C’est un rapport qui aurait presque pu passer inaperçu. Le 21 septembre, le Comité d’éthique du CNRS (Comets) a publié un nouvel avis sur les “multiples formes prises par la communication scientifique dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19”. Saluant, dans un premier temps, la “mobilisation inédite de la communauté scientifique internationale”, ce rapport vise à pointer du doigt les dérives de certains membres de cette communauté à propos de plusieurs polémiques : masques, gestes barrières, traitements médicaux, tests, traçage, vaccin…
Au fil des pages, les auteurs fustigent les “écarts à l‘intégrité scientifique, à la déontologie et à l’éthique” et déplorent "le comportement irresponsable de certains chercheurs qui ignorent, ou veulent ignorer, les fondements de la démarche scientifique que sont la rigueur, l’honnêteté, la fiabilité et la transparence des méthodes utilisées et l’évaluation critique des publications par les pairs”.
Premier scientifique visé par ces propos : le Pr Raoult, directeur de l’IHU Méditerranée, et ses équipes, qui sont nommément cités dans le rapport : “Ils ont déclaré être les tenants d’une ‘éthique du traitement’ qui serait opposée à une ‘éthique de la recherche’. Ce discours a servi la promotion, par Didier Raoult et son équipe de l’IHU de Marseille, du traitement de la Covid-19 par hydroxychloroquine (…) alors même que son efficacité ne reposait que sur une étude clinique contestable”, écrit d’abord le Comets. “Le soutien sans partage d’une partie de la population au traitement à l’HCQ préconisé par Didier Raoult revêt certains traits du populisme scientifique : méfiance à l’égard de ceux qui s’expriment mais ne fournissent pas de clefs immédiates aux questions posées ; préférence pour les solutions simples et rassurantes ; défiance vis-à-vis des élites supposées ignorantes des réalités de terrain ; opposition de communautés régionales éloignées du centre de gravité parisien de prise des décisions ; rejet des affirmations des scientifiques jugés compromis par leur proximité avec l’instance politique qu’ils conseillent ; enfin une forme de fascination exercée par une ‘personnalité forte’ qui s’affirme par ses défis contre la représentativité académique”, relèvent-ils notamment.
Le Comets estime aussi que l’étude publiée par le Dr Raoult dans la revue International Journal of Antimicrobial Agents est aberrante : “Accepté 24 heures après sa soumission, l’article a eu, dès sa parution, un énorme impact international ; il a été critiqué sur sa méthodologie (élimination de cas, biais statistiques, absence de preuves robustes,) et suscité des commentaires sur le processus de validation par les pairs, l’un des signataires, Jean-Marc Rolain, étant aussi l’éditeur en chef de cette revue”, rappelle-t-il. Réévalué quelques temps plus tard par la revue, cette dernière a finalement recommandé le retrait de l’étude… sans que cela ne soit fait.
En effet, le Comets insiste sur les liens qui unissent le Pr Raoult à l’éditeur en chef de la revue, Jean-Marc Rolain, relevant du conflit d’intérêt. “De tels conflits d’intérêt jettent la suspicion sur la validité de leurs travaux et sont d’autant plus critiquables que cette autopromotion contribue à l’avancement de carrière des auteurs et au financement de leur recherche, tous deux conditionnés par le nombre de leurs publications”. “Cette situation rassemble beaucoup d’ingrédients de ce qui s’apparente au ‘populisme scientifique’ avec des tentatives de judiciarisation du débat scientifique à des fins d’intimidation”, écrivent les auteurs du rapport avant de conclure sur la nécessité “d’élever le niveau de culture scientifique des citoyens mais aussi des décideurs politique”, s'inquiètent-ils.
Douste-Blazy et Perronne également visés
Philippe Douste-Blazy, n’est pas en reste. Le Comets critique également dans son rapport la dérive populiste de la pétition lancée en avril 2020 - qui a recueilli plus de 600.000 signatures - par l’ex-ministre de la Santé, avec le Pr Christian Perronne, en soutien au traitement par Hydroxychloroquine proposé par le Pr Raoult aux malades atteints du Covid. “On ne peut que s’inquiéter que le choix d’un traitement puisse être décidé par l’opinion publique sur la base d’une pétition ou d’un sondage et que des décisions politiques puissent être prises en se fondant sur des croyances ou des arguments irrationnels, faisant uniquement appel à la peur ou l’émotion” affirme le comité.
Le documentaire conspirationniste “Hold Up” est aussi dans le viseur du comité d’éthique. Ils “ont participé de la défiance de certains citoyens envers la science en mettant sur le même plan de simples opinions, des observations empiriques, des conclusions hâtives tirées de ces observations et des résultats prouvés avec rigueur”, estime-t-il en parlant de ses réalisateurs. “Son discours simplificateur, à caractère conspirationniste, mélangeant le vrai et le faux, a été abondamment relayé par les médias et par les réseaux sociaux, et a ainsi participé à la désinformation des citoyens sur la pandémie de Covid-19.”
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