"Nous sommes des salariés déguisés de la Sécu" : le combat de 8000 médecins pour un C à 50 euros

21/10/2022 Par Sandy Bonin
Ils sont déjà près de 8.000. 8.000 médecins de tous âges, de toutes spécialités mais aussi de tous bords politiques rassemblés sur la page Facebook "Médecins pour demain". Ils se sont réunis avec le même objectif : obtenir un C à 50 euros et une amélioration de la qualité des soins. Unis au sein d'une coordination lancée en septembre dernier, ces praticiens entendent peser sur les prochaines négociations conventionnelles. Ils annoncent déjà une journée de grève nationale, le 1er décembre prochain.  

 

"Nous, médecins, sommes des salariés déguisés de la Sécurité sociale. Nos tarifs sont bloqués mais nos charges ne font qu'augmenter. On ne peut pas s'adapter à la vie comme n'importe quelle profession libérale. La variable d'ajustement, c'est de faire plus d'actes et de voir plus de monde. On est obligés de faire de l'abattage. Et nous sommes déjà à bout. D'un point de vue humain, ce n'est pas possible. A quelle autre profession on demanderait cela ? Qui humainement peut recevoir plus de 30 personnes ? Un avocat ? Un banquier ? Un notaire ?" Le ton est donné. La Dre Christelle Meurisse, médecin généraliste nantaise, est bien décidée à donner un coup de pied dans la fourmilière d'une profession qui a trop souvent "la tête dans le guidon". Membre de la coordination Médecins pour demain, lancée le mois dernier, elle entend fédérer ses confrères autour de la du métier de médecin.  

Tout a commencé sur les réseaux sociaux et notamment sur le groupe Facebook "Le divan des médecins". "J'entendais mes consœurs et confrères râler. Mais il y avait aussi des sentiments de désespoir, de colère et d'injustice", retrace la Dre Christelle Audigier, généraliste à l'origine de la coordination. La jeune femme décide alors de créer un groupe Facebook avec pour objectif principal d'obtenir une hausse du prix de l'acte. "Nous demandons une revalorisation de l'acte de base, pour toutes les spécialités confondues, à hauteur de 50 euros", explique la Dre Audigier qui souhaite aligner la rémunération des médecins sur une moyenne européenne, mais aussi "redonner envie aux jeunes médecins de s’installer". "A 25 euros la consultation, on ne peut pas investir dans du matériel ni embaucher du personnel", abonde la Dre Meurisse.  

La mayonnaise du groupe Facebook a vite pris. "Ça a fait écho chez les médecins", a rapidement constaté Christelle Audigier. 500 à 1000 personnes ont afflué chaque semaine sur le groupe qui compte désormais près de 8.000 membres.  

Une histoire qui n'est pas sans rappeler celle du groupe Facebook "Les médecins ne sont pas des pigeons", lancé en 2012 et ancêtre du nouveau syndicat UFML-S. Christelle Audigier comprend la comparaison, mais rappelle que son mouvement est "apolitique et asyndical". "Asyndical ne veut pas dire contre les syndicats", précise la Dre Audigier. D'ailleurs l'UFML-S et le SML ont déjà apporté leur soutien à la coordination. D'autres syndicats sont en passe de le faire officiellement.  

"On ne peut pas être contre ce mouvement. Ils sont partis sur une revendication que l'on porte depuis plus de dix ans. Je suis en contact avec l'une des organisatrices. Nous sommes très bienveillants à leur égard", a commenté le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S. S'il n'appelle pas tout de suite à rejoindre le mouvement pour ne pas créer "un mouvement d'aspiration", il n'hésitera pas le faire à l'approche de la journée de grève.  

Car le mot d'ordre est déjà lancé. Le 1er décembre prochain, la coordination appelle à la fermeture des cabinets. "Si nous ne sommes pas écoutés, nous relancerons une grève qui sera appelée à s’inscrire dans la durée dans les semaines qui suivent", prévient la coordination. 

Des manifestations ou d'autres actions coup de poing sont...

encore en discussion. "Nous sommes conscients que notre voix lors des négociations conventionnelles sera faible, mais nous voulons donner du pouvoir aux syndicats", commente Christelle Audigier. Sur les conseils de Jérôme Marty, le groupe commence à s'organiser et se régionaliser. "Se régionaliser permet de passer au réel", explique le président de l'UFML-S.  

Si les coordinations ne sont pas signataires de la convention médicale, leur rôle n'est pas négligeable. Notamment lorsqu'elles sont régionalisées. A l'image du mouvement qui a agité la profession et milité pour un C à 20 euros en 2002. Les coordinations appelaient les médecins à contrevenir à la convention en facturant 20 euros la consultation au lieu des 18,50 euros négociés quelques mois plus tôt. Manifestations, grèves… les coordinations ont alors réussi le pari de mobiliser les médecins et sont parvenus à obtenir le C à 20 euros.  

"Nous voulons fédérer le plus grand nombre de médecins possible", ambitionne Christelle Audiger. "Si nous ne faisons rien, nous pouvons nous attendre à une augmentation du G/CS à 27-28€, quelques revalorisations soumises à des contreparties plus ou moins contrôlables des différents forfaits, une incitation de plus en plus forte à adhérer à une CPTS ou signer un contrat avec l’ARS, avec la perte de notre liberté et une coercition encore plus importante comme énoncée dans ce projet de loi sorti cet été et la proposition d’une 4ème année d’internat avec obligation de stage en zone sous-dotée", alerte la coordination sur sa page internet. 

Quel sera l'avenir de Médecins pour demain ? Christelle Audigier ne peut pas encore le dire. "Je suis néophyte dans ce milieu. Ce sont les membres du groupe qui feront ce qu'il va devenir. Je ne suis que l'étincelle." On peut d'ores et déjà parier que l'on entendra parler de ce mouvement.  

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Michel Rivoal

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