Le géant allemand TÜV, certificateur des prothèses mammaires défectueuses PIP, a-t-il failli à sa mission de contrôle ou a-t-il lui-même été victime des fraudes à l'origine de ce vaste scandale sanitaire ? La cour de cassation rendra le 10 octobre une décision lourde de conséquences pour l'indemnisation des nombreuses victimes.
L'avocat général, Jean-Paul Sudre, s'est prononcé pour la cassation de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui avait dédouané TÜV de toute responsabilité, estimant que cette juridiction aurait dû retenir l'"un des griefs susceptibles de caractériser une faute du certificateur". La cour d'appel avait infirmé le jugement du tribunal de commerce de Toulon qui, en 2013, avait condamné TÜV à verser 3.400 euros de provision à chacune des 1.700 victimes plaignantes, soit 5,8 millions d'euros. Près d'un million de prothèses mammaires défectueuses ont été écoulées entre 2001 et 2010 par la société Poly Implants Prothèses (PIP) au mépris de toute norme sanitaire et le nombre de femmes victimes dans le monde est évalué à 400.000. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) assure le suivi de 30.000 femmes ayant eu recours à un implant PIP dont 18.667 ont subi une explantation de leurs prothèses, a souligné Jean-Paul Sudre. TÜV avait apporté à PIP la certification exigée par une directive européenne de 1993 avant la mise sur le marché du dispositif médical. TÜV France avait ensuite réalisé 13 contrôles dans les locaux de PIP, entre octobre 1997 et janvier 2010, sans jamais constater les fraudes. Ces dernières ne seront mis au jour qu'en mars 2010 lors d'un contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (AFSSAPS). Mais pour les avocats de TÜV, le rôle du certificateur n'est "pas de certifier un produit mais un process", autrement dit la capacité du fabriquant à répondre aux normes imposées. Pour cela, seuls des contrôles par "sondages" peuvent suffire, l'organisme devant "tenir pour exactes les informations données par le fabricant" jusqu'à preuve du contraire. "La société ne pouvait pas déceler la fraude de PIP. Elle était tellement élaborée, sophistiquée, comme un décor de théâtre, une réalité parallèle", a expliqué Me Bertrand Périer, avocat de TÜV pour qui on ne peut pas reprocher à son client "un manque de vigilance". "Qui doit subir les conséquences de la fraude ? Les victimes ou le certificateur qui se plaint d'avoir été trompé ? a demandé à la cour Me Patrice Spinosi, avocat des victimes selon qui ce dossier pose la question de la réalité des contrôles imposés par l'Union européenne. Pour l'avocat général, TÜV France aurait dû repérer lors de ses contrôles "l'absence de cohérence entre les achats de matières premières" par PIP et "la production" des prothèses mammaires. Ceci, notamment en 2004 où aucun achat de gel Nusil par PIP n'est intervenu alors qu'il n'est pas possible d'utiliser ce gel au-delà de six mois. Au lieu du gel Nusil, l'un des seuls autorisés pour les prothèses mammaires, PIP se servait pour partie d'un silicone industriel de la société Brenntag normalement utilisé dans la composition d'équipements électroniques. Chacune des parties au dossier a souligné l'importance de la décision que prendra la cour de cassation dans cette affaire pour laquelle deux procédures similaires (TÜV2 et TÜV3) ont été intentées en France contre le certificateur allemand. Le 20 janvier 2017, le tribunal de commerce de Toulon a de nouveau condamné TÜV à verser cette fois 60 millions d'euros à 20.000 nouvelles plaignantes. "Ce n'est pas parce que PIP n'est pas solvable qu'il faut chercher un indemnisateur de substitution", a dénoncé Me Périer. Si la cour de cassation suit les réquisitions de l'avocat général, l'affaire sera renvoyée devant une autre cour d'appel qui devra tenir compte de son analyse juridique. Dans le cas contraire, le géant allemand verra son horizon s'éclaircir et les risques de devoir payer des sommes astronomiques aux victimes de PIP s'éloigner. [Avec l'AFP]
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