Les slogans sont déjà prêts. "Plus de ponction pour moins de pension". "Nous avons été des fourmis et il nous faut satisfaire l'appétit des cigales." La conférence de presse du collectif SOS Retraites, jeudi, a donné aux professions libérales ciblées par la réforme des retraites l'occasion de dire tout le mal qu'elles pensaient du rapport Delevoye et de ce qu'il semble se dessiner du futur régime universel de retraite, prévu pour 2025. Avec des craintes contrastées, au sein d'un collectif hétéroclite. "Pour la première fois dans l'histoire sociale de ce pays, des personnels soignants, des salariés du transport aérien et des avocats seront réunis pour défiler ensemble", a rappelé en préambule Christine Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, l'ordre professionnel des avocats. La manifestation aura lieu lundi 16 septembre 12h à Paris, avec une marche d'Opéra à Nation. "Dans les années qui ont suivi [la Libération], l'Etat nous a dit de nous organiser : alors oui, nous avons organisé nos régimes de retraite autonomes", poursuit-elle. Les griefs sont connus : crainte pour les réserves (24 milliards pour la CNAVPL, dont 3,4 milliards pour la caisse des Idel et 7 milliards pour celle des médecins libéraux), hausse des cotisations (28,12% sur une assiette de rémunération de 3 Pass, soit 120 000 euros par an) pour une pension réduite, disparition ou marginalisation des caisses complémentaires… Les médecins libéraux à front désuni Mais si le mouvement mobilise beaucoup chez les avocats – qui dénoncent un doublement de leurs cotisations et une baisse de 35 % de leur pension –, l'investissement des professionnels de santé s'annonce moins marqué. Les infirmières libérales (Convergence infirmièr), les kinés (Alizé), les orthophonistes (ORA) sont de la partie, de même que la FMF, Le Bloc et l'UFML (non représentatif) pour les médecins libéraux. Les trois autres syndicats - MG France, CSMF, SML – préfèrent quant à eux se donner le temps de voir. Réunis mercredi, les cinq syndicats représentatifs ont produit un communiqué résumant leurs exigences : maintien du niveau de retraite actuel, sanctuarisation des réserves, intégration des médecins libéraux à la gouvernance, maintien des missions sociales de la Carmf et de l'ASV...
Un choix de l'attente lié aux contours encore flous de la réforme et au choix par le Premier ministre d'un calendrier très étalé – la concertation avec les partenaires sociaux, débutée la semaine dernière, se doublera d'une consultation citoyenne "jusqu'à la fin de l'année", avant un vote au Parlement prévu avant l'été 2020, histoire d'enjamber les municipales. "Se mobiliser aujourd'hui alors même que le Gouvernement, intelligemment et politiquement, a dit 'ça passera dans un an', c'est difficile", glisse le Dr Jérôme Marty (UFML) à l'issue de la conférence. Hold-up estival sur la Carmf Du côté des syndicats mobilisés, on prend soin de ne pas s'afficher comme hostile par principe au régime universel. "On n’est pas contre une réforme des retraites, mais contre le rapport Delevoy", assure le Dr Philippe Cuq, co-président du Bloc. Le goût des jeunes médecins pour le salariat et l'exercice mixte appellent de toute façon une simplification du système. Mais on craint de voir le montant des pensions décroître, malgré les assurances du Haut-commissaire aux Retraites (un point fixe à 0,55 euro, sous réserve d'ajustement d'ici 2024). "Toutes les analyses économiques montrent que le but d'un régime à points c'est d'avoir un point flottant, qui obéisse aux nécessités économiques du pays", s'inquiète Jérôme Marty. Surtout, la fixation du plafond de cotisation pour le régime de base à 3 Pass laisse craindre une marginalisation du régime complémentaire. "Nous voudrions un modèle à la suédoise : un plafond à hauteur d'une Pass et non 3 Pass, qui fait disparaître nos caisses complémentaires", commente Jérôme Marty. Sans compter les réserves du fonds complémentaire (7 milliards), convoitées par les financiers de Bercy. Retraites : la collecte des cotisations retirée à la Carmf, la FMF crie au hold-up Dans ce contexte, l'annonce fin juillet du transfert de la récolte des cotisations à l'Urssaf a provoqué l'ire des syndicats libéraux. "C'est la pire des administrations : avec l’Urssaf vous payez avant, vous discutez après… si vous trouvez quelqu'un", cingle le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Une réunion le 11 septembre entre les syndicats gestionnaires de la Carmf et la directrice de la sécurité sociale (DSS) Mathilde Lignot n'a débouché sur aucune garantie supplémentaire. Des "nantis de proximité" La journée de lundi 16 septembre aura valeur de test pour le collectif SOS Retraites. Mais si les robes seront sans doute nombreuses à battre le pavé – les avocats sont clairement à la pointe du mouvement –, la participation des blouses blanches s'annonce plutôt symbolique. "On ne sait pas du tout ce que va donner la mobilisation : les médecins sont durs à mobiliser, les chirurgiens encore plus", avoue Jean-Paul Hamon, qui veut croire au "début d'un mouvement". "Aujourd'hui il faut absolument qu'on discute avec la profession et qu'on arrive à leur montrer quels sont les dangers de cette réforme : le travail est pédagogique", confirme Jérôme Marty. De la pédagogie en interne, mais aussi à destination du grand public. "Je veux anticiper ce qui va sûrement être écrit : c'est une manif de nantis. Oui mais ce sont des nantis de proximité, des gens qui ont cotisé sans rien demander à l'État ", entonne Jean-Paul Hamon. "On est en train de nous piquer notre pognon et de fragiliser les professions de proximité, au contact : les avocats, médecins, kinés, infirmiers qui rendent service… Oui, c’est une manif de nantis mais on n’a pas peur et en tous les cas si ces nantis disparaissent, je peux vous dire que les autres vont souffrir." Et le président de la FMF de s'éclipser de la salle devant des avocats un peu éberlués, mais finalement pas mécontents de la saillie.
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