
Nombre minimal de soignants par lit : une proposition de loi adoptée pour "reconstruire l'hôpital"
La proposition de loi portée par le sénateur et médecin (PS) Bernard Jomier visant à instaurer "un ratio minimal de soignants par lits ouverts" dans chaque spécialité à l'hôpital a été adoptée à une large majorité par l'Assemblée nationale jeudi 23 janvier. Des craintes ont toutefois été exprimées sur le risque d'aboutir à des fermetures de lits en cas de ratios non respectés.

Avec cette proposition de loi, l'Assemblée nationale pose "la première brique pour reconstruire l'hôpital", a souligné Guillaume Garot (PS), rapporteur de la commission des Affaires sociales. Par 138 voix pour contre 3 (et 70 absentions, essentiellement les groupes Ensemble et Rassemblement national), les députés ont adopté le texte porté par le sénateur socialiste Bernard Jomier visant à définir "pour chaque spécialité et type d’activité de soin hospitalier, un ratio minimal de soignants par lit ouvert ou par nombre de passages pour les activités ambulatoires".
Un coût de 7 milliards d'euros
Forme-t-on trop de médecins ?

Fabien Bray
Oui
Je vais me faire l'avocat du diable. On en a formés trop peu, trop longtemps. On le paye tous : Les patients galèrent à se soigne... Lire plus
Ces ratios, qui seront établis par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé, devront tenir compte de "la charge des soins liée à l’activité" et "distinguer les besoins spécifiques à la spécialisation et à la taille de l'établissement". Le texte prévoit que lorsque les ratios ne peuvent "être respectés pendant une durée supérieure à trois jours, le chef d’établissement en informe le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétent".
La proposition de loi prévoit une application de ces ratios à compter du 1er janvier 2027. D'ici là, il faudra "former plus" de professionnels de santé, a rappelé le ministre de la Santé et de l'Accès aux soins Yannick Neuder, estimant que 60 000 infirmières supplémentaires seraient nécessaires (et probablement autant d'aides-soignantes), en plus des 24 000 déjà formées chaque année.
Ces effectifs supplémentaires pour l'hôpital représentent un coût de 7 milliards d'euros, a indiqué le ministre. Yannick Neuder s'est néanmoins montré très favorable à cette mesure, qui renforce la "sécurité des patients" et améliore la "qualité de vie au travail des soignants". "21 % des infirmières hospitalières quittent l’hôpital après dix ans de travail, a-t-il pointé. Ce pourcentage traduit la perte de sens à laquelle ce texte apporte une réponse." "Les soignants nous disent courir d’un patient à l’autre, d’une chambre à l’autre, sans pouvoir faire face dans de bonnes conditions, et se considèrent trop souvent comme 'mal traitant' leurs malades", a déploré Guillaume Garot, estimant que cette proposition de loi leur redonne "espoir". "Personne ne prétend que ce texte permettra de tout résoudre, mais il donne un cadre favorable à une réforme profonde de nos politiques de soin", a insisté le rapporteur.
Les ratios n'entraineront aucune fermeture
Des craintes se sont toutefois élevées dans l'hémicycle. "Si les établissements de santé ne respectent pas les quotas – ce qui sera le cas toujours aux mêmes endroits, c’est-à-dire dans les services des petits centres hospitaliers ruraux en manque d’effectifs –, que se passera-t-il ? Fermera-t-on les services ?", a notamment interpelé Philippe Vigier (Les Démocrates). La députée Annie Vidal (Ensemble pour la République) a souligné que la fixation de ratios en Allemagne, en 2018, avait eu "pour conséquence la fermeture de lits, le report de rendez-vous, l’allongement des listes d’attente et des coûts de personnels supplémentaires au titre de la documentation et du contrôle". "L’évaluation du dispositif en 2024 atteste que le non-respect des ratios est principalement dû à la pénurie de professionnels, que nous connaissons également. Dans 67 % des hôpitaux évalués, le manque de souplesse empêche un bon fonctionnement et, dans 62 % des hôpitaux, il a fallu fermer des lits. Enfin, 80 % des soignants soulignent que leur charge de travail n’a pas été réduite et que les conditions de travail n’ont pas été améliorées."
"Il ne s’agit pas de généraliser les ratios de sécurité" tels qu'ils existent en réanimation, néonatalogie ou dans les services prenant en charge les grands brûlés, a rassuré Guillaume Garot. "Là ce sont des ratios de qualité et quand bien même nous ne pourrons les atteindre dans tel ou tel hôpital, à aucun moment ils n’entraineront de fermeture", a balayé le rapporteur, qui met en avant les bons résultats obtenus en Californie ou dans la province australienne du Queensland : ces ratios ont "montré leur efficacité" pour améliorer les conditions de travail et la qualité des soins, mais aussi pour réduire les coûts de santé en diminuant le risque de maladie nosocomiale, de complications et la durée de séjour.
Il faudra "veiller à ce que l’application de ratios ne se traduise pas par un accroissement intenable du nombre d’heures supplémentaires", a reconnu Yannick Neuder. Ni à "une concurrence entre les services". Le ministre souhaite, enfin, que les établissements "gardent une certaine flexibilité".
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