Risques psycho-sociaux : identifier les signaux d'alerte

20/03/2024 Par M.P.
Médecine du travail
Le médecin traitant est en première ligne pour identifier les ressources mobilisables et éventuellement faire appel à une équipe pluridisciplinaire. Au-delà de cette approche individuelle, la prise en charge doit être écosystémique.

  « Par rapport aux autres pays européens (notamment du Nord), les salariés français sont plus souvent exposés à un manque d’autonomie, (…) un manque de reconnaissance dans leur travail (…), des exigences émotionnelles élevées », écrit la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ministère du Travail (Dare) dans un document de mars 2023. Près de six salariés sur dix sont exposés à au moins trois catégories de risques psychosociaux : intensité et temps de travail, exigences émotionnelles, manque d’autonomie, rapports sociaux dégradés, conflits de valeurs, insécurité de la situation de travail, selon l’enquête « Conditions de travail » 2016. Ainsi, 37 % des personnes interrogées s’estiment mal ou très mal payées et 25 % craignent de perdre leur emploi dans l’année. « Les conditions de travail peuvent être qualifiées de ressources (quand elles entraînent des effets positifs) ou de contraintes (quand elles entraînent des effets négatifs). La santé au travail, c’est l’équilibre entre les ressources et les contraintes », indique Camille Guyon-Taillens, psychologue au sein du service de prévention et de santé au travail inter-entreprises AIST La Prévention active, à Clermont-Ferrand.   Des émotions à cacher Les risques sont multi-factoriels : surcharge de travail, manque de moyens, management maltraitant, situation de l’entreprise (restructuration, baisse d’activité…), situation du travailleur… « Les travailleurs indépendants sont souvent isolés. Ils ressentent davantage la peur de l’échec et la conciliation vie privée-vie professionnelle est compliquée », pointe Camille Guyon-Taillens. Certains secteurs sont particulièrement exposés, comme le secteur social, médico-social et sanitaire. « Ce sont des métiers très coûteux sur le plan émotionnel. » Ils impliquent, comme tous les métiers au contact d’un public, de devoir maîtriser et cacher ses émotions. 42 % des salariés exerçant ce type d’activité déclarent vivre des situations de tension avec le public, 15 % avoir subi au cours de l’année écoulée une agression verbale, physique ou sexuelle dans ce cadre, et 11 % une agression de la part d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique. Les femmes sont plus exposées que les hommes : elles indiquent plus fréquemment exercer un travail répétitif (47 % contre 39 % des hommes), devoir cacher leurs émotions (31 % contre 19 %) et manquer d’autonomie dans leur travail. Elles subissent également des inégalités en termes de répartition des tâches domestiques, de rémunération et de situation socio-économique.   Prévenir le risque suicidaire Les conséquences peuvent être une fatigue aiguë ou chronique, du stress, mais aussi le développement d’une maladie cardiovasculaire, une dépression… « Le burn-out – phase finale de l’épuisement – s’accompagne de symptômes dépressifs, d’une incapacité à penser, de troubles du sommeil, de troubles alimentaires et gastriques, d’une dépersonnalisation non perçue par le sujet. Il faudra alors identifier ses ressources (amis, famille, activité créatrice, pratique d’un sport…) et voir si elles sont mobilisables », explique Camille Guyon-Taillens. « S’il y a des idées suicidaires, sont-elles mentalisées, programmées ? Ces critères déterminent le degré d’urgence. » Le cas échéant, le médecin généraliste pourra contacter le médecin du travail, le centre médico-psychologique, des associations locales et, en cas d’événement grave (plan social, suicide d’un collègue…), la cellule d’urgence médico-psychologique de l’hôpital. Cependant, la prise en charge de ces problématiques ne suppose pas seulement de traiter les conséquences sur l’individu, mais plus globalement, d’analyser les organisations de travail. « Considérer que le stress serait la faute de l’individu est une vision arriérée. Dans un contexte dégradé, l’analyse des risques psychosociaux et organisationnels (RPSO) doit être prioritaire et non la mise en place d’une démarche "qualité de vie et des conditions de travail" (QVCT). L'entreprise est un écosystème, un espace social. De fait, il est essentiel d’avoir une approche écosystémique, holistique et multi-factorielle », précise Camille Guyon-Taillens. Qui rappelle l’obligation faite à l’employeur d’« assurer la santé physique et mentale de ses salariés ».     Les autres articles de ce dossier : - Cancers : une origine professionnelle largement méconnue
- Troubles musculo-squelettiques : une prévention précoce est nécessaire
- Bruit : savoir repérer une pathologie
- Changement climatique, un impact global direct et indirect sur la santé au travail

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