La médecine générale est "la spécialité de ses rêves". C'est d'ailleurs celle qu'exerce son père, son mentor. Suivi par près de 40 000 abonnés sur Youtube, l'interne "Dr Mus" porte haut les couleurs de la "team généraliste", changeant radicalement l'image de la profession aux yeux des carabins. Portrait. "On peut dire ce qu'on veut sur le médecin généraliste, des clichés comme 'il ne traite que des rhumes, de la bobologie' mais il est censé avoir les connaissances pour repérer quelque chose de potentiellement grave, et le traiter en urgence." Face caméra, "Dr Mus" explique à sa communauté pourquoi il a choisi la médecine générale. Nommée "la spécialité de mes rêves", la vidéo a été visionnée plus de 80 000 fois depuis sa mise en ligne, le 30 septembre dernier. Lui qui, d'ordinaire, écrit les scenarios de toutes ses vidéos, improvise une liste de "pour" et de "contre" tout droit sortie du cœur. Car la médecine générale est loin d'être "un choix par défaut" pour le carabin de 25 ans. Elle est "une évidence" pour ce fils de généraliste hospitalier. "La médecine, je baigne dedans depuis que je suis tout petit. Je n'ai jamais eu d'autre idée de métier en tête", nous précise-t-il d'emblée. Bac "sans mention" en poche, le jeune Mus se lance en Paces, malgré les mises en garde de ses enseignants… et se prend "une grosse claque". "La première première année a vraiment été la plus difficile. Je n'avais pas de méthode de travail, j'avais un gros manque de confiance en moi. J'étais dans une prépa où j'étais très mal classé", se souvient-il. "C'est grâce à mon père que je n'ai pas baissé les bras. Il a toujours été très présent, me répétant que la première année ne mesurait pas ma capacité à être un bon médecin." Arrivé en 2e année, l'étudiant relâche la pression, "voyage beaucoup" et constitue son groupe de potes. Mais pas question pour lui de devenir tuteur : "Je ne voulais plus entendre parler de la Paces". Ironie du sort, le sujet revient sans cesse dans les questions que reçoit aujourd'hui le youtubeur. Et ses deux vidéos consacrées à la première année de médecine ont explosé ses records d'audience, cumulant à elles seules 500 000 vues. En fin de 3e année, alors qu'ils se replonge sérieusement dans les bouquins, Dr Mus publie ses premières vidéos sur Instagram, puis Facebook. Des "petits sketchs" sur les galères des étudiants en médecine. À l'époque, Vie de carabin est le seul sur le créneau. Petit à petit, l'externe se lance sur YouTube. "Je regarde depuis la création : les premiers podcasteurs comme Cyprien, Norman, les vulgarisateurs comme Dirty Biology, les youtubeurs cinéma, etc. Ils m'ont beaucoup inspiré dans la manière de parler, d'écrire." Très travaillées, ses vidéos de 10-15 minutes nécessitent des jours de travail. "Il m'a fallu deux semaines pour tourner la vidéo sur les urgences, pour trouver les bons mots, pour expliquer la situation comme il faut." Pour qu'elles soient mieux référencées sur la plateforme, Dr Mus a dû se résoudre à intégrer de la publicité. De quoi arrondir les maigres fins de mois d'un étudiant en médecine ? "ça me rapporte une centaine d'euros par mois", répond-t-il. Au temps pour le cliché du youtubeur plein aux as. A la différence du personnage BD de Vie de Carabin, Dr Mus montre son visage. "En vidéo, on perd tellement si on ne montre pas sa tête : il n'y a plus le côté spontané, vrai", souligne-t-il. Mais pas question pour autant de dévoiler son identité. "Je compte continuer les vidéos quand j'exercerai. Je ne veux pas que les gens se pointent au cabinet juste pour me voir", justifie-t-il. Car Dr Mus a acquis très vite la certitude qu'il ne ferait pas carrière à l'hôpital. "En 3e année, on passe quelques jours à l'hôpital. Je me souviens très bien, le premier jour, c'était en chirurgie digestive. Déjà, je me suis dit : 'la chirurgie, ce n'est pas pour moi'." Le carabin est par ailleurs refroidi par la mauvaise ambiance qui règne au sein du CHU, où "chacun se bat pour faire sa place". "C'est dans les hôpitaux périphériques que l'on trouve les vraies équipes, avec des gens qui se soutiennent vraiment", juge-t-il, avec le recul.
Pourtant, c'est dans les CHU que s'effectue encore le gros des stages d'externat, déplore-t-il. "On ne fait que de la spécialité, voire de la surspécialité, pointe-t-il. Sur mes trois ans d'externat, j'ai fait un mois et demi chez le généraliste", illustre-t-il. Dans ces conditions, comment faire découvrir la médecine générale et l'exercice libéral aux étudiants ? "On ne nous apprend pas ce qu'est la médecine générale, regrette Dr Mus. En ce moment, je reçois beaucoup de questions des 6e année qui viennent de passer les ECN et ne savent pas en quoi ça consiste." C'est ainsi que la MG est vue par beaucoup comme "un choix par défaut". "Alors que plusieurs chefs de service, notamment en médecine interne, en infectiologie, nous disent que c'est la spécialité la plus difficile", relève Dr Mus. Arrivé en 6e année, l'échéance des ECN met le carabin à l'épreuve. Il sait déjà qu'il choisira la médecine générale – spécialité où il y a toujours de la place – mais son esprit de "compétiteur" ne peut se satisfaire d'un mauvais classement. "On ne jure que par ce classement, censé nous définir comme individu - ce qui est faux. Je me suis forcé à apprendre des choses qui ne me serviront jamais." "Dépressif", Dr Mus met son compte YouTube en sommeil. "Je ne me voyais pas jouer ce rôle un peu fantasque alors que dans ma tête ça ne se passait pas bien du tout", confesse-t-il. Le classement tombe : l'étudiant se situe "un peu au-delà de la moitié". D'autres spécialités s'offrent à lui, comme la médecine d'urgence, aussi variée que la MG, le suivi des patients en moins. Et l'interne de déplorer que la réforme du 3e cycle ait "amputé" sa spécialité de la médecine vasculaire, de l'allergologie et de la médecine d'urgence. "Ce sont des domaines que j'aurais voulu explorer, comme mon père qui a touché à plusieurs spécialités durant sa carrière, regrette-t-il. J'ai peur que petit à petit on retire cet attrait de la MG, ce côté touche à tout. Je n'avais pas envie de m'enfermer dans quelque chose. Peut-être que je pourrais faire des DU." Depuis novembre, il fait désormais partie de la "team généraliste" aux côtés d'autres carabins médiatiques, tels l'ex-miss France Marine Lorphelin et "Et ça se dit médecin" (150 000 abonnés sur Facebook). Ils viennent d'ailleurs de tourner des vidéos ensemble. De quoi redorer l'image de la spécialité, qui n'en était même pas une il y a encore quelques années. Premier stage aux urgences : le néo-interne voit se dégrader l'ambiance au sein de l'équipe, à mesure que les conditions de travail deviennent difficiles. "J'ai vu le changement entre novembre, où l'équipe était adorable, et décembre-janvier, où plus personne n'avait envie d'être là", témoigne-t-il. Depuis début juin, le voici – enfin ! – en stage au cabinet. "C'était le stage que j'attendais le plus, et ça se passe super bien", s'enthousiasme-t-il. "Personne ne te dit quoi faire. Les MG ont une telle proximité, une telle relation de confiance avec leurs patients, des familles qu'ils suivent depuis des années. C'est un rôle privilégié que je n'ai jamais retrouvé à l'hôpital, où les équipes adulent le chef de service, le big boss." Pour le jeune interne, "le libéral est une évidence", "en tout cas en exercice principal". Mais pas "tout seul", précise-t-il. Dr Mus se voit exercer en groupe, ou en pôle, "avec dans l'idéal 3 ou 4 MG, d'autres spécialistes, une infirmière, un kiné…". "En équipe", mais "indépendants", résume-t-il. Et il a la ferme intention de "continuer les vidéos aussi longtemps que possible".
"Dr Mus" : d'où vient ce pseudo ? "Mon pseudo vient de mon groupe d'amis de médecine, formé en 2e année, raconte-t-il. En soirée, une amie originaire du Pays Basque nous a initiés au jeu du 'Mus', sorte de poker basque. On ne comprenait tellement rien au jeu que cette soirée a été un fou rire général. Depuis, notre groupe s'est renommé 'les Mus'."
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