que l'augmentation des financements accordés aux hôpitaux privés ne serait que de 0,3%, contre 4,3% pour les hôpitaux publics.
"Ces 500 millions d'écart entre public et privé sont choquants"
"Tous les ministres depuis Agnès Buzyn ont soutenu des égalités de tarifs entre hospitalisation publique et privée. Cette année nous n'avons pas eu de discussion sur le sujet, nous avons été éjectés de la campagne tarifaire. Ces 500 millions d'écart entre public et privé sont choquants, ça ne passe pas. Nous sommes victimes de maltraitance. Nous ne voulons pas gagner plus mais nous rappelons que 40% des établissements privés sont en déficit. La branche privée, c'est 800 millions de déficit. Cela signifie fermeture des services d'urgences, d'obstétrique, réductions des investissements…", a martelé Lamine Garbi.
La FHP compte environ 1 000 établissements dans 90 départements. Neuf millions de patients y sont pris en charge chaque année, dont trois millions aux urgences. "Nous prenons en charge 35% des besoins de santé sur le territoire avec 18% des budgets de l'Assurance maladie. Si l'hôpital public avait ces mêmes ratios, la Sécurité sociale ne serait pas en déficit", a souligné le président de la FHP, avant de poursuivre : "Nos tarifs sont 30% moins chers que dans le public. Au lieu de nous stigmatiser, on pourrait nous encourager, cela ferait faire des économies à la Sécu."
Arrêt total de l'activité les 3, 4 et 5 juin
Face à "cette différence d'équité et d'égalité" entre public et privé, la FHP annonce un "arrêt total de l'activité" de l'ensemble de ses établissements les 3, 4 et 5 juin prochains. Tous les services, y compris les urgences, seront fermés. Seules les dialyses seront assurées. La grève se poursuivra jusqu'au 9 juin pour les urgences et la permanence des soins. "Le mouvement est reconductible et il durera le temps qu'il faudra", a prévenu Lamine Garbi. "Là, le Gouvernement va peut-être comprendre que nous sommes essentiels", a-t-il tonné.
A compter de mi-mai, les opérations seront donc déprogrammées. Les urgences sont transférées dès le 1er juin. "C'est insupportable d'en arriver à cela. Les médecins sont là pour soigner et pas pour faire des mouvements sociaux. Nous sommes dans une situation très difficile. Cela va être dramatique", a déploré le Dr Cuq.
"Cabinets de ville solidaires"
"Les médecins libéraux soutiennent ce mouvement. Nous allons appeler à la fermeture des cabinets à partir du 3 juin. La situation est gravissime. Nous n'avons aucun état d'âme à dire d'arrêter. Des établissements risquent de fermer à cause de l'incurie de ce Gouvernement", s'est emporté le Dr Marty. "Les cabinets de villes seront solidaires. Nous ne pouvons pas travailler sans les établissements privés. Le problème c'est que le ministre est issu de l'hôpital public en tant qu'ancien dirigeant de la FHF. Cette différence de traitement est invraisemblable. Nous allons nous mobiliser, nous ne pouvons faire autrement", a abondé la Dre Bauer. "Une telle différence tarifaire va mettre à mal la santé de la population et va conduire à des choix d'activité, plus que d'autres", a estimé pour sa part le Dr Devulder, également "solidaire du mouvement".
Pour mettre fin à sa grève, la FHP réclame 500 millions d'euros supplémentaires, pour bénéficier d'une hausse de budget équivalente à celle allouée aux hôpitaux publics. Une rallonge qui serait puisée dans des enveloppes déjà prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, ce qui éviterait un Ondam rectificatif. Ainsi, 200 millions d'euros seraient issus des Migac (missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation) "non fléchées" et 321 millions d'euros proviendraient de la somme allouée à la permanence des soins en établissements de santé (PDSES).
Sans cette rallonge budgétaire, la FHP prévient qu'aucune hausse de salaire ne pourra être envisageable. "Ça n'est pas acceptable alors que de l'autre côté de la rue il y a du dumping social. L'hospitalisation est le seul secteur où le public paye mieux que le privé", a pointé Lamine Garbi. "Il n'y a aucune différence de travail entre les infirmières du public et du privé", a rappelé Philippe Cuq. "Ces demandes d'augmentation tarifaires ne sont pas centrées que sur les médecins", a pointé le Dr Gasser.
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