L’Ordre des médecins veut empêcher les soins non conventionnels d’utiliser le mot "médecine"
Le terme “médecine” pourrait-il être bientôt banni des appellations telles que “médecines alternatives”, “médecines douces”, “médecines secondaires” ? Cet encadrement d’usage est en tout cas l’une des ambitions du Conseil national de l’Ordre des médecins, révélait Ouest-France lundi 26 juin, à la veille de la publication du rapport du Cnom sur “Les pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives. Etat des lieux et proposition d’actions”. Considérant que “le public n’est pas suffisamment éclairé pour faire la différence entre un médecin et un professionnel qui indique pratiquer une profession comportant la dénomination ‘médecine”, l’instance entend ainsi modifier la loi et réserver ce terme aux soins conventionnels. De même, seules les professions médicales pourraient pouvoir porter le titre de “Docteur” seul, fait savoir le rapport du Cnom. “Dans le souci d’apporter une information loyale à nos concitoyens pour ne pas créer d'ambiguïté sur la nature de l’exercice du professionnel qui se présente(ra) en qualité de Docteur”, le Cnom estime nécessaire d’inscrire dans la loi l’obligation d’indiquer aussitôt après le titre de ‘Docteur’ la science dans laquelle la thèse a été soutenue “lorsque l’exercice est présenté comme relevant du soin”. Une absence d’encadrement Ces termes ‘médecine ou ‘docteur’ n’étant en effet pas suffisamment encadrés ou protégés jusqu’alors, “ils sont utilisés de façon volontairement ambigüe par les professionnels de santé”, écrit le Cnom dans ce document. Il entend dès lors y remédier, éviter toute confusion préjudiciable. L’idée est de bien faire le distinguo avec les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) – telles que l’apithérapie, l’aromathérapie, l’auriculothérapie, etc –, qui ont “pour point commun qu’elles ne sont ni reconnues au plan scientifique, par la médecine conventionnelle, ni enseignées au cours de la formation initiale des professionnels de santé”, met en évidence le texte. Or ces PSNC sont en pleine explosion, celle-ci pouvant “trouver son origine dans la pénurie de l’offre de soins, l’influence de la crise sanitaire et du contexte actuel, la mouvance ‘bio’ et l’offre des formations bien-être et développement personnel”. Le problème est qu’“aucun encadrement des PSNC ni organisme de contrôle n’existe à ce jour”, dénonce l’instance. Cette absence d’encadrement peut produire des situations dangereuses pour les personnes qui y ont recours. L’Ordre évoque ainsi “l’exercice illégal de la médecine” de certains, les “dérives thérapeutiques” qui peuvent notamment conduire à l’arrêt de soins et à une perte de chance pour les malades, voire des “dérives sectaires”, dès lors qu’il y a emprise mentale. Le rapport du Cnom, citant la Miviludes, met ainsi en lumière que 70% des signalements dans le domaine de la santé concernent des PSNC. 1 700 signalements de dérives en 2022 “Nous sommes extrêmement sollicités, les signalements de dérives sont quotidiens : 1 700 courriers en 2022. C’est un vrai problème de santé publique”, pose le Dr Claire Siret, pilote du rapport, dans le quotidien régional breton. Le Cnom met de fait en avant la nécessité d’éclairer le libre choix de chacun dans sa prise en charge de “faire le tri entre des pratiques douteuses pour la santé des patients et celles qui peuvent présenter un intérêt dans l’accompagnement du malade et les restreindre au seul domaine du bien-être”. Le rapport met aussi en avant d’autres axes : il estime dans sa synthèse que les doyens doivent être sensibilisés à l’entrisme des formations de ces PSNC dans les facultés de médecine ; qu’il faut revisiter le code ROME et mettre en place des procédures de contrôle des formations professionnelles ; que le “Groupe d’appui technique sur les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique” - GAT - PSNC soit remis en place, “ce qui a été annoncé par Mme la ministre Agnès Firmin Le Bodo en conclusion des Assises de la Miviludes” : qu’il est nécessaire qu’un organisme d’évaluation et de contrôle des PSNC soit mis en place ; de même que des conventions de partenariat entre le Cnom et les instances concernées par la préservation de la santé publique ; et qu’une information régulière des médecins et des patients s’impose. Ce rapport a été publié la veille de la première réunion du comité d’appui pour l’encadrement des pratiques non conventionnelles de santé, qui se tiendra ce mercredi 28 juin sous l’égide des ministères de la Santé et de l’Intérieur, indique l’AFP. [Avec Ouest-France, AFP]
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